Honoré Champion, 2019, coll. « Recherches proustiennes »

Ce n’est pas par hasard que le terme de fleur figure dans le titre du volume qui a obtenu le prix Goncourt 1919. À la recherche du temps perdu est irisé par d’innombrables images florales profondément enracinées dans la philosophie esthétique de l’auteur. Alors que les fleurs appartiennent à la réalité tangible, faisant appel aux sens, elles ont aussi des sœurs imaginaires reproduites dans diverses œuvres d’art. Or le péché d’idolâtrie consiste à recourir aux interprétations de grands maîtres pour contempler la nature. C’est au cours de la traduction de La Bible d’Amiens qu’apparaît la définition de ce penchant intellectuel qui est, selon Proust, propre à Ruskin. Pendant les années consacrées à son roman il se bat sans cesse contre cette influence afin de pouvoir aimer avec sincérité la beauté des fleurs. Il produit des pages inspirées par des peintres impressionnistes qu’ignorait Ruskin, mais souhaite avant tout une plume qui exprime mieux qu’aucun pinceau les sensations subtiles et éphémères. Les remaniements divers procèdent par tâtonnements dans ses manuscrits. Cette préparation longue et complexe aboutit à la construction de l’univers poétique que lui seul pouvait réaliser.