Penthièvre, dimanche 6 septembre 1992
Contestant, non sans raison, un petit texte que je lui avais soumis, quelqu’un me disait l’autre jour :
- Tu n’as même pas fait de brouillon !
Je n’ai jamais fait de brouillon. D’où les imperfections de mon style mais aussi son élan. Et combien de pages de journal aurais-je écrites si j’avais fait des brouillons !
Le Pont du secret, 1993, p. 255

Le Journal de Claude Mauriac, comme la plupart des journaux, n’a pas de brouillons – même si son Journal dactylographié est souvent corrigé à la main. Mais on ne saurait dire la même chose, loin de là !, du Temps immobile...

Venise, vendredi 31 août 1973
Le Temps immobile
, dont je ne cesse, dans le Temps immobile même, de parler : seule œuvre littéraire où les échafaudages font partie de la construction.
Le Temps immobile, I, 1974, p. 13

Ces quelques échafaudages représentés et intégrés dans la construction, il est tentant, en prolongeant le mouvement de l’œuvre, de les comparer à ce qu’on peut deviner, à partir de l’étude des manuscrits, de l’immensité des échafaudages réels. J’ai pu travailler, grâce à l’obligeance de Nathalie Mauriac Dyer, sur sept pages du manuscrit final du Temps immobile I (f° 59 à 65, correspondant aux pages 65 à 71 de l’édition Grasset). Pourquoi ces pages-là ? Parce qu’à première lecture elles m’avaient fascinées. J’ai compris ensuite pourquoi : elles sont à la charnière des deux parties du premier chapitre, « La Croix du Sud », c’est le moment de vertige qui plonge pour de bon le lecteur dans le tourbillon… immobile, l’œil du cyclone. Vertige : ce mot reviendra souvent. J’ai eu pendant des semaines le tournis à refaire à l’envers le travail de Claude Mauriac, et encore sur un parcours si bref ! Comment transmettre vite ce que j’ai vécu et compris ? C’est le délice et la torture des études génétiques. Je vais vous conduire par la main d’une vision panoramique à une vision microscopique, en trois temps : cent pages, sept pages, une page.

