Proust semble avoir été durablement étonné qu’un écrivain puisse décréter ne trouver qu’un seul beau vers chez Racine : « La fille de Minos et de Pasiphaé »2. En effet, dès Jean Santeuil, Proust élabore un dialogue autour de cette déclaration provocatrice, l’attribuant ouvertement à Théophile Gautier. Puis il la retravaillera dans divers brouillons de la Recherche, pour introduire, lors de la rédaction finale, une ironie plus accentuée et un décalage entre l’opinion éclairée du narrateur et celle encore naïve du héros. Il opérera aussi la substitution du nom du critique impitoyable de Racine, dans un geste habituel de maquillage des sources. Il s’en souviendra encore pour un texte de critique littéraire et dans sa correspondance, où il ne cachera plus le nom de Gautier. La question alors est de savoir où Proust a pu trouver cette boutade à propos du vers de Phèdre. Les éditeurs de l’œuvre de Proust, qui divergent parfois sur l’attribution même de la paternité de la remarque, ont proposé plusieurs sources possibles, mais sans chercher du côté de chez Maxime Gaucher. Ce professeur de Rhétorique de Proust au Lycée Condorcet se distinguait de ses confrères par son activité de critique littéraire à la Revue bleue. Nous tenterons de montrer comment les différentes versions de l’anecdote chez Proust reprennent, dans une certaine mesure, les mots exacts des articles de Gaucher, mais sont surtout fidèles à l’esprit de ce maître fin et spirituel, esprit qui se reflète dans l’ironie du narrateur de la Recherche. Ainsi l’analyse d’un épisode secondaire et la recherche, à première vue tout aussi anecdotique, de sa source, pourraient mener à reconsidérer l’évolution de l’esthétique proustienne en réévaluant l’importance de son professeur de français et de grec.

Genèse de l’anecdote

1 - Jean Santeuil

Le roman inachevé de Proust introduit la boutade contre Racine dans une scène qui présente le personnage Rustinlor campé dans le rôle de l’initiateur littéraire du héros lycéen et s’amusant à le mystifier :

Racine est un assez vilain coco, dit M. Rustinlor en fronçant ses sourcils olympiens […]. Ses tragédies sont fort embêtantes, mais il y a dans Phèdre quelques beaux vers comme celui-ci : " La fille de Minos et de Pasiphaé " que Gautier déclarait être le seul beau vers qu’il eût jamais trouvé chez Racine. – Le seul ? demanda Jean qui cherchait inutilement à deviner la beauté de ce vers. – Le seul, répondit M. Rustinlor avec une ironie triomphante, et par ma foi, il n’avait pas tort. D’ailleurs cela n’est pas étonnant, car Théo est un des plus miraculeux bonhommes qu’il y ait jamais eus. Il était de la dernière sévérité pour Racine […]
Jean rentra chez lui le soir hanté par un problème qui lui semblait impossible et si essentiel qu’il trouvait immoral de s’endormir avant de l’avoir résolu. […] Oubliait-il un moment ses tourments, " la fille de Minos et de Pasiphaé " venait les réveiller avec une cruauté bien digne de cette origine monstrueuse. Et pourtant ce n’était pas sans plaisir qu’il se répétait cette boutade de Gautier. Il ne percevait pas alors les belles sonorités mythologiques de Racine3.

2 - Les avant-textes de la Recherche

Proust tiendra à conserver cette anecdote lorsqu’il entreprendra la Recherche. Dans deux avant-textes, il remanie la scène de Jean Santeuil, en continuant d’attribuer la citation à Gautier4. Le Cahier 14 montre le travail d’écriture de Proust autour de cette remarque sur Racine. Après une critique de Musset, Bloch, l’avatar de Rustinlor, loue les « immenses cocos » tels que « le Père Hugo » et son « très cher maître Leconte [de Lisle] »5. De plus, il ajoute un vers de Musset, une phrase de Flaubert et une remarque méprisante sur George Sand. L’anecdote de Gautier entraîne donc Proust à l’examen de son panthéon littéraire. Dans les dactylographies (été 1911) de Combray6, il ne restera des ajouts du Cahier 14 que la remarque sur le vers de Musset, en revanche Proust escamotera le nom de Gautier. Quant au Cahier 28, qui daterait de la même époque que le Cahier 14 (printemps 1910)7, il comporte plutôt la suite de la scène avec Bloch, c’est-à-dire les pensées du héros après cette révélation poétique. La référence à Gautier est encore là, ainsi que le besoin impératif du héros de comprendre ce jugement :

Car je n’avais jamais pu demander à Bloch d’explication sur ceci : « ce que Gautier trouvait de bien dans la fille de Minos et de Pasiphaë8. Maman Ma grand-mère émue des tourments que ces vers étaient pour moi avait fini par obtenir qu’on l’inviterait à passer 24 heures à Combray. […] Quand l’année suivante je retrouvai Bloch […] je sentis l’impossibilité de lui parler de Théophile Gautier9.

3 - La Recherche

Finalement, dans la version publiée de cette scène, nous retrouvons ce trait d’esprit à propos de Phèdre, aussi déroutant pour le jeune héros de Combray qu’il l’était pour Jean. Un discours prétentieux de Bloch introduit la boutade, mais cette fois c’est Leconte de Lisle qui en est l’auteur. Les éditeurs nous signalent que chez Proust ce poète sert souvent de double à Flaubert dont il efface systématiquement les traces dans la Recherche10. C’est à Flaubert donc que reviendrait en fait la véritable paternité de la sentence sur la poésie de l’art pour l’art. Pourtant, si le Flaubert de Maxime Du Camp cite bien le vers de Racine comme étant « le plus beau vers de la langue française »11, il ne le fait pas avec le même pédantisme que le critique de Proust :

« Défie-toi de ta dilection assez basse pour le sieur de Musset. C’est un coco des plus malfaisants et une assez sinistre brute. Je dois confesser, d’ailleurs, que lui et même le nommé Racine, ont fait chacun, dans leur vie un vers assez rythmé, et qui a pour lui, ce qui est selon moi le mérite suprême, de ne signifier absolument rien. C’est : " La blanche Oloossone et la blanche Camyre " et " La fille de Minos et de Pasiphaé ". Ils m’ont été signalés à la décharge de ces deux malandrins par un article de mon très cher maître, le Père Leconte, agréable aux Dieux Immortels. » […] Malheureusement, je ne pus pas apaiser en causant avec Bloch et en lui demandant des explications, le trouble où il m’avait jeté quand il avait dit que les beaux vers (à moi qui n’attendais d’eux rien moins que la révélation de la vérité) étaient d’autant plus beaux qu’ils ne signifiaient rien du tout12.

