Méditant un jour sur la définition du temps Saint Augustin écrivit : « Si on ne me demande pas ce que c’est, je le sais ; si on me le demande, je ne le sais pas » (Confessions, XI, 14). Six siècles plus tard, cette formule célèbre s’applique encore admirablement à la critique génétique. Tant qu’il ne la faut pas définir nous savons, plus ou moins bien, qu’il est question d’étudier la création littéraire (et d’autres). Mais pourquoi faire ? Quel est le statut de cette recherche ? Sa place dans le concert des disciplines ? Tout cela n’est pas toujours clair. Commençons par le demander aux mots ;  ils ont souvent quelque chose nous à dire.

Le terme de critique génétique apparaît d’abord sur la couverture d’un petit recueil du siècle dernier.1 Il s’ouvre sur un essai intitulé « Génétique et poétique » - et la formule « poétique des brouillons » figurait déjà en conclusion d’un précédent ouvrage.2 Nous voilà donc face au couple critique / poétique, dans lequel le premier terme renvoie aux principes du jugement, le second aux règles de l’art : deux concepts constitutifs de tout système  esthétique de l’Antiquité à nos jours. On pouvait donc imaginer aisément la génétique dans la continuité d’une tradition où elle prenait place à son tour. Il est vrai qu’à l’époque la recherche était encore en chantier et ne se préoccupait guère de sa position dans l’histoire de la critique. Il a fallu du recul pour mesurer les conséquences théoriques d’une évidence pourtant simple : il n’est pas de manuscrits plus parfaits que d’autres, ni de façons d’écrire plus accomplies. La critique génétique ne saurait donc être instance de jugement ni de prescription; entre sa démarche et celle de la tradition critique existe une différence de nature qui pose le problème de son statut. D’une part, la génétique appartient au système général des études littéraires dont elle partage le territoire. Mais d’autre part, elle se différencie des autres approches critiques par ses méthodes et par ses objets. Elle se trouve, par rapport à la discipline, dans un rapport contradictoire à la fois d’inclusion et d’exclusion ou, plus exactement, de solidarité et d’autonomie. Cette contradiction a été et continue d’être la cause de tensions et débats sur lesquels je ne reviens pas ici. Pour la comprendre, mieux vaut regarder comment les choses se sont passées. En effet, à la différence de tant d’autres, la critique génétique n’est pas fille d’une théorie. Elle est née d’une expérience empirique et garde toujours dans sa méthode les traits d’une pratique.

 On fait parfois remonter l’aventure de la génétique à l’expérience de l’équipe Heine. Mais c’est une référence incomplète. L’émergence de la génétique moderne est liée à une expérience bien plus vaste : l’apparition sur la place publique des « brouillons » de l’oeuvre, autrement dit par l’entrée des manuscrits de travail des écrivains dans les archives et bibliothèques publiques. Ce phénomène, s’il n’est pas tout à fait inédit, a pris au cours des dernières années une ampleur jusqu’alors inconnue. Qu’il suffise de rappeler qu’à la Bibliothèque Nationale, dont l’exemple est loin d’être unique, une politique d’acquisition des autographes littéraires apparaît seulement dans la seconde moitié du XXe siècle. Il s’agit d’une véritable mutation dans les pratiques culturelles des écrivains et de la société, une mutation dont l’étude exigerait à elle seule un autre exposé. Je retiens seulement que la critique génétique a été à la fois bénéficiaire et acteur de ce mouvement. Ainsi, à l’ITEM la plupart des équipes - Valéry, Proust, Joyce, Sartre, sans parler de Heine et d’Aragon - travaillent sur des fonds qui ne sont devenus accessibles qu’au cours des dernières décennies, voire des dernières années - parfois d’ailleurs grâce à l’intervention des chercheurs eux-mêmes. La première expérience des généticiens fut de découvrir, derrière les rayons familiers et stables de la bibliothèque, l’espace inconnu de l’archive et d’entrer ainsi dans un univers de la découverte tout neuf pour des universitaires. Il est désormais devenu leur terrain quotidien et, pour n’en  rappeler que deux exemples les proustiens d’abord et puis, tout récemment, les joyciens ont vu leur territoire transformé par l’apparition, parfois tout à fait inattendue, de manuscrits encore inconnus. La génétique garde toujours son horizon d’aventure.

D’une philologie à une génétique  

Il reste que, parmi toutes les autres, l’expérience de l’équipe Heine a joué un rôle particulier. Aux heinéens, leurs manuscrits sont, en quelque sorte, restés sur les bras : ils ont dû mettre eux-mêmes leur fonds en état, autrement dit identifier, classer, décrire et cataloguer une collection éparse de quelque cinq milliers feuillets. Ils ont ainsi vécu sur le terrain l’expérience d’une confrontation directe aux documents.

