Masse impressionnante à laquelle plus d’un s’est heurté, les carnets d’Auguste Rodin (1840-1917) sont des documents inédits. Tandis que la renommée du statuaire pour son œuvre sculptée n’est plus à prouver, ses écrits personnels ont été approchés par bribes. Sa correspondance fut l’objet d’une publication quand ses carnets attendent encore leur lecteur. Ils retrouvent le sens même de ce qui fait le livre en proposant une philosophie de la création et non une confession. Le chercheur est confronté à une lecture sans mode d’emploi dont les obstacles sont nombreux. Les annotations constituent finalement une pensée du non-dit alors qu’on attendrait davantage d’un discours propre à l’intime.

Nous présenterons ce travail de recherche actuellement en cours et l’élargirons à la thématique liée aux événements de 1914-1918. L’axe principal relève d’une esthétique de la guerre, celle de la destruction. Mais Rodin n’a pas la tête politique : il part à Londres puis en Italie.  Il est inquiet. A trois ans de sa mort, il s’étonne de cette « barbarie » comme il l’écrit dans sa correspondance. Romain Rolland est un témoin privilégié des doutes du sculpteur vieillissant. Le texte le plus parlant reste Les Cathédrales dans lequel il s’insurge de leur destruction imposée par la guerre. Rodin est à sa façon un interprète du conflit et surtout des dégâts qu’il engendre aux dépens de la Nature-mère à laquelle son art obéit.

Isabelle Mons est docteur en littérature comparée (« Lou Andreas-Salomé et la question anthropologique », Paris III, 2003). Professeur certifiée de Lettres modernes, elle enseigne les Lettres dans le secondaire et dans le supérieur (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines). Ses publications portent sur la relation que la littérature entretient avec les arts et les sciences humaines. En parallèle à sa recherche actuelle sur Rodin, elle prépare un ouvrage sur les pionnières de la psychanalyse après la parution de la biographie de Lou Andreas-Salomé (Perrin, 2012).