Il y a ici plusieurs changements par rapport aux versions précédentes : Proust enlève des commentaires sur Racine, il en diminue aussi l’importance en lui associant un vers de Musset, et en évitant de répéter le vers de Phèdre lorsqu’il décrit les effets de cette boutade sur le héros. Sa torture semble diminuée et n’être plus qu’une certaine perplexité. Proust choisit d’insister plutôt sur la théorie littéraire qu’illustre l’anecdote.

4 - Un article de critique littéraire

En 1920, dans une réponse à une « Enquête sur le romantisme et le classicisme » de la revue La Renaissance politique, littéraire, artistique, Proust cite à nouveau cette remarque, comme si au fond elle le tracassait de la même façon qu’elle obsède le héros de la Recherche. Mais ici, contrairement à la scène dans le roman, il n’y a plus aucune ambiguïté quant à la « leçon » qu’il faut en tirer et l’attribution est restituée à Gautier :

Il n’y a rien de si bête que de dire comme Théophile Gautier, lequel était du reste un poète de troisième ordre13, que le plus beau vers de Racine est :
       La fille de Minos et de Pasiphaé14.

5 - La correspondance

Enfin, dans une longue lettre à Jacques Rivière de la même année, Proust critique l’aveuglement de certains poètes devant les vrais buts de l’art, et leur incompréhension envers leurs prédécesseurs. Pour soutenir son argument, Proust pense à nouveau au jugement du poète Parnassien :

Même Gautier déclarait qu’il n’y avait qu’un vers possible dans Racine :
      La fille de Minos et de Pasiphaë
J’ai entendu de même quand j’étais enfant les plus grands Parnassiens dire qu’il n’y avait que deux vers dans Musset
      La Blanche Oloossone à la blanche Camyre
et
      La neige tombe en paix sur tes épaules nues.
J’avoue que si cela me révolte ce n’est pas que j’aime le moins du monde Musset, mais à cause du manque de conscience des Parnassiens qui insoucieux de ce que Musset a cherché à faire (et qui n’est pas fameux) se sont ingéniés à découvrir chez lui juste le contraire de ce à quoi il visait15.

Cette fois l’éditeur, Philipe Kolb, trouve la source de cette remarque, attribuée à Gautier, dans les Roseaux pensants16 de Robert de Montesquiou, ouvrage que Proust avait lu avec d’autant plus d’attention que son perfide ami y citait, en la louant, une étude des Plaisirs et les jours17. Kolb apporte une confirmation supplémentaire avec la phrase de Gautier : « Racine faisait des vers comme un porc », reproduite dans le Journal des Goncourt18 dont Proust pasticha le style.

Nous voyons donc un étrange mélange d’attributions à la remarque que Proust répète avec persistance, comme il aime le faire pour des anecdotes ou mots d’esprit, qu’il parsème à travers ses ouvrages et sa correspondance, les insérant même dans des contextes souvent contraires. Cependant, parmi toutes ses reprises qui se succèdent, de 1895 à 1920, c’est la version attribuant la remarque à Gautier qui domine. La source de cette boutade est probablement une conversation, et non un texte de critique littéraire, comme le suggère la lettre de Proust à Rivière19. Il faut donc chercher qui, dans l’entourage de Proust, a pu l’entendre a viva voce, et la rapporter oralement de même au jeune Marcel. On peut supposer aussi que cette personne aimait raconter ce genre d’anecdotes dans la mesure où elles étaient emblématiques de toute une pensée littéraire. Or, Maxime Gaucher, le professeur de rhétorique de Proust correspond à ce profil. Si nous n’avons pas un témoignage direct qu’il ait pu raconter cette anecdote en cours, nous savons qu’il aimait y faire référence dans sa chronique de la Revue bleue, qui avait la légèreté d’une conversation, comme l’indiquait son titre : « causerie littéraire ».

La Source

1- Les articles de Gaucher sur Théophile Gautier

Maxime Gaucher écrit sa première « causerie » sur Théophile Gautier lors de sa disparition. Après avoir loué le poète, il raconte avec humour comment il assista à une soirée où celui-ci provoqua son auditoire20 :

J’eus un jour la bonne fortune de l’entendre exposer sa poétique. […] M. Duruy […] invita à dîner tous les professeurs de rhétorique de Paris. […] Afin de jeter un peu de variété dans cette fête de famille, il avait prié quelques hommes de lettres ; dans le nombre, et en première ligne, Théophile Gautier. À l’heure des cigares, – à défaut de narghilés, – des groupes se formèrent ; j’étais de ceux qui environnaient l’illustre critique, et je l’entendis formuler ses théories sur le son et la couleur. Pour lui, le sentiment, la passion, l’héroïsme au théâtre, fadaise : […] le seul spectacle qui soit supportable, c’est le ballet […] voilà pour la couleur. Et le son maintenant ? Ne parlez pas des cris du cœur, des accents de la passion, des mots qui jaillissent des profondeurs de l’âme et laissent entrevoir, comme un brusque éclair, les abîmes secrets de notre nature ! Non, il n’y a qu’un beau vers dans votre Racine, messieurs les professeurs de rhétorique, et ce vers le voici, plein, sonore, harmonieux, caressant et remplissant l’oreille :
      La fille de Minos et de Pasiphaé
Évidemment Théophile Gautier s’amusait ce soir là, évidemment il forçait la note pour stupéfier les professeurs de rhétorique ; mais enfin c’était bien là le fond de sa poétique. Les néo-parnassiens, ses disciples compromettants, n’ont-ils pas affecté la même indifférence pour l’idée et le sentiment, le même culte du son et de la couleur21 ?

