Genèses cinématographiques

séminaire animé par Daniel Ferrer et François Thomas

saison 2018-2019

École normale supérieure, 29, rue d’Ulm, salle Paul-Langevin (1er étage).

Le séminaire a lieu le mercredi de 17 heures à 19 heures.

Les séances sont précédées d’une vidéoprojection à 15 heures.

 

6 février 2019

Daniel FERRER (Item / CNRS) et François THOMAS (Sorbonne Nouvelle) : « Genèses cinématographiques : seizième année »

Les animateurs du séminaire rappelleront les caractéristiques de la génétique filmique, la replaceront dans le cadre théorique de la critique génétique et indiqueront ses spécificités, en insistant sur la diversité des traces qu’elle doit savoir analyser, allant des données juridiques et économiques aux données techniques les plus savantes. Ils feront le point sur l’évolution de la discipline au cours de ces dernières années et présenteront la saison 2018-2019 du séminaire.

13 février 2019

Catherine ROUDÉ(université Paris 1 – Panthéon Sorbonne) : « Scènes de grève en Vendée, un scénario militant dans tous ses états »

Dans les années qui suivent le mouvement de mai-juin 1968, le cinéma politique s’adapte à la contestation sociale et aux transformations du militantisme. De nombreux collectifs cinématographiques agissent dans différents conflits choisis selon leurs affinités politiques. La majorité des films, tournés à chaud, montés et diffusés aussi rapidement que possible, semblent s’attacher à des visées immédiates ; d’autres projets sont menés sur plusieurs années, constamment réévalués en fonction des circonstances. Scènes de grève en Vendée(1974), court métrage suivant le déroulement d’une grève d’ouvrières en confection dans les Deux-Sèvres, paraît au premier abord relever d’une fabrication dans l’urgence. Les nombreuses sources produites par Iskra, le collectif qui a réalisé ce film, démontrent pourtant un investissement au long cours sur un projet aux formes diverses et aux ambitions fluctuantes. Grâce à l’exploitation des archives non-film d’Iskra, au recueil de témoignages oraux et à l’étude du contexte historique et de la presse syndicale, Catherine Roudé restituera et analysera la création de ce film de 12 minutes.

20 février 2019

Marie PIERRE-BOUTHIER (université Paris 1 – Panthéon Sorbonne) : « Comment filmer la rue dans le Maroc des années 1960 ? Reconstitution du tournage clandestin d’un film qui n’a jamais existé : La Longue Journée deMohamed Abbazi »

En 1968, Mohamed Abbazi, fraîchement diplômé de l’école de cinéma de UCLA, se voit refuser par le Centre cinématographique marocain l’autorisation de tourner dans le centre-ville de Casablanca un documentaire sur des femmes de ménage originaires du bidonville des Carrières centrales. Le jeune audacieux décide de tourner « tout de même » ce film, mais ne trouvera jamais le temps ni l’argent pour en achever le montage. Les images qui en restent n’en sont pas moins des documents uniques et précieux sur la vie quotidienne féminine d’un Casablanca récemment décolonisé, et témoignent d’un geste cinéaste singulier dans un Maroc qui traverse les « années de plomb » du règne de Hassan II. Comment un tel tournage illégal a-t-il été rendu possible ? En confrontant les rushes, les prémontages, des centaines de photographies du tournage et les témoignages du réalisateur et de sa compagne Donna Woolf, Marie Pierre-Bouthier reconstituera les étapes, les stratégies et le protocole suivis par Abbazi pour filmer dans la clandestinité.

27 mars 2019

Anouk PHÉLINE (université PSL / Università degli studi di Milano)  : « Aux sources de Repéragesd’Alain Resnais et Jorge Semprun : de la genèse des films à la généalogie des images ? »

Paru en 1974 aux éditions du Chêne, l’album Repéragesréunit soixante-dix-sept photographies de repérages d’Alain Resnais, sélectionnées parmi des milliers de clichés par son ami et collaborateur Jorge Semprun. Ce livre d’artiste est la première publication française à reconnaître une valeur esthétique singulière aux repérages réalisés par un cinéaste. L’ambitieuse préface signée Semprun invite à envisager ces images à la fois comme des archives documentant la genèse des films, réalisés ou non, et comme une « œuvre photographique » à part entière qui formerait la matrice visuelle et philosophique de l’imaginaire resnaisien. L’étude génétique et iconographique de Repéragesconduira Anouk Phéline à éclairer la fonction de la photographie dans la méthode de création de Resnais comme à dévoiler l’origine secrète des motifs récurrents et des obsessions qui traversent son cinéma.

3 avril 2019

Morgan LEFEUVRE (université Sorbonne Nouvelle) : « Au-delà des grilles(1948) et Quelle joie de vivre (1960) : l’expérience italienne de René Clément »

En 1948, René Clément inaugure avec Au-delà des grillesune longue série de films réalisés en coproduction avec l’Italie. Parmi les dix longs métrages qu’il réalise sous ce régime, Au-delà des grillesetQuelle joie de vivre se distinguent par un processus d’écriture résolument franco-italien, impliquant une collaboration étroite entre Clément, des scénaristes italiens tels Cesare Zavattini, Suso Cecchi d’Amico, Leonardo Benvenuti ou Piero De Bernardi et les scénaristes français Jean Aurenche et Pierre Bost. À partir d’une grande variété de documents consultés dans des archives françaises et italiennes (scénarios, découpages techniques, storyboard, devis, plans de travail, correspondance), Morgan Lefeuvre mettra en évidence l’influence de la coproduction sur le processus de création. Réalisés à une douzaine d’années d’intervalle, Au-delà des grillesetQuelle joie de vivre révèlent également l’évolution et les ambivalences du réalisateur vis-à-vis d’un système de production sur lequel il a en grande partie bâti sa carrière.

10 avril 2019

Françoise ZAMOUR (ENS rue d’Ulm) : « La Chair de l’orchidée de Patrice Chéreau : genèse d’un film, naissance d’un cinéaste »

En 1974, Patrice Chéreau obtient la possibilité de tourner son premier long métrage dont il écrit le scénario avec Jean-Claude Carrière d’après un roman policier de James Hadley Chase. L’œuvre connaît bien des vicissitudes, en raison notamment d’un changement de maison de production et d’un devis largement dépassé, au point que Chéreau doit renoncer aux dernières semaines de tournage et monter son film en camouflant les manques. Françoise Zamour reconstituera la fabrication du film à l’aide des diverses étapes du scénario ainsi que des notes de préparation, de tournage et de montage. Ces documents foisonnants, dont la rédaction s’étend sur plus de trois années, permettent également de décrypter la méthode de travail de Chéreau, la manière dont, pas à pas, il entreprend difficilement l’apprentissage du cinéma.

17 avril 2019

Pierre BERTHOMIEU (université Paris Diderot) : « Impureté de la perfection : la signature de Duel au soleil »

La longue genèse de Duel au soleil(1946)confronte l’amateur et le chercheur à un vertige fascinant : créé, écrit et monté par le producteur interventionniste David O. Selznick, le film est signé King Vidor et également réalisé par William Dieterle et Josef von Sternberg… entre autres. Plusieurs chefs opérateurs, non des moindres (comme Harold Rosson ou Lee Garmes), se sont eux aussi succédé. D’où des styles très différents et pourtant harmonieusement fondus ensemble. Exemple radical de la fabrication d’une œuvre monumentale dans le système classique hollywoodien, ce western-fresque fait éclater les limites de la production conventionnelle et interroge en profondeur les notions d’inspiration, de paternité et de signature.