Cent pages

J’ai tenu un journal de lecture des cent et quelque pages de « La Croix du Sud ». J’essayais à la fois d’articuler le montage de Claude Mauriac en une suite de propositions logiques et de mettre en scène la gymnastique mentale du lecteur qui cherche à tracer son chemin dans ce labyrinthe. Plus tard, je le montrerai peut-être. Mais il faut ici épargner mon lecteur. Qu’il prenne plutôt le temps de lire, ou de reparcourir, ce premier chapitre du premier volume du Temps immobile. A défaut de mon journal, je puis lui transmettre – on les trouvera en annexes – les deux listes que je me suis faites, une fois ma lecture finie, pour prendre une vue panoramique du chapitre : les 158 fragments (représentés par leur étiquette lieu/date) dans l’ordre du texte (première liste) et dans l’ordre chronologique (deuxième liste). J’ai mis à part, dans la deuxième liste, les 15 fragments qui ne sont pas de Claude Mauriac (Stendhal, Flaubert, Jean-Paul Mauriac, François Mauriac, Mircea Eliade). Faut-il souhaiter que de tels index soient ajoutés à chaque volume ? Non, bien sûr. Ils sont précieux pour qui veut réfléchir au montage, mais nuiraient à la magie du texte. Le plus simple est de vous raconter l’histoire, puis de vous donner la synthèse, en dix points, que j’ai tirée de ma lecture.
Première séquence, p. 9-18, ce que Claude Mauriac appelle « l’ouverture vénitienne » : le Temps immobile serait donc un opéra, ou une suite lyrique : en tout cas, de la musique. Montage en parallèle (est-ce un canon ?), autour de la date-clé du 1er septembre (anniversaire de la mort du père) d’un journal tenu à Venise du 31 août au 7 septembre 1973, avec un journal tenu aussi à Venise, en septembre 1936 (séjour avec le père). Le montage de ces deux journaux, fait à Paris après le 7 septembre 1973, est greffé en tête d’un livre qui, en août, avant le départ pour Venise, était considéré comme fini, mais auquel manquait un début, pour lequel Claude Mauriac avait fait d’autres essais infructueux.
Deuxième séquence, p. 18-65, ce que j’appellerai « les annonciations ». À trois ou quatre reprises, quelqu’un a annoncé à Claude Mauriac qu’il serait écrivain. Mais ces annonciations sont mystérieuses et incomplètes. Une constante : ici, sa vocation lui arrive toujours d’autrui, ne jaillit pas d’une illumination personnelle. Sans doute ces différentes figures d’anges apportant la bonne nouvelle sont-elles des variations sur la figure du père, qui est le quatrième ange de la série. En 1954, au Brésil, Augusto Frederico Schmidt, un soir où brille la Croix du Sud (d’où le titre du chapitre, circonstance mais aussi symbole : étoile qui oriente sa destinée) ; en 1938, Marc Chadourne, qui lui conseille de lire Joyce et lui prédit qu’il écrira un roman d’ici un an ; en 1952, à son tour, Emmanuel Berl. Ces prédictions sont des espèces de mandats impératifs, comme, un peu plus loin dans le texte (p. 71), le coup de pouce de François Mauriac, écrivant en 1952 pour son fils une première page de roman, que celui-ci n’aurait plus qu’à continuer ! Mais ces annonciations sont incomplètes : l’œuvre que Claude Mauriac est censé exécuter est toujours vue comme un roman, et c’est ce qu’il croira d’abord lui-même, en composant et publiant, de 1957 à 1963, les quatre volumes du Dialogue intérieur. Ces essais romanesques, pourtant, n’étaient peut-être qu’une étape dans un cheminement vers autre chose, une sorte de préhistoire décalée d’un projet bien plus original, celui du Temps immobile.
Troisième séquence, p. 65-126, que j’appellerai « aux sources du Temps immobile », c’est l’histoire obscure de cette « préhistoire » : cette fois il ne s’agit plus d’explorer des annonciations, mais de repérer, à l’intérieur du Journal, une pratique spontanée qui est à l’origine de la nouvelle œuvre : celle des « plongées ». Depuis quand, le fait de se reporter en arrière dans le journal, à date constante ? Depuis quand, le fait de le noter dans le journal même ? Depuis quand, surtout, l’idée que ce geste pourrait devenir le moteur d’une œuvre révolutionnaire ?… Au début de cette troisième séquence, page 65, l’entrée du 25 avril 1972 ouvre cette plongée dans les plongées. Je parle de « séquence », mais rien ne signale un tel séquençage, le montage ne comportant aucune démarcation. Impossible au lecteur de comprendre qu’à ce point on quitte la litanie des annonciations pour entrer dans le repérage des intuitions. D’autant plus qu’on a déjà eu une « plongée » notée en 1959 (p. 58), et qu’on aura encore ensuite (p. 71) une ultime annonciation, celle du père en 1952. Et d’autant plus que l’entrée du 25 avril 1972, p. 65, est une réponse à une question posée quatre jours avant, le 21 avril, mais citée seulement deux pages après, p. 67-68… Pour aller vite, je dirai simplement que les explorations proliférantes de cette troisième séquence finiront par se focaliser sur la période de 1963 où a émergé l’idée de construire une œuvre à partir des plongées, où le titre du Temps immobile a été trouvé, où les premiers montages ont été essayés.
Et j’arrête là le coup d’œil sur le premier chapitre pour passer à mes conclusions, en dix points, sur l’esthétique de cette œuvre révolutionnaire.

1) La progression du texte est imprévisible : il n’y a pas narration d’une intrigue, ni raisonnement clairement annoncé ; il est donc impossible de prévoir, dans ce fouillis de bifurcations, où l’on en sera dix pages plus loin ; les titres des chapitres ne donnent que des indications obscures et partielles ; en revanche il va se produire, au cours de la lecture, une sorte d’apprentissage, le lecteur identifie, puis s’habitue à, des opérations.

2) Il faudrait établir une grammaire de ces opérations, et une analyse rhétorique (peut-être pas très compliquée) du rôle de la métaphore (plutôt rare dans le texte du Journal, sauf sous la forme de clichés, mais omniprésente dans le mécanisme des rapprochements) et de la métonymie : le développement du texte est associatif, donc proche de celui de La Règle du jeu de Leiris.

3) Chaque entrée peut être envisagée sous de multiples aspects : ce n’est pas forcément par le même bout qu’elle est liée à ce qui précède et à ce qui suit : je pense aux puzzles, aux dominos, aux jeux où les pièces ont des formes ou des valeurs différentes de leurs différents côtés, mais surtout à l’économie des associations d’idées telle que Freud l’analyse à propos du rêve (analogie du travail de Claude Mauriac et de celui de Michel Leiris).