Ainsi que Proust, Gaucher aime répéter des anecdotes, en particulier pour leur dérision. Il fait ainsi une allusion très claire à son premier texte sur Gautier, et à la soirée où il entendit le poète lancer sa boutade, lorsque dans un autre article, sept ans plus tard, il commente à nouveau « l’opiniâtre affectation » de cet « artiste, épris du son et de la couleur » qui « raille le sentiment et cherche la sensation ». La situation et les mots sont les mêmes, bien que le vers « La fille de Minos et de Pasiphaé » ne soit pas mentionné :

Ses grosses colères contre l’art bourgeois, comme ses violentes sorties contre Racine, étaient pur jeu d’esprit, cela stupéfiait la galerie, les naïfs étaient effarés, et lui, il était aux anges. Je l’ai entendu certain soir qu’il se trouvait avec des classiques déterminés et connus pour tels, faire une charge à fond de train contre Phèdre et Athalie. […] Évidemment il s’amusait. […] C’était donc un jeu qu’il jouait […]22.

L’on voit bien ici combien Proust a su tirer parti de ce récit. Notons que ce sont les versions où Proust attribue la boutade à Gautier qui « collent » le plus au texte de Gaucher. La narration de cet épisode dans la Recherche est peut-être plus fidèle à l’esprit ironique de la mise en scène de Gaucher.

Gaucher avait un fonds d’anecdotes à propos des écrivains qu’il réutilisait régulièrement dans sa revue littéraire23. Bien que Proust ait été trop jeune pour lire ces articles sur Gautier à leur parution, il a sûrement bénéficié, lors de ses cours de français, d’une version orale du récit de la soirée où son professeur rencontra « l’illustre critique ». Il est certain que Proust connaissait les articles de Gaucher puisque déjà en 1886, avant d’entrer dans la classe de ce professeur auréolé d’une certaine notoriété, il demandait à son grand-père de l’abonner à la Revue bleue24. Il a pu aussi, après la mort de Gaucher, lire le recueil de quelques causeries, paru en 189025. Ainsi Proust a sans doute suivi, comme tous les élèves de Gaucher, la chronique de son professeur. D’ailleurs, il fit plus que la lire, il l’imita.

Un texte de jeunesse de Proust apporte en effet une preuve supplémentaire que Gaucher était la source de ses remarques sur Gautier. L’influence de Gaucher sur la critique littéraire de Proust apparaît nettement dans un de ses premiers textes publiés. Dans la revue lycéenne Lundi, qu’il crée avec Daniel Halévy, Marcel choisit d’intituler sa critique, comme Gaucher, une « Causerie littéraire »26 où il affiche justement sa prédilection pour Gautier. Il réfute l’argument de Brunetière, qui consiste à reprocher au Parnassien son manque d’idées, et défend au contraire sa poésie. Or l’article de Brunetière27 est un compte rendu d’un livre dont Gaucher a lui aussi fait une critique dans la Revue bleue28. Il est fort probable que Proust se soit inspiré directement de cet article, paru moins d’un mois plus tôt. En effet, Gaucher, au lieu de nommer le poète, parle de « l’auteur du Capitaine Fracasse », et plus loin, il nous apprend son diminutif : « " Théo ", comme l’appelaient ses intimes ». De son côté, le jeune critique Proust avoue n’avoir lu que Le Capitaine Fracasse et c’est avec un visible plaisir qu’il répète, presque à l’identique, la phrase, de Gaucher : « Théo – ainsi l’appelaient ses intimes ». Il a sans doute pris connaissance de ce diminutif d’abord par l’intermédiaire de Gaucher puis s’en est souvenu en le retrouvant dans le Journal des Goncourt29. Nous l’avons vu, Proust utilisera à nouveau ce nom affectueux de Gautier dans Jean Santeuil, mais l’éliminera de la Recherche. Gaucher cite ce diminutif pour les mêmes raisons qu’il cite la boutade de Gautier, cette illustration des excès des théories littéraires, parce que ce nom familier incarne une idée. Grâce à ce « petit nom » il nous signale que « Théo » n’est pas un grand artiste30. D’ailleurs, dans une autre « causerie », Gaucher porte un jugement encore plus sévère sur Gautier lorsqu’il oppose la posture forcée de ses théories à la vraie rêverie de Nerval :

Produire de l’effet sur le public en général et celui des premières représentations en particulier, telle a été la préoccupation constante de Théophile Gautier. Toute sa vie il a cherché à stupéfier le bourgeois, le philistin. Ses théories artistiques et littéraires, son fanatisme pour le son et la couleur, son impassibilité olympienne, enfin cette passion pour l’Orient […] tout était calculé pour produire de l’étonnement et, au besoin, un peu de scandale […] Relisez ses vers : quelle science du rythme, quel coloris, quelle finesse de ciselure ! Et cependant vous demeurez froid, c’est que rien ne jaillit du cœur, c’est que nulle part on ne sent l’émotion franche, le sentiment profond […] Bien autrement sincère était Gérard de Nerval […] ce n’était pas un sceptique blasé, mais un rêveur de bonne foi, franchement troublé par les visions qui voltigeaient devant ses yeux éblouis. La vision finit par l’hallucination […]31.

Proust retiendra cette leçon. Mais s’il perd son amour de jeunesse pour l’auteur du Capitaine Fracasse et admire bien plus le poète des Filles du feu, il rejoint cependant plus qu’il ne le pense l’appréciation profonde que Gautier avait de Racine. En effet, on croirait presque lire du Proust32 dans cette phrase de Gautier :

Racine, loin d’être un classique, est au contraire un novateur, un romantique dans la force du terme, puisque rompant avec la tradition, il parle le « roman », c’est-à-dire l’idiome, le jargon du jour33.