Confrontation au sens fort du terme: des chercheurs qui n’avaient jamais vu un manuscrit à l’Université se trouvaient brusquement en face d’objets inconnus qu’il leur fallait analyser et décrire. On sait bien qu’un manuscrit, c’est du papier avec quelque chose d’écrit dessus. Mais comment décrit-on une feuille de papier ? Comme chacun sait, le papier s’obtient en séparant dans l’eau des fibres végétales pour les réunir ensuite hors de l’eau par feutrage. Rien de plus simple ni de plus ancien; le principe est connu depuis le début de notre ère. En revanche, il a donné lieu à des techniques diverses et produit une extraordinaire variété de papiers ; Heine, à lui seul, utilisait des dizaines de sortes différentes. Comment les identifier et les décrire ? De ces interrogations est née au fil des années une nouvelle discipline qui a connu depuis un remarquable développement : la codicologie des manuscrits modernes. Le terme est impropre, puisqu’il procède des anciens codices, les livres manuscrits du Moyen Age, mais l’usage s’en est imposé jusque dans le domaine moderne. On lira plus loin comment ces recherches peuvent contribuer à l’analyse externe des manuscrits, leur datation, leur localisation, leur histoire – et à leur analyse interne, celle de la structure d’un dossier et de sa signification. 3 Dans une moindre mesure, il en va de même des recherches sur l’écriture. La paléographiedes écritures modernes (encore une contradiction dans les termes) exploite le caractère fortement individualisé des tracés autographes pour identifier leurs auteurs, détecter l’évolution d’une écriture dans le temps, distinguer les étapes d’un tracé. En définitive, à travers ces travaux sur le terrain s’est progressivement constituée ce qu’on pourrait appeler une heuristique des objets manuscrits, autrement dit un socle de méthodes positives sur lequel s’appuient désormais toutes les analyses des documents de l’époque moderne.

 C’est sur cette base que s’engage à son tour l’étude des signes qui figurent sur la page. Et l’on voit d’emblée que le manuscrit ne diffère pas seulement du livre en tant qu’objet matériel. C’est aussi un tout autre objet sémiotique. Pour s’en convaincre, il suffit de placer côte à côte le même texte tel qu’il s’offre au regard dans un livre et dans un manuscrit. Voici deux images d’un même texte : la première page d’Hérodias de Flaubert.On voit d’emblée que l’impression a imposé au manuscrit une forte compression : le papier coûte cher. Mais surtout :  elle l’a transformé en une séquence de lignes homologues, équidistantes, orientées selon un vecteur unique et dont tous les signes appartiennent à un code unique. Les éléments proprement sémiotiques de l’imprimé – sigles, divisions du texte, mise en forme de la page - sont standardisés à leur tour. Le regard balaye ainsi le texte dans un mouvement réglé de va-et-vient : l’acte de lecture est un acte programmé  et le livre fonctionne comme une machine à lire. Le manuscrit, au contraire, présente une image composite. Elle se distribue sur des espaces multiples et s’oriente sur des parcours divers. Elle porte une diversité de signes graphiques : lettres et mots, mais aussi ratures, marques de position (renvois, insertions, déplacements), symboles, sigles, dessins : autant de traces indiciaires des opérations génétiques. Dans le livre, le texte est donné à lire, dans le manuscrit, une image est donnée à voir. Le regard parcourt librement cette carte de signes verbaux et non verbaux pour en dégager un sens, un système de significations. Pour le malheur et le bonheur des chercheurs, les images du manuscrit sont d’une extraordinaire diversité, selon les auteurs avant tout, mais aussi selon les étapes de la rédaction et la nature des documents. Cette diversité place la critique génétique face à une contradiction. L’analyse d’un manuscrit suppose une suffisante familiarité avec l’œuvre et le travail de son auteur ; elle comporte donc une exigence de spécialisation. Mais à rebours, seule une pratique comparative permet d’enrichir une méthode et de nourrir une réflexion théorique. De là, on l’a vu, l’importance d’une circulation de la recherche entre équipes. Ainsi, au lieu de défier ici le lecteur avec un échantillon d’écriture gothique - celle  d’Henri Heine – j’emprunte pour ma démonstration un exemple à mes voisins de l’Equipe Proust - à charge de revanche ! Il s’agit en l’espèce de l’un des premiers feuillets du Cahier 57 de la Recherche .