4) Les relations de dépendance entre les entrées sont parfois rétrogrades : on découvre après coup comment devait être lu quelque chose que, faute d’indication, on a pris au premier degré, et qui est en fait « cité » à partir d’une position temporelle et d’une visée argumentative qui ne se dévoile qu’ensuite, et qui d’ailleurs elle-même, etc. - on est peu à peu entraîné dans des encastrements vertigineux de citations, un discours rapporté feuilleté et tortueux dont l’énonciateur ultime est en fuite.

5) Deux formes privilégiées du montage, le parallèle terme à terme de deux séries (exemple : Venise au début, les deux réceptions académiques au second chapitre, etc.) et le sondage-anniversaire, reviennent souvent et donnent une sorte de rythme à l’ensemble ; ils représentent deux pôles extrêmes : la métaphore filée pour le parallèle, saturée de sens ; la métonymie pure pour le sondage, à la limite de l’absurde ; le jeu consiste à passer de l’un à l’autre : par exemple, à partir de l’arbitraire total d’un sondage, on tente de retomber sur des éléments métaphoriques.

6) La construction est fondée sur cette tension entre ordre et désordre : à partir de quel moment une séquence trop bien ordonnée chronologiquement demande-t-elle à être coupée et brouillée ? A quel degré d’incohérence faut-il s’arrêter dans les sauts de puce pour se raccrocher aux lignes-guides antérieures ?

7) Cette tension est au cœur du projet de CM : dépasser l’antinomie entre journal et autobiographie, les intégrer dans une forme nouvelle, dissoudre presque entièrement les formes d’origine et de fin. Dissoudre, pour l’origine, l’idée même d’événement ; pour l’idée de fin, le lieu d’énonciation du texte ; créer un texte où l’on soit toujours au milieu ! Démonstration facile à faire sur La Croix du Sud : au bout de 120 pages, on ne sait plus ni quand ça a commencé, ni quand ça parle !

8) Le côté imprévisible fait que le texte ne saurait être lu « en diagonale », comme les textes narratifs ou argumentatifs ; si on saute trois pages on risque d’être perdu ; le lecteur a le même type de participation que pour une lecture de poésie.

9) La référence à Proust, explicite et omniprésente, s’impose, mais aussi, à travers elle, celle de Monet : pour moi, Le Temps immobile, ce sont les Nymphéas, c’est-à-dire une grande idée folle suivie absolument jusqu’au bout, des variations de plus en plus minutieuses et gigantesques sur la forme du reflet.

10) Comme pour toute œuvre géniale, il faudra du temps pour qu’on apprenne à la lire ; d’autre part il n’est pas sûr que CM ait eu lui-même un langage théorique – philosophique – à la mesure de son projet. Le rôle de la création littéraire est justement d’inventer des formes qui impliquent et annoncent des révolutions de la pensée.

Voici maintenant l’objet de mon analyse : sept pages, dont on va d’abord lire le texte publié, puis la genèse telle qu’on peut la déduire à la fois du texte même et de l’étude du « manuscrit », le montage envoyé à l’imprimeur.
Argument de cette section. 25 avril 1972 : l’écrivain est en proie au doute : arbitraire des dates, absurdité probable de son entreprise. 23 mai 1933 : un adolescent de 19 ans s’élance vers l’avenir et vers l’amour avec de grands mots. 23 mai 1953 : un homme de 39 ans le relit, trouve le texte nul, et l’avenir du jeune homme, devenu son passé ou son présent, décevant. 17 juillet 1973 : l’écrivain-monteur regrette d’avoir oublié d’écrire le 23 mai 1973. 21 avril 1972 : l’écrivain-monteur annonce qu’il va couper la parole à l’écrivain-monteur de 1970 (encore en coulisses) sans se rendre compte que l’écrivain-monteur de 1973 vient de lui couper, à lui, la parole. Il se lance dans une longue méditation sur le temps, la mémoire et son entreprise. On comprend alors seulement que la première entrée était un écho à ces doutes. 16 juin 1970 : arrive enfin l’écrivain-monteur de 1970, qui trouve le texte de l’homme de 39 ans aussi nul que celui de l’adolescent, et fait une plongée de 40 ans en arrière, et tombe par hasard sur l’entrée du 16 juin 1930 où l’adolescent de 16 ans disait avoir juste fini de rédiger ses Souvenirs. 16 février 1952 : il vient de relire les Souvenirs – etc.