2 - Les cours de Gaucher au Lycée Condorcet

L’enseignement et la pensée du professeur de philosophie, Alphonse Darlu, ont été largement étudiés par les proustiens, le style et l’esthétique de Maxime Gaucher en revanche ont peu été explorés. C’est pourtant ce professeur de français qui demandait à son élève Proust de lire ses devoirs à la classe, autant pour son propre plaisir que, comme Gautier stupéfiant son auditoire de professeurs, pour s’amuser ainsi de l’ébahissement des camarades de Proust34. Un témoin de l’époque raconte l’épisode :

Je vois encore et j’entends Marcel Proust lisant à haute voix ses copies, et l’excellent, le charmant M. Gaucher commentant, critiquant, puis tout à coup pris de fou rire devant des audaces de style qui au fond le ravissaient. Ce fut la gloire de ses derniers jours d’avoir découvert parmi ses élèves un écrivain-né35.

Il est vrai que Proust bénéficiera peu de temps de cet enseignement original, car Gaucher mourra à la fin de son année de rhétorique. Paul Desjardins, ancien élève lui aussi de Gaucher au Lycée Condorcet, et un voisin à Auteuil du jeune Proust, devenu plus tard un ami, trace un portrait vivant et sympathique de son ancien professeur dans un article nécrologique de la Revue bleue36. Une particularité de son enseignement, selon Desjardins, qui rejoint ici le témoignage de Lavallée, est qu’il s’attardait volontiers à discuter avec un bon élève pour lui donner des conseils : « Il s’attachait seulement à l’originalité, aux germes de talent ; il était très respectueux des productions, parfois même un peu extravagantes, mais qui sortaient de la nullité », et « lui qui avait un goût si sûr (nous l’avons reconnu depuis) était plein d’indulgence pour nos écarts d’imagination ». On croirait entendre une description de l’attitude de Gaucher envers Proust lui-même. Pour les lycéens Gaucher avait le prestige d’être plus qu’un professeur puisqu’il avait une chronique littéraire dans la Revue bleue, où pendant plus de quinze ans37 il rendit compte de presque toute la production littéraire contemporaine38. Ses élèves lisaient ses « causeries » et en parlaient souvent entre eux. Ces lycéens écrivains en herbe étaient fiers d’être dans la classe de celui qu’ils percevaient avec admiration comme « un homme de lettres ». Mais selon Desjardins, il excellait en fait surtout dans l’enseignement, de par sa liberté d’esprit et ses connaissances à la fois en littérature classique et contemporaine, ce qui faisait de lui non un érudit mais un causeur très vivant. En effet, le trait qui revient le plus souvent à son propos est que, lors de ses cours, il présentait toujours « son opinion sous forme de récit », en fin de compte de la même façon qu’il écrivait sa causerie littéraire : « pour définir d’un mot cette manière, un grand talent de conteur ». Sa « causerie » véritable était en classe et se caractérisait par ses improvisations et ses digressions. Paul Desjardins décrit le déroulement de la classe de Gaucher : un cours en zigzag où le professeur « abonde en anecdotes, en apologues, en comparaisons proprement homériques, car il les développe comme des épisodes, au point de perdre de vue le premier terme » (ce qui nous rappelle certaines phrases de Proust). Dans son cours imprévisible « les anecdotes se succédaient, entremêlées de jugements surprenants de finesse rapide sur Montaigne, sur Balzac, […] on était instruit en même temps que charmé : il y avait toujours à retenir ». L’intérêt des élèves était maintenu aussi grâce à son humour, à ses « saillies qui faisaient éclater de rire ».

La lecture de ses « causeries littéraires » nous permet aussi de saisir l’esprit de ce professeur original, et nous conduit donc à être en désaccord avec l’hypothèse des proustiens selon laquelle Gaucher serait le modèle du Rustinlor de Jean Santeuil39. Pour se rendre compte à quel point le style de Gaucher est éloigné de celui de Rustinlor, il suffit de lire sa première « causerie » sur Théophile Gautier, où il n’y a pas l’ombre de la pose affectée de Rustinlor, le futur mondain, ni de sa méchanceté. L’appréciation de Desjardins confirme notre opinion :

M. Gaucher, qui était le contraire d’un pédant, fut toujours très indulgent pour notre pédantisme à nous40.

Bloch, l’avatar de Rustinlor, ainsi que bien des personnages de la Recherche, c’est un peu Proust lui-même, ou ce qu’il avait peur de devenir ! Gaucher justement déployait son ironie pour se jouer de tout charlatanisme41. Ce professeur était avant tout « extrêmement spirituel, spirituel et simple »42, enfin, le mot sur lequel son ancien élève insiste pour le décrire est sa « bonhomie ». Ce mot bien sûr nous rappelle la familiarité du mot de Rustinlor envers Gautier, « un des plus miraculeux bonhommes qu’il y ait jamais eus. »

Les causeries de Gaucher et les remarques de Desjardins révèlent la méthode du critique-professeur. Il paraît évident que Gaucher a pu faire part à ses élèves de réflexions d’abord mûries dans ses « causeries ». Les témoignages prouvent amplement le va-et-vient des commentaires littéraires de Gaucher entre sa feuille de critique littéraire et sa classe. En effet, il a probablement continué ou répété (dans les deux sens du mot) ses « causeries littéraires » dans ses cours à Condorcet, comme Proust faisait passer une réflexion de son œuvre à sa correspondance et vice versa. Gaucher a donc sûrement fait, au moins une fois, le récit de la soirée où il a rencontré Gautier et entendu la boutade du poète à propos du vers de Phèdre. La lettre de Proust à Rivière semble faire allusion à une transmission directe et personnelle de l’anecdote sur Gautier. Quand on connaît l’importance pour Proust à la fois de l’écrivain du Capitaine Fracasse et de la pièce de Racine jouée par Sarah Bernhardt, on comprend facilement que la phrase rapportée par Gaucher lui soit restée en mémoire (d’autant plus s’il l’a retrouvée attribuée à Flaubert dans les souvenirs d’un autre Maxime, l’ami Du Camp) et qu’elle soit devenue comme un leitmotiv rythmant ses travaux tout le long de sa vie. De plus, quand on pense aux scènes où le jeune héros de la Recherche s’empresse d’aller consulter les affiches des colonnes Morris43, on imagine que Gaucher devait être encore plus sympathique à Proust s’il a eu, comme Desjardins, l’occasion d’apercevoir son professeur lorsqu’à la sortie des cours il « s’arrêtait devant toutes les colonnes de spectacle, en rentrant chez lui »44. Ainsi, la finesse et l’ironie de Gaucher n’ont sûrement pas manqué d’impressionner fortement Marcel, d’autant plus que, contrairement à l’initiateur de Jean Santeuil, il était, selon l’expression d’André Ferré, un « maître à douter plus encore que maître à penser »45, ce qui correspondait le mieux au tempérament du futur écrivain.