Avant d’en parler, il est bon de rappeler que ce n’est pas un manuscrit réel que nous avons ici sous les yeux : c’est la reproduction d’un cliché, une image désincarnée. Les indices matériels – papier, encre, couleur – en ont disparu, les tracés sont appauvris. Cependant, une telle image permet déjà quelques observations. La page s’ouvre par un paragraphe de sept lignes, d’une écriture régulière : « mais qui comme ces graines gelées qui des années plus tard peuvent germer, s’éveille, s’anime et se réjouit de la céleste nourriture qui lui est apportée. (…) ». Ce passage achève un texte commencé sur le feuillet précédent et devrait déboucher sur une suite. Celle-ci ne sera jamais réalisée, mais Proust signale cette intention par une accolade, le long de laquelle il écrit : « suivre à la page suivante sans alinéa ». Et pourtant, une fois ces instructions, mi-graphiques, mi-verbales bien notées, un autre thème se présente à l’esprit, un thème « Capital ». Mais désormais la page est bloquée par l’accolade ; seul demeure libre l’espace de la marge. Proust y inscrit, d’une écriture plus rapide, le paragraphe qui commence par : « Quand je parle de la nécessité de l’art parce que la vie est une réalisation imparfaite. (…) ».  Là-dessus, surgit un troisième sujet, « Capital » lui aussi, et pour lequel il ne reste à l’auteur qu’une solution de fortune : « Que je mets dans  ce coin faute de place ». C’est le texte qui commence par : «L’erreur de certains auteurs vient de croire que ce [ne pas] [comprendre] 4 (…) », écrit cette fois d’un tracé encore plus hâtif et moins contrôlé. Ainsi, l’information graphique (spatiale et scripturale) et les « notes de régie » de l’auteur permettent de reconstituer la séquence des plages textuelles. Mais, contrairement à ce qui a été parfois  écrit - par moi comme par d’autres - on n’a pas pour autant fait revivre la genèse dans sa réalité temporelle. L’ordre des opérations ne révèle qu’un squelette du temps, et encore ne sommes nous pas toujours assurés que tous les os y soient bien à leur place.

Dans les deux passages intitulés « Capital » et improvisés sur cette page, l’écriture finit par déborder son cadre, que ce soit une marge ou un « coin », pour se glisser dans des interstices, proliférer dans de nouveaux espaces, faire naître des ajouts. Ce foisonnement graphique se confirme au niveau des significations.  A la suite d’une métaphore initiale, celle de la graine, c’est à dire de la mémoire, deux thèmes différents surgissent dans un apparent désordre : celui de la nécessité de l’art et celui d’une homologie entre l’art et la science. Ces thèmes se distinguent aussi au niveau de l’énonciation : on passe de la première personne : « Quand je parle de la nécessité (…) » à la troisième : « L’erreur de certains auteurs (…) ». Et pourtant, leur contiguïté sur le feuillet est significative. Tous les trois sont des éléments d’une réflexion sur l’art. Et celle-ci renvoie aux thèmes qui apparaissaient déjà sous une forme analogue dans le premier chapitre du roman. La fin de la Recherche renoue ainsi avec son début, à travers la définition d’une esthétique. Cette tension entre le trop-plein des idées et le calcul d’une composition éclaire à la fois l’histoire du roman et le travail de l’auteur; elle apporte ainsi, à l’échelle d’une page, une petite pierre à une étude de genèse. On voit comment la génétique apprend peu à peu à faire parler à la fois les objets et les signes.

Les territoires de la génétique

La longue marche des chercheurs à travers les manuscrits les a menés, sans qu’ils s’en rendent toujours compte, de la description d’un objet, le manuscrit, à la compréhension d’un processus, celui de l’écriture. Ils ont ainsi répondu à la première question posée à leurs travaux : « Des manuscrits, pourquoi faire ?». En donnant un sens aux traces visibles du travail de l’écrivain, la génétique a ouvert la voie à une approche empirique de la création. Empirique au sens que l’épistémologie donne à ce terme : une méthode qui part de l’observation du réel pour en dégager des significations ; une logique inductive, donc, par opposition à une logique déductive qui procède d’une théorie pour l’appliquer à un objet. On ne saurait, pour autant, l’assimiler sans réserves à celle des sciences expérimentales. A notre point de départ, au niveau des objets matériels, nous pouvons affirmer que tel filigrane, par exemple, diffère de tel autre - et cette assertion est, en effet, vérifiable à tout moment et en tout lieu, comme dans les sciences dites galiléennes. Mais à notre point d’arrivée, au niveau de l’interprétation, nous ne pouvons pas démontrer que telle opération génétique soit l’effet de telle cause, qu’elle obéisse à telle ou telle loi de la création. Cette restriction ne vaut pas nécessairement pour l’étude du langage qui exigerait, à elle seule, un autre examen et dont il sera parlé ailleurs dans ce volume.5 Dans la perspective de la création littéraire cependant, la génétique ne relève pas d’une logique déterministe, elle  ne vise pas une explication, mais une compréhension, elle est la recherche non d’un mécanisme, mais d’un sens.

