Françoise Simonet-Tenant (Université de Rouen)

Des Carnets de notes au Feu : transposition ou métamorphose ?

Henri Barbusse (1873–1935) débute fort jeune dans le journalisme, se mêle aux milieux littéraires du symbolisme (il épouse la fille de Catulle Mendès), fait paraître, en 1895, un recueil poétique, Les Pleureuses, en 1908, une étude de mœurs au réalisme cru, L’Enfer. En 1914, il bénéficie comme journaliste et écrivain d’une certaine notoriété. Il a 41 ans et il aurait dû être versé dans l’armée territoriale ; il s’est porté volontaire pour le front. Il fait donc partie des nombreux intellectuels dont 14-18 marque l’entrée en guerre. Le feu, Barbusse le découvre en janvier 1915, au cours des combats de la cote 119 de Crouy, près de Soissons. Il sort du secteur des combats en novembre 1915. Il est réformé le 1er juin 1917. La volonté de communiquer son expérience de combattant le conduit à écrire Le Feu, roman d’abord publié en feuilleton dans L’Œuvre du 3 août au 9 novembre 1916 puis en volume aux éditions Flammarion en décembre 1916. Le Feu, œuvre emblématique, prix Goncourt 1916, a été lu dès sa parution tantôt comme un document, tantôt comme une œuvre d’imagination. Cette évocation terrible de la vie des tranchées marque un tournant dans la représentation culturelle de la guerre. L’histoire littéraire présente souvent Le Feu comme « tiré de ses carnets de guerre ». C’est cette assertion que nous souhaitons interroger. Le roman est sous-titré Journal d’une escouade. Il est manifeste que le choix du sous-titre conforte la proximité du roman avec des carnets de guerre. Dans quelle mesure le sous-titre de « journal » est-il à la fois impropre et légitime ?