Influence générale de Gaucher

Darlu ou Gaucher ?

Si Proust a rendu hommage à son professeur de philosophie Alphonse Darlu, « dont la parole inspirée, plus sûre de durer qu’un écrit, a, en moi comme en tant d’autres, engendré la pensée »46, Desjardins a loué aussi élogieusement et dans les mêmes termes son professeur de rhétorique, pour son esprit «avant tout parlé qu’écrit» :

Sachons-le du moins, c’est à M. Gaucher, c’est à lui personnellement que nous devons le goût des choses littéraires, […]. L’influence de ce maître parfait est venue de sa nature propre et non d’un système d’éducation qui puisse se transmettre47.

Ce commentaire nous fait penser que le rôle de Gaucher dans le choix de Proust d’une vie consacrée à la littérature est plus important qu’on ne l’a dit jusqu’à présent. Il semblerait en effet que lorsque Henri Bonnet fait une comparaison entre Darlu et Gaucher, il expédie ce dernier un peu vite en ne mentionnant que son « esprit indépendant et caustique » et en concluant que dans le développement intellectuel de Proust « Darlu l’emportera sur Maxime Gaucher »48. Mais Bonnet oubliait alors cette autre déclaration de Proust, moins élogieuse pour son maître que son commentaire de 1896 : « Aucun homme n’a jamais eu d’influence sur moi (que Darlu et je l’ai reconnue mauvaise) »49. Il est vrai que Proust ne mentionne jamais Gaucher dans la Recherche, et peu dans sa correspondance. Cependant, dans une lettre à Robert Dreyfus, où il passe en revue tous les professeurs de Condorcet avec une perspicacité impitoyable, il le loue comme « de beaucoup le meilleur professeur de rhétorique » pour son « esprit infiniment libre et charmant »50.

Les témoignages insistent sur une évidente indulgence de Gaucher envers ses élèves, mais ceux-ci n’étaient pas à l’abri de la causticité qu’il déployait dans ses articles. Si l’esprit de ses comptes rendus de la Revue bleue était toujours spirituel, le ton avait aussi quelque chose « d’incisif et de mordant »51 qui se retrouvait dans son enseignement. Sa « parole mordante »52, ou son « aiguillon d’une finesse volontiers ironique »53, pouvait blesser, comme le lui reprochait le proviseur de Condorcet dans son évaluation : « Ne prend pas toujours les choses au sérieux, et n’évite pas assez l’ironie qui froisse les élèves »54. Cette impitoyable méthode pédagogique venait sans doute de la nature même de son esprit mais elle reflète aussi son exigence intellectuelle et l’intransigeance qu’il pouvait avoir avec ses meilleurs élèves. Lorsqu’on relit le deuxième paragraphe du passage cité plus haut de Jean Santeuil, on peut remarquer une certaine similitude de rythme, de registre et de motifs avec un avant-texte de l’ouverture de Combray55 où un mot en particulier nous frappe et nous rappelle ce professeur parfois trop malicieux : le dormeur éveillé est aux prises avec le souvenir de « la terreur et le supplice » de son enfance, lorsque son oncle, ou son grand-père, ou encore son « précepteur », lui tirait les boucles, époque qu’il compare à celle mythologique et terrible de « Chaos » ou de « la chute de Chronos ». Or pour exprimer ses découvertes littéraires et ses choix critiques, Proust a aussi recours à un langage dramatique et à des références mythologiques. Ainsi ces deux textes s’éclairent l’un l’autre. Dans le tourment que lui inflige « La fille de Minos et de Pasiphaé », nous devinons l’exigence incessante du professeur envers son élève, et le besoin que le jeune Marcel avait d’être aimé et loué par un de ses premiers maîtres en littérature. Mais ce sont surtout les angoisses principales de Proust qui apparaissent, et qu’incarne justement l’insomnie du dormeur éveillé : le drame du coucher dans son enfance ; mourir avant d’avoir accompli son œuvre ; ne pas s’endormir avant d’avoir vu ce que cache le sommeil, quand « l’intelligence n’est plus là pour écarter un souvenir trop angoissant »56, et où se trouve le champ, fertile pour l’artiste, de l’inconscient. Ainsi l’effort de Jean pour comprendre le mystère que représente le vers de Racine est le même effort du héros de la Recherche pour se souvenir d’un nom, ou pour comprendre l’appel des arbres de d’Humesnil et des clochers de Martainville, ou pour percer le mystère du sommeil, et en fin de compte, pour devenir écrivain.

L’art de la critique littéraire : Gaucher contre Sainte-Beuve

Les affinités entre la critique littéraire de Proust et celle de Gaucher mériteraient une étude approfondie. Nous ne pouvons ici qu’esquisser des pistes de recherche. Un indice de la portée que la pensée de Gaucher a eue sur son élève se trouve justement dans l’article sur Gautier du jeune Proust, qui qualifie le poète de « décadent dans le bon sens ». Cette remarque paraît étrange à première vue, mais prend tout son sens lorsqu’on connaît l’article que Gaucher venait de publier quelques mois plus tôt, à propos d’un ouvrage sur les décadents, où il évalue les mérites et les défauts de ce mouvement littéraire57. Mais son analyse nous renvoie surtout à un article plus tardif de Proust. Le reproche principal de Gaucher porte sur le risque de tomber dans un jargon :

cette langue claire, je veux le croire, pour les initiés, est terriblement obscure pour nous, qui ne sommes pas de l’église ou de la chapelle.