Je ferme cette parenthèse (mais l’essentiel se faufile parfois entre parenthèses) pour revenir aux Essais de critique génétique. Leur publication marque à la fois une étape et un tournant.  Elle est l’aboutissement d’une dizaine d’années de travaux et en même temps le point de départ d’une recherche inédite qui sort de l’ombre des archives pour figurer désormais au grand jour. On le constate d’abord par le développement des publications. Des études de genèse, on l’a vu, avaient déjà paru au cours  des années soixante-dix, mais ces publications prennent dans la décennie suivante un caractère systématique. Au départ, il s’agit d’appliquer la méthode génétique à des sujets choisis: un auteur, une époque, une pratique d’écriture. La création de la revue Genesis marque le changement des années quatre-vingt-dix : une problématisation plus systématique et un développement du dialogue international. L’évolution est confirmée par l’apparition des premiers ouvrages de synthèse. Enfin on note un changement (non calculé et d’autant plus révélateur) dans les titres, où la notion d’ « Essai » cède la place à celle d’« Eléments » (qui implique un statut didactique), celle de « Manuscrits » à celle de « Littérature »  (qui passe d’un objet à un art). Au total, la bibliographie génétique compte certainement, depuis 1980, plusieurs centaines de titres en France et autant sinon plus à l’étranger.

En effet, un autre aspect neuf de la recherche est son développement international. C’est à la fois une consécration, un élément de ce qu’aux États-Unis on a appelé la succes story de la critique génétique et une leçon de modestie, puisque la recherche française, celle dont nous parlons essentiellement ici, relève désormais d’une communauté scientifique bien plus vaste. Celle-ci a été présentée dans Genesis du nord au sud, du Canada au Brésil. Mais on peut aussi la suivre d’est en ouest, des États-Unis jusqu’au Japon en passant par Moscou. Les bons amateurs de romans policiers, nombreux à coup sûr parmi les généticiens, n’ont pas manqué de relever dans le dernier roman de Qiu Xiaolong, Encres de Chine, ce passage que je cite en traduction française: « (…) quelques années plus tôt, Chen [inspecteur principal de la police criminelle de Changaï] avait appris qu’un manuscrit pouvait permettre de saisir la démarche créatrice d’un écrivain ». En France, la critique génétique avait déjà servi de thème à des romans policiers, mais sa popularisation sous le pinceau d’un auteur chinois est une nouveauté. Je ne puis m’empêcher de penser que l’inspecteur Chen, encore étudiant, a suivi l’un des séminaires donnés en Chine par les chercheurs de l’ITEM.

Ceci dit, la diffusion de la génétique au grand public ne se limite pas au roman. De grandes expositions consacrées aux brouillons, à la page, à l’écriture se sont succédées à la BnF, à la Bibliothèque Nationale de Vienne, aux Archives Littéraires de Marbach en Allemagne - pour ne citer que des manifestations majeures. En même temps, de nombreuses publications ou émissions lui ont été consacrées dans les médias français et étrangers ; d’autres sont en préparation. Plus proche de la recherche, l’édition scientifique a connu de changements importants. Le modèle allemand de la Historisch-kritische Ausgabe comprend désormais la totalité des manuscrits d’un auteur ; la plus grande entreprise internationale d’édition, la collection Archivos comporte une section génétique lorsque sa documentation le permet, un nouveau modèle, celui de l’édition génétique est apparu en France et à l’étranger. Je ne m’y arrête pas ici puisque Hans Walter Gabler en traite par ailleurs, de même que Jean-Louis Lebrave et Jean-Gabriel Ganascia le font pour l’édition électronique.6 Enfin et surtout, la création littéraire fait désormais partie du programme des lycées français, de concours de recrutement des professeurs en Allemagne, d’enseignements universitaires en France et à l’étranger. Ces résultats montrent bien comment une recherche fondamentale peut intervenir concrètement dans la modernisation de l’enseignement, fut-ce dans les matières les plus classiques.

On peut se féliciter de ce bilan. Mais il ne se réduit pas à la seule critique génétique. En passant sur la place publique, celle-ci a fait des rencontres qui l’ont influencée à son tour. Je pense tout d’abord aux études de genèse qui concernent d’autres productions de l’art ou de la pensée. Dans certains domaines, ces études ont déjà leur tradition propre, en musicologie avec l’étude des partitions, dans les arts plastiques avec celle esquisses ou des fresques. Dans d’autres, une perspective génétique est apparue à travers nos échanges avec des scientifiques, des architectes, des historiens de l’art ou des arts du spectacle. Ces rencontres sont souvent passionnantes et contribuent à étendre notre réflexion. Nous avons ainsi découvert la pratique d’un double niveau de l’expression (symbolique et verbale) dans la recherche scientifique, celle de la pluralité des langages (tonal/atonal, instrumental/électronique) en musique, bien d’autres encore. Ce sont d’ailleurs plus souvent les contrastes que les analogies qui dévoilent d’autres horizons à la recherche. Ils la confrontent ainsi au problème de l’unité et de la diversité de la génétique. Quelle est la discipline dont nous parlons ici ? Est-ce une méthode, une épistémologie de portée générale ou bien une démarche qui appartient en propre à chaque discipline ? On reviendra sur ces questions avec l’étude de Pierre-Marc de Biasi.7 Pour ma part, il me semble que ma propre recherche, malgré la spécificité de sa méthode génétique, appartient toujours au domaine littéraire.

