03/01/2000

En 1913-14, Kandinsky travaille sur une édition russe de Du spirituel dans l’art. Ce livre, pour lequel il a un contrat avec une maison d’édition moscovite “Iskusstvo”, gérée par deux musiciens, est censé tomber au beau milieu d’une discussion passionnée sur la nouvelle peinture française et particulièrement sur Picasso, qui a lieu en Russie en ces années-là. Kandinsky veut d’un côté prouver qu’il est possible de faire et de penser la peinture moderne en dehors de l’esthétique française ; de l’autre, puisqu’une vision uniquement nationale de l’art moderne lui paraît trop réductrice, il a l’intention de proposer une théorie aux visées universelles et englober une pluralité d’exemples artistiques, individuels et nationaux. L’explosion de la guerre, puis la révolution mettent fin à la maison d’édition “Iskusstvo”, interrompant ainsi le projet de Kandinsky, resté inconnu jusqu’à ce jour ; celui-ci revêt cependant un grand intérêt, présentant un développement et un approfondissement considérables de l’ouvrage en allemand publié par les éditions Piper à Munich en 1911-12. L’article propose donc, dans un premier temps, de comprendre la logique de ce développement, à l’aide d’une analyse du contexte culturel qui a vu naître le projet russe de Kandinsky, et d’une confrontation des épreuves russes fabriquées en 1914 (conservées au Getty) avec les versions allemandes précédentes ; puis, dans un deuxième temps, d’éclaircir le processus et le mécanisme de la genèse de ce projet à partir du matériel russe préparatoire (dactylographies conservées à Munich et à Paris). Les Annexes pour cet article proposent le stemma de Du spirituel dans l’art en allemand et en russe, ainsi que les encadrés contenant les éléments d’une description matérielle des dactylographies de Munich et de Paris.