Le souci d’une langue et d’un style clairs est primordial chez Proust, qui dans « Contre l’obscurité » semble se souvenir des critiques de son professeur, lorsqu’il attaque « cette rhétorique ambiante » et imagine un dialogue entre un « étudiant de vingt ans qui fait de la littérature » et un monsieur de cinquante qui lui dit « Moi, j’avoue que je ne comprends pas, il faut être initié… »58. Après avoir lu Gaucher, on tend ainsi un peu plus l’oreille lorsque Proust prétend étudier la littérature contemporaine sans « jouer avant l’âge le rôle du monsieur de cinquante ans ».

On peut facilement reconnaître des idées de son professeur dans un devoir de Proust. Gaucher propose, comme sujet de dissertation, d’examiner une déclaration de Diderot :

Le dirais-je ? Pourquoi non ? la sensibilité n’est guère la qualité d’un grand génie : ce n’est point son cœur, c’est sa tête qui fait tout59.

Marcel, comme Gaucher dans ses critiques contre Gautier, défend alors le cœur et affirme l’importance de la sensibilité des poètes qui est « la source même de leur génie ». C’est une critique que Proust n’avait cependant pas reprise dans son propre article de 1887 sur Gautier. Nous retrouvons cette opposition entre l’intelligence et le cœur dans une remarque de Gaucher sur Sainte-Beuve : « La tête a été plus active chez Sainte-Beuve que le cœur »60. On se souvient de la célèbre phrase du Contre Sainte-Beuve : « Chaque jour j’attache moins de prix à l’intelligence »61. Un jugement de Sainte-Beuve peut aussi être l’occasion d’un sujet de devoir, ce qui permet déjà à Marcel de se positionner par rapport à ce critique62.

Gaucher a souvent rédigé des articles sur Sainte-Beuve où il fait un éloge nuancé du critique car il le trouve souvent trop malveillant, envers Chateaubriand par exemple, et lui reproche sa « pénétration trop curieuse du mal, trop contente de trouver les petits côtés, les humaines misères, les taches »63. Gaucher reste bien sûr très respectueux, et parfois se montre même flatteur envers Sainte-Beuve, (on sait combien Proust lui-même pouvait être obséquieux !) ce qui ne l’empêche pas de déclarer son hostilité envers les dérapages de la méthode Sainte-Beuve, de cette critique de l’homme dans l’écrivain64. Gaucher reprendra constamment cette position et sera toujours hostile aux dévoilements intimes, comme lorsqu’il déplore la publication de nouvelles informations biographiques sur Rousseau dont il sépare l’homme du poète65. Il y a là un parallèle évident à faire avec l’obsession de Proust de séparer l’œuvre de l’homme. C’est une conviction présente déjà dans sa réponse au « Questionnaire d’Antoinette Faure », et qu’il maintiendra toujours. Ainsi dans les préoccupations littéraires de Gaucher, qui se reflètent dans ses remarques en tant que critique et professeur, il y a le germe de la réflexion de Proust telle qu’elle apparaît dans le Contre Sainte-Beuve, l’amorce de son roman. Comme Gaucher lui-même l’aurait souhaité, la pensée de son élève se développera bien indépendamment de la sienne. En effet, « la liberté de doctrine qui frise parfois le scepticisme littéraire » de ce professeur à l’esprit « brillant et ingénieux, avec une pointe de paradoxe » (on connaît l’importance du paradoxe chez Proust !), encourageait « prématurément l’émancipation intellectuelle des élèves »66 !

Un autre aspect de la méthode critique de Gaucher pourrait être vu comme une incitation pour Proust à une critique littéraire sous forme de pastiches. En effet :

[…] les personnages [des ouvrages dont Gaucher rendait compte] lui fournissaient des personnifications hardies, marionnettes dont il se servait pour juger les contemporains, et auxquelles il prête des dialogues et une mimique très vifs, le tout formant une sorte de parodie des ouvrages qui équivaut bien, en somme, à une critique67.

Le rôle de la mère de Proust dans la formation littéraire de son fils a été souvent cité par les proustiens, mais il est clair que le talent du lycéen a aussi été aiguisé par l’esprit de ce professeur que les élèves appelaient « papa »68. L’absence ou le rôle secondaire du père et du frère de Proust dans son roman ont été interprétés comme un geste positif de protection et d’amour69. Ne pourrait-on voir le même geste, dans les écrits de Proust, derrière l’absence surprenante de ce professeur, ce « papa » du Lycée Condorcet ? Ou plutôt, sa présence ne se situerait-elle pas sur un autre plan, dans l’ironie déroutante et l’humour du style de Proust ? Car si Marcel s’exerce dans les ses premiers articles « à la critique littéraire avec une plume qui se veut professionnelle »70 et imite « le ton à la fois autoritaire et familier »71 de Lemaitre, c’est surtout à Gaucher qu’il emprunte « la gaîté spirituelle »72 et la forme légère. Il démontre une maîtrise du style apparemment frivole et du ton familier à la fois des « causeries » et de l’enseignement de son professeur.