C’est d’ailleurs pour cela que je m’intéresse également à une autre expérience que les généticiens ont faite à partir des années quatre-vingt : leur rencontre avec les écrivains. Elle commence très tôt avec « une démarche sans précédent » - c’est ainsi qu’Aragon parle du don de ses manuscrits à la recherche.  Ce qui est neuf dans ce geste, c’est l’intention explicite de confier l’œuvre d’un écrivain à des chercheurs, qui vont alors se constituer en ITEM. Dans l’allocution au CNRS qui demeure son dernier grand texte théorique, Aragon déclare :

« Ne fallait-il pas mettre à la disposition de ceux qu’on appelle les chercheurs non seulement l’écrit figé par la publication, mais le texte en devenir, saisi pendant le temps de l’écriture, avec ses ratures comme ses repentirs, miroir des hésitations de l’écrivain comme des manières de rêverie que révèlent les achoppements du texte » 8

On voit qu’il s’agit véritablement d’une rencontre et le titre de ce texte « D’un grand art nouveau : la recherche » marque le renouveau d’une alliance entre critique et création, une tradition que la France académique avait fini par oublier. La recherche génétique aura ainsi crée de nouveaux rapports entre écrivains et critiques. Aux auteurs, elle a proposé une réflexion consacrée à leur propre travail. Aux chercheurs, elle a montré que le témoignage des écrivains n’était pas forcément anecdotique ou biaisé, comme on avait souvent tendance à le croire. C’est encore Aragon qui le dit :

« Le champ de nos rapports, j’entends de l’écrivain et du chercheur, est celui de l’écrit (…) dans ce champ-là nous sommes, les uns comme les autres, curieux, d’une curiosité naturelle, à la fois de connaître et comprendre la recherche aussi bien de la chose à écrire que de la recherche qui s’en fait. »9

Depuis, des discussions ou entretiens ont eu lieu avec un grand nombre d’écrivains français, depuis la génération de Ponge, Gracq, Claude Simon jusqu’aux auteurs d’après-guerre comme Goux ou Michon, mais aussi avec quelques écrivains étrangers, en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux États-Unis. La plupart de ces échanges ont donné lieu à des publications qui ont renouvelé les sources de la critique littéraire. Aux études de genèse, ils ont révélé une nouvelle dimension de leur domaine : ils ont incité les chercheurs à lever le nez des manuscrits pour écouter la voix de ceux qui écrivent. C’est ainsi que la génétique a pris sa forme actuelle, celle d’une réflexion globale sur la création littéraire.

La génétique en question

Mais dans toute recherche, une avancée débouche sur de nouveaux problèmes. A l’interrogation « Des manuscrits, pourquoi faire ?» succède au cours des années quatre-vingt-dix  la question « La génétique, pourquoi faire ?». Avant d’entrer dans ce débat, il faut rappeler qu’une première réponse lui était venue des écrivains eux-mêmes. Le propos d’Aragon renvoie à la révolution poétique au tournant du XIXe et du XXe siècle. En France elle fut, comme vous le savez, l’œuvre des écrivains qui se rencontraient autour de Mallarmé : Valéry, Proust, Gide. L’enjeu était de mettre l’activité de l’esprit au centre de l’œuvre afin, comme le dit Mallarmé « de peindre non la chose, mais l’effet qu’elle produit ». De là une nouvelle conception de l’écriture, « le faire comme principal et la chose faite comme accessoire » - selon la formule Valéry qui définit une esthétique de l’oeuvre en acte. Cette conception trouve alors un écho bien au-delà des lettres françaises et même au-delà de la littérature. Paul Klee la reprend dans L’Art Moderne, et à la même époque - nous sommes au milieu des années vingt - Pasternak écrit dans son essai autobiographique Sauf-conduit:

« Ce qu’il y a dans l’art de plus clair, de plus mémorable et de plus important, c’est son origine. Et les plus grandes œuvres au monde, tout en nous parlant des choses les plus diverses, nous content en fait leur propre naissance. »10

On sait que la critique génétique s’est inspirée de cette vision. Encore n’est-elle pas la première à le faire. Dans les décennies d’après-guerre, ce que l’on a nommé alors « la nouvelle critique » avait déjà renoué avec cette poétique de la modernité. Ainsi, Gaëtan Picon écrit dès 1960 :

« L’œuvre authentique est une vie, non un objet. Le mouvement qui a été celui de sa création  - cette marche hasardeuse vers l’inconnu, qui la porte vers un au-delà sans cesse imprévisible – est aussi celui par lequel elle se manifeste à nos yeux ».11

