La Grande Guerre marque une évidente rupture dans la vie, et dans l’œuvre littéraire d’Henri Barbusse (1873-1935). Tandis qu’il demeurait alors relativement éloigné des préoccupations sociales et politiques, l’expérience du front lui fait prendre conscience de la mission politique qui lui incombe ; et cette prise de conscience résulte presque d’une révélation, tant Barbusse la décrit en termes religieux.

Rappelons que Le Feu, dont l’écriture repose sur des notes prises par Barbusse dans ses carnets, est un journal : c’est-à-dire qu’il s’inscrit dans une perspective autobiographique. Cela dit, peu d’éléments dans ses carnets ou dans les lettres à sa femme permettent de définir avec précision les circonstances qui ont conduit Barbusse à une telle prise de conscience. Pourtant, le rapport qu’il a entretenu avec la censure, et dont il traite avec longuement dans ses lettres contient quelques germes de réponse à ces questions.

Enfin, la manière dont Barbusse met en scène cette prise de conscience, dans Clarté notamment, l’oriente ostensiblement dans une trajectoire religieuse ; la manière même dont il conçoit la structure du roman, et dont il en organise les chapitres, illustre avec netteté l’aspect évangélique de ce bouleversement dans la pensée de l’écrivain. En définitive, Le Feu et Clarté semblent constituer la genèse d’un Évangile qui ne s’affirmera comme tel qu’à la publication par Barbusse de sa trilogie consacrée à la figure de Jésus.

Membre du laboratoire l’AMO à l’Université de Nantes, Jérémy Camus prépare un doctorat de Littérature française consacré à la culture religieuse d’Henri Barbusse, sous la codirection de MM. Régis Tettamanzi et Philippe Baudorre. Sa thèse a pour vocation de montrer que l’œuvre littéraire de Barbusse doit être considérée comme la quête perpétuelle d’une alternative à Dieu. À la croisée de la littérature, de l’histoire politique et de la théologie, ses recherches visent notamment à approfondir l’étude des relations entre culture chrétienne et réflexion sur le communisme à l’aube du XXe siècle. Jérémy Camus a récemment publié un article intitulé « Le Communisme comme alternative à Dieu : problématique de la sécularisation dans l’œuvre d’Henri Barbusse », dans la revue en ligne Loxias.