Sept pages : le texte

Paris, 24, quai de Béthune, mardi 25 avril 1972.
Entreprise impossible : saisir l’insaisissable. Dates ramenées à des chiffres. Si j’inventais une date qui convienne à ce montage, date qui me manquerait et que je donnerais mensongèrement à ce fragment de Journal écrit un autre jour, un autre mois, une autre année, ce passage truqué ne se distinguerait pas des autres. Et moi-même, oubliant au bout de quelques années, de quelques mois, de quelques jours, que j’en ai choisi arbitrairement la date, je ne saurais plus qu’il diffère essentiellement des autres. Ainsi ma tentative se révèle-t-elle absurde. J’essaie de montrer que le temps n’existe pas et comme il n’existe pas, en effet, cette composition elle-même n’a aucune existence que fallacieuse, ou purement anecdotique. Aussi bien, tôt ou tard, et le plus tôt sera le mieux, devrai-je en revenir purement et simplement, pour ce que je choisirai de publier, à l’ordre chronologique.

Paris, 38, avenue Théophile-Gautier, mardi 23 mai 1933.
Il y a déjà longtemps que j’ai quitté l’enfance et la traversée fut longue et pénible que je viens de faire. Il y a là plus qu’une banale métaphore. Je sens vraiment, maintenant, l’approche de nouveaux rivages. Le moment ne saurait plus tarder où j’aborderai enfin la terre tant désirée. Depuis quelques jours, je la vois nettement : elle a surgi à l’horizon dans une brume ensoleillée. J’en devine les contours. L’odeur enivrante m’en parvient. Je n’ai qu’à fermer les yeux, qu’à attendre, je suis presque arrivé… Mais oui, c’est son murmure que j’entends. Ce chant douloureux dont je berce mon attente est celui-là même que je souhaitais : avec les douceurs de l’accordéon, s’annoncent les plaisirs désirés de l’amour.

Paris, 24, quai de Béthune, samedi 23 mai 1953.
Plongée dans mon Agenda de 1933. Relu la page du 23 mai, il y a vingt ans. Feuilleté le volume avec accablement. La drogue de l’adolescence m’enivrait. Je me croyais du génie et notais pauvrement de pauvres choses. Mais ma tristesse d’aujourd’hui, ce vertige, ne viennent pas de cette déception. (Il y a longtemps que je sais à quoi m’en tenir sur le jeune homme que je fus). Je considère seulement ces années écoulées, dont j’attendais tant de richesses : un peu de cendre où brillent faiblement de rares éclats. Du temps qui a passé, je n’ai qu’une impression abstraite, une pure connaissance extérieure : rien n’a changé, quant à l’essentiel, en moi et hors de moi. L’expérience, ou prétendue telle, n’est qu’un épiphénomène, un reflet : l’ombre du train qui passe – et qui m’aura bientôt à tout jamais emporté, sans que j’aie, bien sûr, jamais rien compris à rien.

Quelvezin, mardi 17 juillet 1973.
Un arrêt tous les vingt ans. Il n’est pas étonnant que le mercredi 23 mai 1973, j’aie laissé passer la gare, la date. Je n’ai pas ici mon Journal pour vérifier si j’y ai écrit ce jour-là. Montant aujourd’hui ces pages, je laisse subsister quelques lignes seulement du long agenda du 23 mai 1933. Le reste était du même ton.