Et Jean Starobinski : « Il n’est point d’œuvre moderne qui ne porte en elle l’indice ou la justification de sa propre venue au monde ». Mais à regarder ces critiques de près, on voit qu’il s’agit toujours du livre et de la lecture. Le premier, Maurice Blanchot a explicité ce non-dit avec sa pénétration coutumière. Parlant du lecteur, il écrit :

« (…) non pas qu’il assiste de nouveau à la manière dont elle s’est faite, c'est-à-dire à l’expérience réelle de sa création, mais il prend part à l’oeuvre comme au déroulement de quelque chose qui se fait (…) ».12

Une distinction, on le voit,  s’opère entre une lecture génétique du livre -  ce qui pourrait être l’horizon d’une génétique sans manuscrit - et une connaissance de la création réelle  qui échappe au lecteur. Il faudra encore un quart de siècle pour que la recherche s’engage sur ces terres inexplorées. Ce sera l’aventure de la critique génétique, une tentative sans précédent dans les études littéraires et qui a naturellement soulevé nombre de questions inédites.

A commencer par la définition du domaine génétique. Il  embrasse le temps de la création, cette dimension de la littérature qui n’appartient qu’à l’écrivain. En le dévoilant, la génétique nous offre une vision globale du fait littéraire. Désormais, la critique peut accéder à l’univers individuel de l’écriture, de la production de l’oeuvre, aussi bien qu’à l’univers social de la lecture, de la récréation de cette œuvre par ses lecteurs. Mais tout n’est pas dit pour autant. La lecture commence et finit quand s’ouvre et se ferme le livre - mais où commence et finit la genèse ? Le travail de création peut s’engager en tout lieu et à tout moment, il peut être déclenché par un choc soudain - lecture, événement, vision - aussi bien que par un long travail de l’esprit ou par la résurgence d’un souvenir lointain. Dans son carnet, l’écrivain suisse Ludwig Hohl note: « Et que je souligne un mot où que je copie un texte, que j’écrive une lettre, prenne des notes, exprime une opinion – tout est œuvre ».

L’origine première de l’écriture demeure donc souvent indiscernable (et parfois à l’écrivain lui-même) ; la critique ne peut la revendiquer comme point de départ. Il lui faut choisir un repère observable : l’instant où la plume touche le papier. C’est un choix pour une part arbitraire. Il ne nous fait pas remonter aux origines premières : les graines dont parle Proust sont abandonnées au capricieux travail de la mémoire avant de germer des années et parfois des décennies plus tard. Mais c’est un choix qui n’est pas sans force. Le passage de la représentation mentale au geste corporel marque une transition que Valéry définit dans le « Premier cours de Poétique »:

« Cette fin [des opérations mentales] est l’aboutissement d’une suite de modifications intérieures aussi désordonnées que l’on voudra, mais qui doivent nécessairement se résoudre au moment où la main agit en un commandement unique heureux ou non.» 13

Cette description évoque en termes d’expérience vécue le processus complexe dont nous savons désormais qu’il fait transiter les représentations mentales successivement par le centre du langage, par une mémoire des formes graphiques, par les centres nerveux d’une activation corporelle spécifique (et que les spécialistes des opérations cognitives me pardonnent un résumé si abrupt !). Ce processus extériorise et matérialise l’action de l’esprit, l’inscrit durablement dans une mémoire visible, la détache du processus mental pour la placer en face de l’écrivain. Ces phénomènes sont illustrés par un autre témoignage encore, celui du poète et dessinateur allemand Christoph Meckel :

« Prenons par exemple cette feuille sur laquelle j’ai écrit le mot « nuit ». Je l’ai noté il y a deux ou trois mois. C’est la pierre angulaire, le point de départ d’un poème. Tant que ce mot est là, immuable, fixé dans sa forme graphique - et je le garde aussi longtemps que possible dans sa forme originelle, celle de mon écriture - il est ma richesse, mon bonheur. C’est un aimant. Il exerce, sans que j’aie à intervenir, une force d’attraction sur toutes les représentations, sons et images du poème à venir ».14

Cette insistance sur la réalité matérielle du mot souligne sa double nature de symbole verbal et de forme sensible. Expressive à l’instar d’une physionomie, elle lui donne un sens et une force qui le portera dans le texte. Mais surtout, le propos montre bien que dès le premier mot, fut-il encore solitaire et unique, l’écriture s’affirme comme un processus esthétique. Ce constat fournit un argument essentiel pour considérer que le domaine de la génétique s’ouvre à l’instant des premières inscriptions et non pas, comme on l’a avancé, au moment où le manuscrit commence à se faire texte. Allons maintenant voir où il va s’achever.