Des lunettes de lecture

De même que les personnages de Proust et leur langage sont un amalgame, un collage, de diverses personnes réelles ou fictives, les sources d’une anecdote célèbre peuvent être nombreuses, mais il est enrichissant de les connaître toutes, de voir ainsi toutes les facettes d’une même scène, pour la voir selon des angles différents, qui nous la révèlent et nous révèle à nous-même, ainsi que le suggérait Proust, avec les multiples lunettes que nous propose l’écrivain : « Regardez vous-même si vous voyez mieux avec ce verre-ci, avec celui-là, avec cet autre »73. L’écrivain comme instrument d’optique est une image chère à Proust mais qui prend ici une épaisseur de plus lorsqu’on sait qu’Albert Sorel, un autre de ses professeurs, dans un article sur sa traduction de La Bible d’Amiens, citait Théophile Gautier en comparant ses livres à « des instruments prodigieux d’optique »74. Et l’on pourrait aller plus loin encore, en se demandant si Proust n’a pas inconsciemment tiré sa métaphore du souvenir de l’apostrophe de Gaucher, à propos, toujours, de Théophile Gautier :

Le seul regret qu’on pourrait exprimer, c’est qu’à force de lancer en l’air des fusées aux gerbes ruisselantes, il fatigue les yeux délicats. Mais des yeux délicats, nous répondra-t-on, sont des yeux malades ; mettez des lunettes vertes, critiques que vous êtes75 !

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1  Le titre de cet article a été légèrement modifié par rapport au titre paru dans le Bulletin d’informations proustiennes (n° 32, 2001/2002, p. 9-21).

2  Phèdre, acte I, sc. I, vers 36.

3  Jean Santeuil, p. 239-240.

4  Cahier 14, ffos 76ro-77ro et Cahier 28, ffos 39ro-41ro, transcrits en partie, respectivement, dans RTP, I, Esquisse XXXVI, p.762-763 et Esquisse XXXIII, p. 755-756.

5  Cahier 14, f°76r°.

6  Dactylographie 1 (N.a.fr. 16730), p.134 ; dactylographie 2 (N.a.fr. 16733), p. 133 et 142.

7  Voir Akio Wada, « Chronologie de l’écriture proustienne », Bulletin d’informations proustiennes, no 29, 1998, p. 41-65.

8  Proust orthographie toujours « Pasiphaë » que l’édition La Pléiade corrige.

9  Cahier 28, ffos39ro et 41ro.

10  RTP, p. 1145, note 8.

11  Maxime Du Camp, Souvenirs littéraires, Paris, Hachette, 1882, p.186. Cité dans RTP, I, notes 5 et 7 p. 1145.

12  RTP, I, p. 89-90.

13  Comparer la remarque sur Musset : « malgré tout un poète de second ordre » (Essais et articles, p. 633). Gautier et Musset étaient des auteurs favoris du héros de la Recherche mais aussi du jeune Proust lui-même.

14  La Renaissance politique, littéraire, artistique, 8 janvier 1921, p. 13-14. Essais et articles, p. 618. Envoyé d'abord sous forme de lettre à Émile Henriot, [jeudi 2 décembre 1920], Corr., t. XIX, p. 642-644.

15  Corr., t. XIX, p. 99-100. Kolb respecte l’orthographe de Proust pour « Pasiphaé ».

16  Robert de Montesquiou, Roseaux pensants, 1897, p. 233. Cité par P. Kolb, Corr., t. XIX, p. 103 note 22.

17  Voir sa lettre de remerciements à Robert de Montesquiou, Corr., t. II, [23 juin 1897], p. 196.

18  « Dîner de Magny du 22 juin 1863 », cité par Kolb, Op. cit., p. 103. Nous trouvons aussi une autre remarque amusante de Jules Goncourt : « La Princesse [Mathilde] a été très effrayée ces jours-ci des paradoxes de Gautier sur Racine : un homme de talent, quoiqu’il fasse ne rassure jamais l’autorité » (« 5 janvier 1865 », Journal des Goncourt, édition de Monaco, t. VII, p. 40).

19  Théophile Gautier ne semble pas avoir lancé cette boutade dans un de ses innombrables articles, mais quand il cite un vers de Phèdre dans sa chronique théâtrale, c'est ce vers-là qu’il choisit (« Mlle Rachel dans Phèdre », La Presse, 23 janvier 1843 ; « Fedra : débuts à Paris de Mme Ristori », Le Moniteur Universel, 17 mai 1858).

20  Soirée probablement donnée autour de 1865-1868, lorsque Victor Duruy, Ministre de l’Instruction publique, commissionna un groupe d'écrivains afin de préparer, dans le cadre de l’Exposition universelle de 1867, un Rapport sur le progrès des lettres, à la gloire de l’Empire. Théophile Gautier était chargé du chapitre intitulé « Rapport sur les progrès de la poésie », qu’il qualifiait, en privé, de « scie patriotique » ou « d’interminable besogne » (Correspondance générale, 1865-1867, t. IX, Genève, Droz, 1995). Il ne rendit que tardivement à l’Imprimerie Impériale « ce malheureux Rapport » qui l’avait « tant ennuyé », n’ayant réussi à l’achever qu’après un séjour de vie en coupe réglée, chez la Princesse Mathilde. Il se défoulait peut-être ainsi de cet assujettissement au gouvernement impérial avec ses saillies qui choquaient la Princesse.

21  Maxime Gaucher, « Mort de Théophile Gautier », Revue bleue, 2 novembre 1872, p. 430-431.

22  Maxime Gaucher, « Théophile Gautier : entretiens, souvenirs et correspondance, par Emile Bergerat et préface par Edmond Goncourt », Revue bleue, 28 juin 1879, p. 1231-1232.

23  Gaucher répète en particulier d’autres boutades de Gautier, comme celle-ci sur le théâtre : « comment s’intéresser à des personnages qui sont éclairés par en bas et dont l’ombre se dessine au plafond ? » (articles de la Revue bleue du 2 novembre 1872 et du 28 juin 1879).

24  Corr., t. XXI, Lettre à Nathé Weil, [septembre 1886], p. 548.

25  Maxime Gaucher, Causeries littéraires 1872-1888, présenté par René Doumic et Henry Ferrari, Paris, Armand Colin Éditeurs, 1890.

26  Article du 12 décembre 1887, cité par Anne Borrel dans Marcel Proust, Écrits de jeunesse 1887-1895, Institut Marcel Proust International, 1991, p. 105-107.

