All. Psychoanalyse ; Angl. Psycho-analysis ;Ar. ? ; Esp. Psicoanálysis ; It. Psicanalisiou Psico-analisi ; Jap. Seishimbunséki ; Port. Psicanálise ;Rus. Психоанализ(Psichoanaliz)
• La psychanalyse appliquée à la littérature étant une méthode d’investigation qui recherche la signification inconsciente des productions littéraires, elle trouve tout naturellement sa place dans les études génétiques. Avec son aide, ici comme ailleurs, le lecteur freudien peut viser l’auteur (psychobiographie), examiner l’ensemble d’une œuvre (psychocritique) ou ne prendre pour objet qu’un seul texte à la fois (textanalyse).
Hist. Le recours à la dimension inconsciente dans l’approche du matériel génétique est de date relativement récente. Sans doute les éditeurs de brouillons depuis les années vingt ont-ils pu avoir une certaine idée des conceptions freudiennes et les utiliser ici ou là dans des notices de présentation (par exemple à travers l’étude des variantes chère aux éditions savantes), mais il semble que la référence explicite et systématique aux conceptions de Freud soit contemporaine de l’apparition de la notion d’avant-texte (Bellemin-Noël 1972). Elle s’est depuis développée en fonction des champs abordés et de l’idiosyncrasie des chercheurs et critiques.
Théor.Les trois sortes de recherches qui font appel à la théorie psychanalytique ont en effet leurs pratiques et leurs problèmes propres. Il va de soi que les psychobiographes trouvent des informations précieuses dans le matériel génétique : en dehors des hésitations significatives du texte en rédaction, les manuscrits recèlent des documents spécifiques concernant l’homme quotidien et l’homme de lettres que l’on peut exploiter pour tenter de reconstituer la vie de l’auteur au niveau le plus personnel ; ces documents semblent dotés d’une valeur particulière du fait qu’ils ont échappé en partie au contrôle du sujet en train d’écrire. Il va également de soi que l’approche psychocritique peut faire son miel des mêmes matériaux en vue de décrire de façon exhaustive le « mythe personnel » qui court dans l’ensemble d’une œuvre. Enfin, par définition, la textanalyse doit mettre toutes les données de l’avant-texte au service de son écoute et de son interprétation du texte.
Les matériaux mis à jour par l’enquête génétique offrent une grande variété de renseignements susceptibles non seulement de compléter ou de corriger l’image admise de l’homme (notes en vrac d’ordre intime, inscriptions plus ou moins rêveuses dans les marges du manuscrit, anecdotes, récits de rêves, notules, noms propres, dessins, etc.), mais d’éclairer son travail d’écriture : projets conservés dans les carnets (équivalant à des fantasmes), amorces ou dérives spontanées aussitôt raturées, formules plusieurs fois refusées qui insistent, tout ce qui peut trahir un malaise, une angoisse, une obsession…
Les difficultés théoriques sont identiques, bien sûr, à celles de la critique psychanalytique des œuvres achevées : peut-on avoir accès à l’inconscient d’un sujet en dehors de la cure ? Est-ce qu’on ne tourne pas en rond en concluant de l’écrit vers le vivant puis du biographique vers le fictionnel ? Quel rôle joue l’écriture dans l’expérience inconsciente de l’homme ? Quels rapports l’inconscient du lecteur entretient-il avec celui de l’auteur en dehors de ce que dit strictement le texte ? Est-ce que les formations inconscientes propres au lecteur ne risquent pas d’envahir d’une façon illégitime sa lecture de l’avant-texte (comme celle du texte) ? Etc.
On trouvera un échantillonnage des résultats, des promesses et des questions en suspens dans le numéro 52 de la revue Littérature (1983) et le numéro 8 de la revue Genesis(1995). En outre, dans ce dernier recueil, deux analystes ont abordé en cliniciens la question du rapport de l’écrivain, presque de la main de l’écrivain, au papier sur lequel se déploie un premier jet : P. Fédida suggère à une génétique du textede « recueillir le psychique dans sa matérialité dialectale, c’est-à-dire au niveau le plus désorganisé du langage et en la forme la plus asociale de sa production » tandis que S. Tisseron développe plus précisément l’idée que le support de l’écriture, qui représenterait à la fois le corps maternel et la peau même du scripteur (narcissique), recueille les traces d’une « première forme de symbolisation sensori-affectivo-motrice » de ce qui n’est pas tout à fait pleinement verbalisé et qui touche encore à l’ininscriptible – c’est-à-dire aux profondeurs d’un acte créateur toujours déjà sexualisé. Dans la même perspective, on signalera aussi l’article au titre évocateur, « Le brouillon, objet transitionnel », de C. Béthune. Autant de pistes qui restent à l’horizon des recherches menées par les généticiens profanes mais qui les font rêver lorsqu’ils manipulent d’une manière quasi charnelle les supports textuels à la fois originaux, originels et originaires.

→ INCONSCIENT, LAPSUS, TEXTANALYSE

Auteur : Jean Bellemin-Noël