Symétriquement, le regard de la critique s’est souvent arrêté aux inscriptions dernières, à l’ultime manuscrit au net qui fait face à la feuille blanche de l’origine. Mais cette vision relève d’une mythologie du manuscrit plutôt que de la réalité. Le trait de plume qui achève la genèse n’est pas celui du mot « Fin » (inscription triomphante, mais qui semble se faire rare de nos jours) - c’est la signature du bon à tirer. Entre les deux, la genèse se poursuit à travers une série de transformations. Le manuscrit change  de forme, et parfois de texte. C’est le temps d’un travail à plusieurs, tel qu’un éditeur le présente :

« Entre le moment où l’auteur dépose le mot fin sur la dernière page de son manuscrit et celui où le premier lecteur ouvre le livre, le texte est pris en main, habillé, commenté, investi de telle manière que le sens (…) se trouve modifié. » 15

Ne parlons pas des préparatifs – projet, calendrier, contrat – par quoi, dans la genèse, d’autres mains sont déjà intervenues que celle de l’écrivain. La chambre aux écritures n’est pas seulement lieu de solitude et d’enfermement ; ses fenêtres donnent sur le monde de bien de façons. En ce sens, le passage de l’écriture au livre est aussi l’étape dernière d’un processus de socialisation. L’oeuvre reçoit sa forme publique dans laquelle se rencontrent les deux mouvements qui lui donnent vie: écriture et lecture, réception et genèse. Et quand la critique embrasse du regard ces deux versants, son rapport à l’art est modifié. Elle n’est plus, face aux œuvres, en posture de contemplation mais de compréhension pour répondre à sa tâche de passeur des Lettres.

La génétique et l’avenir

Ce constat (ou cette thèse, comme on voudra) aurait tout naturellement marqué la conclusion de mes remarques, voici quelques années à peine. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. La critique génétique a vécu une aventure peu commune pour une discipline : l’Histoire l’a en quelque sorte rattrapée et l’objet même de sa recherche a changé sous nos yeux. Ce changement est bien entendu celui de la révolution informatique - une révolution sans précédent, puisque les outils et pratiques d’écriture ont jusqu’ici évolué au rythme des siècles et non pas des années. J’ai déjà évoqué l’histoire millénaire du papier et il en va de même des instruments : du stylet antique au bic contemporain, la différence est de technologie, non de principe ; c’est toujours une pointe que la main conduit et qui, sur un support, inscrit un tracé. La précédente innovation moderne, celle du clavier, compte à son tour déjà plus d’un siècle et n’a pas éclipsé l’écriture manuscrite ; elle a conduit à la coexistence de deux pratiques diversement complémentaires. Il n’empêche que la longue histoire de l’écrit permet de mieux mettre en perspective le bouleversement actuel. Dans un ordinateur, nous pouvons reconnaître le modèle du volumen, l’antique rouleau qui fait défiler le texte sous les yeux du lecteur et que le Moyen Age abandonne au profit du codex, le livre dont les pages sont inscriptibles sur les deux faces et peuvent être feuilletés librement. Ce singulier retour d’une technique nouvelle vers des pratiques anciennes est l’involontaire rançon d’un détournement de technologie : l’emploi d’un outil de computation à l’exécution d’opérations textuelles. Ce péché originel de l’écriture électronique a compromis (jusqu’ici) le remplacement du livre par l’écran lorsqu’il s’agit de la lecture d’ouvrages, et notamment de productions littéraires. Plus puissants ont été les effets sur l’écriture. Reprenant le fil de l’Histoire, nous pouvons dire que l’ordinateur libère l’écrivain du copiste (ou des instances qui en tiennent lieu). Il permet à l’auteur d’assumer désormais  la partie artisanale de sa production et de fabriquer lui-même le moule d’où sortira le texte multiplié. Celui-ci, on l’a vu, continue d’ailleurs à circuler essentiellement sous forme du livre, du moins pour les ouvrages de fiction. Il n’empêche que les nouveaux circuits de communication exercent déjà une certaine influence sur les formes littéraires, à commencer par le genre épistolaire dont l’avenir parait compromis. Quant au travail de genèse lui-même, les conséquences du nouvel outil ne sont pas encore pleinement développées. Le passage du XXe au XXIe siècle se caractérise par l’emploi simultané d’instruments et pratiques issues d’époques historiques différentes. La part du travail manuscrit et du travail sur ordinateur varie d’un écrivain à l’autre, l’imprimante servant de relais et de pont entre les deux formes de l’écriture. Ce rapport entre habitudes anciennes et machines nouvelles peut inspirer des représentations humoristiques. Mais il  ne permet pas de définir par avance les modalités du changement. Ce sera pour partie une affaire de générations : les écrivains du XXIe siècle qui auront connu l’ordinateur dans leur chambre aussi bien qu’à l’Ecole, auront avec les instruments informatiques un tout autre rapport que leurs prédécesseurs. Pour partie une affaire de techniques : les tablettes inscriptibles (un retour à  l’autographie), les ordinateurs à commande vocale (un retour à l’oralité) et bien d’autres innovations peuvent modifier le tableau au-delà de toutes nos anticipations.

