L’immense et très singulière entreprise que représentent les Cahiers de Valéry constitue un remarquable défi éditorial. De la définition d’une liste des « cahiers » où ce projet « monstre » se matérialise (et qu’il faut distinguer d’autres supports et pratiques adjacents, tels les carnets, par exemple) à l’établissement du corpus selon une progression chronologique ; de la transcription du texte à la rédaction de l’appareil critique (notes, préfaces, postfaces, annexes) pour le rendre pleinement intelligible, les tâches se révèlent nombreuses et délicates quand on s’attèle à ces matériaux laissés délibérément à l’état manuscrit par leur auteur.

La publication en treize tomes des Cahiers 1894-1914 (Gallimard), préparée pendant une trentaine d’années par une équipe internationale fédérée par l’ITEM, sous la direction scientifique de Nicole Celeyrette-Pietri notamment, a offert pour la première fois une édition critique typographique et chronologique de l’intégralité des cahiers pour une période donnée. Elle a permis de mettre en lumière, tout au long des vingt premières années de rédaction, l’émergence et l’évolution d’une écriture absolument sui generis.

L’approche d’un cahier isolé offre une perspective tout autre, complémentaire de la précédente. L’étude, publiée aux éditions Gallimard, du cahier « Août 33 » (récemment acquis par la BnF, celui-ci ayant été égaré dans de mystérieuses circonstances et, pour cette raison, demeuré absent de toutes les éditions à ce jour) a permis d’examiner dans son unité un cahier ponctuel, rédigé à un moment où l’entreprise des Cahiers – et le statut de leur auteur, désormais auréolé d’une notoriété qui le place au centre de l’intelligentsia européenne – a considérablement évolué par rapport aux années 1894-1914.