27  Ferdinand Brunetière, « Théophile Gautier », la Revue des deux mondes, 1er décembre 1887.

28  Maxime Gaucher, « Histoire des œuvres de Théophile Gautier, par le vicomte Spoelberch de Lovenjoul », Revue bleue, 26 novembre 1887, p. 693.

29  Anne Borrel (Op. cit., note 4, p. 109) signale la source de ce diminutif chez les Goncourt.

30  Un degré inférieur est encore atteint avec le surnom que Gautier utilisait pour son fils : « Toto » !

31  « Théophile Gautier, L’Orient. Poésies complètes de Gérard de Nerval », Revue bleue, 3 novembre 1877, p. 425-426.

32  Voir en particulier : Mélanges, p. 192 ; et la lettre à Mme Straus, Corr., t. VIII, [6 novembre 1908], p. 276-277.

33  Théophile Gautier, Compte rendu de Prosodie de l’école moderne de W. Tenint, La Presse, 5 janvier 1844.

34  André Ferré, Les Années de Collège de Marcel Proust, Gallimard, 1959, p. 182.

35  Pierre Lavallée, cité par Kolb, Corr., t. I, p. 109 note 7.

36  Paul Desjardins, « Maxime Gaucher – Souvenirs », la Revue bleue, 10 novembre 1888, p. 581-586.

37  Du 26 octobre 1872 au 14 juillet 1888, année de sa mort.

38  André Ferré (Op. cit., p. 179) mentionne aussi que Gaucher « signait le bulletin critique de la Revue littéraire », et Jean-Yves Tadié, reprend cette information (Marcel Proust, Gallimard, coll. « Biographies », 1996, p. 90). Or nous n’avons trouvé aucune trace du moindre article de Gaucher dans d’autres revues que la Revue bleue. N’y aurait-il pas ici une confusion avec le second titre de la Revue bleue, la Revue politique et littéraire, ou avec le titre coutumier utilisé pour se référer à une colonne d’un auteur, sa « revue littéraire » ?

39  Voir en particulier : Anne Borrel, Op. cit., p. 86 et la note 4 p. 109 ; ainsi que Jean-Yves Tadié, Op. cit., note 2, p. 90.

40  Paul Desjardins, Op. cit., p. 585.

41  « Avertissement » de René Doumic et Henry Ferrari, Maxime Gaucher, Op. cit., p. VI.

42  Paul Desjardins, Op. cit., p. 586.

43  Voir par exemple : RTP, I, p. 433.

44  Paul Desjardins, Op. cit., p. 585.

45  André Ferré, Op. cit., p. 181.

46  La dédicace aux Plaisirs et les jours, p. 8.

47  Paul Desjardins, op. cit., p. 584-585.

48  « Allocution de M. Henri Bonnet (sur Proust et Darlu) », Bulletin Marcel Proust, no 64, 1984, p. 218.

49  Le Carnet de 1908, Cahiers Marcel Proust, n°8, Gallimard, nrf, 1976, (fo 40vo) p. 110.

50  Corr., t. I, lettre à Robert Dreyfus, [28 ? août 1888], p. 106.

51  André Ferré, Op. cit., p. 179.

52  Commentaire de l'Inspecteur général E. Manuel, cité dans A. Ferré, Op. cit., p.180.

53  A. Ferré, Op. cit., p.179.

54  Cité par André Ferré, Op. cit., p. 179.

55  Cahier 5, f° 114vo, transcrit par Bernard Brun, « Le dormeur éveillé, genèse d’un roman de la mémoire », Cahiers Marcel Proust, n° 11, Etudes Proustiennes IV, Gallimard, nrf, 1982, p. 260.

56  Corr.,t. V, lettre à Mme Straus, [Le 8 ou 9 novembre 1905], p. 359.

57  Maxime Gaucher, « L’École décadente, par Anatole Baju », Revue bleue, 17 septembre 1887, repris dans Maxime Gaucher, Op. cit., p. 239-248.

58  Article du 15 juillet 1896, La Revue blanche. Voir Essais et articles, p. 390-395.

59  Devoir cité dans André Ferré, Op. cit., p. 186-188.

60  Maxime Gaucher, « La correspondance de Sainte-Beuve », Revue bleue, 2 février, 1878, p. 732.

61  CSB, p. 211.

62  Devoir cité dans André Ferré, Op. cit., p. 188-191.

63  Maxime Gaucher, « Les Cahiers de Sainte-Beuve », Revue bleue, 1er avril 1876, p. 330.

64  Ainsi il retourne cette critique contre Sainte-Beuve avec des anecdotes qui révèlent les côtés peu glorieux de l’homme. Par exemple, à chaque occasion, il mentionne « la calotte noire et le parapluie vert » de Sainte-Beuve, raillant ainsi son côté bourgeois (Revue bleue, articles des 17 octobre 1874 et 2 février 1878).

65  Maxime Gaucher, Revue bleue, 6 mars1875, p. 855-856 ; voir aussi 12 avril 1884, p. 475-476.

66  Remarques de l’Inspecteur Eugène Manuel, cité dans : André Ferré, Op. cit., p. 180-181.

67  Paul Desjardins, Op. cit., p. 582.

68  Paul Desjardins, Op. cit., p. 584.

69  Voir Christian Péchenard, Proust et son père, Quai Voltaire, 1993.

70  Anne Borrel, Op. cit., p. 97.

71  Id., p. 99.

72  « Avertissement » de R. Doumic et H. Ferrari, in Maxime Gaucher, Op. cit., p. V.

73  Le Temps retrouvé, RTP, IV, p. 490.

74  Albert Sorel, Chronique des arts et de la curiosité, 19 mars 1904, voir Pastiches et Mélanges, notice p. 721.

75  Maxime Gaucher, « Théophile Gautier : Portraits Contemporains, Littérateurs, Peintres, Sculpteurs, Artistes Dramatiques », Revue bleue, 12 septembre 1874, p. 259 (c’est nous qui soulignons).