Ces changements vont-ils modifier les processus de la création littéraire ? Le débat se réfère souvent aux innovations les plus visibles : mise au point de la rédaction, transmission sur support informatique.  Mais on raisonne alors sur l’aval, alors que les problèmes les plus complexes se posent en amont. Là encore, la génétique permet d’approfondir notre réflexion puisqu’elle observe le processus d’écriture depuis la source. Commençons donc par un regard dans la chambre aux écritures. Depuis quelques dizaines d’années, la photographie nous a familiarisés avec ces images du bureau de l’écrivain où la documentation, les archives, les manuscrits, les travaux en cours se présentent dans l’enchevêtrement d’un chantier. Dans ce beau désordre, un regard extérieur se perd mais l’auteur s’y meut à l’aise grâce à un jeu de repères à la fois concrets et abstraits. Les objets matériels possèdent des qualités distinctives plus variées que toute représentation virtuelle : poids, volume, tessiture etc. Mais surtout, ils sont localisés (selon des modalités très diversifiées) dans un espace à trois dimensions - et l’on sait bien que, dans son bureau comme sur sa table, l’écrivain n’a jamais assez de place ; son dispositif de travail s’organise dans l’espace. Cette pratique nous renvoie encore à une tradition antique, à cet art de la mémoire dans lequel la spatialisation a toujours joué un rôle essentiel. La désincarnation du cadre par la substitution d’un bureau virtuel au bureau réel constitue plus qu’un changement de décor : c’est une transformation de l’environnement mental, du dispositif d’un travail intellectuel. Un effet de même nature intervient également aux premières étapes de l’écriture. Souvent, les mots et fragments textuels de l’origine sont encore indifférenciés, à la recherche d’une forme, d’un projet d’œuvre. Le manuscrit d’une première ébauche de Robert Musil montre cette prolifération de syntagmes flottants qui forment des noyaux textuels alors que leurs rapports et l’architecture de l’ensemble sont encore en suspens. Leurs relations se construisent dans un double mouvement de surgissement et d’élimination à la fois dynamique et graphique ; en même temps apparaissent sur la feuille des sigles et signes non verbaux qui balisent ces parcours et indiquent leurs destinations. Dans l’état actuel de l’art, la transposition d’un tel travail sur un support électronique se traduirait sans doute par un foisonnement de fenêtrages et par la substitution d’une logique de classification à une dynamique de l’écriture - la genèse prendrait ainsi un autre visage. Mais ce visage futur sera encore né des formes du passé : c’est l’histoire de l’écriture qui permet d’en comprendre le devenir. Il reviendra à la génétique d’accompagner et d’éclairer ces transformations dont elle est par ailleurs  partie prenante : la révolution informatique – on le lira plus loin - a changé les outils des chercheurs plus vite que ceux des écrivains. Science de l’histoire par ses origines, la génétique  devient aujourd’hui et en même temps une science des changements à venir.

1  Essais de critique génétique, Flammarion, 236 p., 1979.

2 Jean Bellemin-Noël, « En guise de conclusion : vers une poétique des brouillons ? », le texte et l’avant texte, p .131-133, Larousse, 1972.

3  Voir Claire Bustarret, « Approche codicologique de l’objet manuscrit ».

4  Entre crochets [ ] : la première inscription figure au-dessus, la seconde au-dessous de la ligne.

5  Voir  Irène Fenoglio, « Evénements graphiques, genèse et énonciation »; Almuth Grésillon, « F. Ponge, L’Ardoise, un parcours linguistique de la genèse ».

6  Voir  Hans Walter Gabler, « Does genetic crititicism need editing ? »; Jean-Louis Lebrave et Jean-Gabriel Ganascia, “Edition et traitement automatique des manuscrits”.

7   Voir  Pierre-Marc de Biasi, « Horizon génétique: les domaines non littéraires ».

8  Louis Aragon, « D’un grand art nouveau, la recherche », Essais de critique génétique, op. cit. p. 9.

9  Op. cit., p. 8.

10  Boris Pasternak, Sauf-conduit, Buchet/Chastel – Corrêa, 1959, p. 108.

11  Gaëtan Picon, L’usage de la lecture, Mercure de France, 1979 2, p. 15.

12  Maurice Blanchot, L’espace littéraire, Gallimard coll. Idées, 1955, p. 271.

13  Paul Valéry, Œuvres, Bibl. de la Pléiade, t. I, p. 1351.

14  Christoph Meckel, « L’écriture et l’image », entretien avec Bernhild Boie, Genesis  10, 1996, p. 138.

15  Hubert Nyssen, Du texte au livre, les avatars du sens, Nathan, 1993 (quatrième de couverture).