Véronique Montémont

Journaux de femmes sous l’Occupation

Philippe Lejeune, qui s’intéresse de longue date aux journaux personnels, notamment féminins, a entrepris de dresser une liste de journaux de femmes tenus sous l’Occupation, laquelle liste a été présentée pour la première fois en 2009 lors d’un colloque à Besançon. Ce premier inventaire, complété depuis (www.autopacte.org), a permis au chercheur de répertorier quelque quatre-vingt dix textes, publiés ou déposés à l’Association pour l’Autobiographie. Ph. Lejeune avait en effet été frappé par le fait que l’anthologie publiée par Guillaume Piketty (Français en Résistance, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 2009) « se décline presque entièrement au masculin ».

Les journaux, et particulièrement ceux de guerre, ont un statut tout à fait particulier, entre littérature et écriture ordinaire, œuvre et pratique sociologique. Certains textes, comme celui de Denise Domenach (Demain il fera beau, Permezel, 2001) ou de Liliane Schroeder (Journal d’occupation. Paris, 1940-1944, François-Xavier de Guibert, 2000), sont des témoignages pris sur le vif, publiés vingt, quarante ou cinquante ans après, sous la pression amicale des amis, de la famille ou de cercles historiques, qui revendiquent une absolue fidélité à l’original. D’autres, comme le Journal à quatre mains (Denoël, 1962), de Benoîte et Flora Groult, ont été publiés sous une forme littérarisée, voire romance, ou encore ont été peu ou prou récrits, voire amendés par un tiers éditeur, tel le journal de Micheline Bood, Les Années doubles (Robert Laffont, 1974). D’autres enfin n’ont pu voir le jour qu’à titre posthume, comme le remarquable Journal d’Hélène Berr (Tallandier, 2008). Cet exposé présentera donc les trois vagues de publication successives de ces textes tout en détaillant la genèse éditoriale de certains d’entre eux, notamment grâce à l’examen de leurs paratextes.

Véronique Montémont est maître de conférences à l’université de Lorraine et ancien membre junior de l’Institut Universitaire de France. Spécialiste des écrits autobiographiques, elle est membre du comité de rédaction de la revue La Faute à Rousseau. Elle dirige également la base de données Frantext (ATILF, Nancy) et a co-animé, avec Sylvie Lannegrand, un programme Ulysses consacré aux visages du conflit dans le journal personnel. Elle a codirigé avec Catherine Viollet Le moi et ses modèles (Academia-Brylant, 2009) et Archives familiales : modes d’emploi (Academia-L’Harmattan, 2011).