Paris, vendredi 21 avril 1972.
Il me faut interrompre le montage actuel du Temps immobile pour insérer, entre le 23 mai 1953 et le 16 juin 1970 cette note qui modifie l’équilibre de ce chapitre. D’où une nouvelle difficulté, estimera le lecteur éventuel, pour suivre, en son apparent désordre, la composition de ce fragment d’une œuvre dont la rigueur même exige ces fréquentes corrections, au sens donné dans la navigation à ce mot.
Aussi bien naviguai-je dans les eaux du Temps.
Samedi 23 mai 1953, vendredi 21 avril 1972… De nouveau, un saut de vingt ans, ou presque, après celui qui, du mardi 23 mai 1933 m’avait mené au samedi 23 mai 1953.
Chiffres que l’on lit machinalement et qui, pour moi-même dont ils jalonnent la vie, ne signifieraient rien, si je n’y prêtais attention, si je ne m’efforçais d’en faire autre chose que des millésimes.
1933 était si éloigné de moi, en 1953 déjà, qu’il m’est impossible, quoi que m’affirment les nombres et mon expérience, de le juger plus lointain aujourd’hui. Vingt ans dans un sens ou dans un autre n’ont pas la même valeur. Ni même, en temps réel, la même durée. 1933, ce n’est déjà plus ma préhistoire mais c’est encore mon histoire à ses origines. Histoire depuis longtemps en cours, continuée et à suivre, en 1953.
Les événements personnels ou extérieurs de 1953 ont été consignés dans mon Journal et dans le journal, dans mon histoire et dans l’Histoire. Je puis me reporter à ces annales. Si fragile est ma mémoire que, laissé à ses seules ressources, je ne sais plus rien de cette année 1953, sinon qu’un fils nous était né l’an précédent. Qualitativement d’une autre sorte que l’abîme qui me séparait, qui me sépare de 1933 (le même, ni plus ni moins profond en 1953 et en 1972), un trou s’est creusé entre 1972 et cette année 1953, dont je ne garde aucun souvenir précis si je m’interroge sans l’aide d’aucun document. Le temps a perdu pour moi ses repères depuis la Libération, c’est-à-dire depuis que j’ai eu trente ans. Comme si, après trente ans, le temps ne comptait plus, ou comptait autrement, d’une façon indifférenciée. Depuis 1944, seules jalonnent ma vie de rares dates inoubliables : politiques (1946, 1958, 1968), ou personnelles (1951, 1970). Temps stagnant en surface alors qu’en profondeur son courant m’entraîne. L’image contraire étant aussi juste, aussi fausse : temps me laissant intact en profondeur, alors qu’en surface, il me change.
(Jacques Laval, il y a quelques jours, me disait : « Depuis l’âge de dix-sept ans, je suis le même. Ayant, comme quiconque, subi des tentations, vécu des passions, mais à la surface de moi-même. En profondeur, c’est le même lac paisible, étale, calme et profond de ma foi inchangée. »)
Ainsi se modifie la qualité du temps, sa texture, ce qui explique que 1972-1933 me semble couvrir une durée guère plus longue que 1953-1972, et que 1953-1972 me paraisse d’une longueur à la fois interminable et insignifiante. Je ne sais plus, en ce moment où j’écris, quand m’est venue la première idée du Temps immobile, mais je sais que quelques notes datées furent inscrites par moi en marge de journaux plus anciens, avant même que cette idée ne me soit venue. Cette mise en contact d’un jour de mai 1933 et d’un jour de mai 1953 me révèle que je dispose d’anciens rapprochements de ce genre. Pierres des ans qui, frottées, font jaillir une flamme, la flamme pure du Temps.
Je ne puis espérer arracher le Temps immobile à la stagnation non pas du temps (qui est mon sujet) mais de mes commentaires sur le temps, qu’en me forçant à réfléchir, en faisant des efforts particuliers et renouvelés, contraires à ma nature, à ma paresse et que mes insuffisances rendent peut-être (sans doute) impossibles. Mais il faut essayer. Et continuer là où, en général, je m’arrête.

Paris, mardi 16 juin 1970.
À peine moins mécontent de ce texte de 1953 que de celui de 1933. Des métaphores, toujours aussi banales : un peu de cendre où brillent faiblement de rares éclats, l’ombre du train qui passe, ce n’est guère meilleur que ces nouveaux rivages… En vérifiant dans le texte de 1933 ces images usées, je m’aperçois que je jugeais déjà ces métaphores banales. Je n’ose rien écrire de plus ici dans la crainte de révéler à mon regard de l’avenir (si j’ai un avenir) un écrivain aussi médiocre, un homme d’aussi peu de valeur.

Paris, lundi 16 juin 1930.
M. Sicot, professeur de gym, à qui j’ai fait des excuses pour l’incident de l’autre jour, les agrée. M. Gaudron est encore absent… De deux à quatre, un pion nous parle de Jean-Jacques. Je finis mes Souvenirs. En rentrant du couvent, Claire va chez le dentiste. J’étudie Victor Hugo dans ma littérature. Je vais chez le coiffeur. Luce se fiche de moi. Je m’amuse à la poursuivre. Maman va à l’exposition Delacroix et en parle à table…

Paris, mardi 16 juin 1970.
Lu au dos de cet agenda 1930 : journal. Ce qui reste de mes seize ans. Rien. Il n’en reste rien. Cette page du 16 juin 1930 est intéressante en ce qu’elle marque la date d’achèvement de mes Souvenirs.

Paris, samedi 16 février 1952.
Dans mon récent déménagement, bien des papiers ensevelis ont réapparu. Notamment le manuscrit des Souvenirs que j’écrivis (en 1929) après la mort de Bertrand. J’en ai relu ce soir une partie à haute voix pour Marie-Claude […].

Sept pages : la genèse

Je vais raisonner à partir du texte publié et du manuscrit. Celui-ci se présente sous la forme d’une liasse de XXX pages format A4 qui ont servi de support au montage. L’ensemble a été envoyé directement à l’impression, sans qu’une dactylographie au propre ait été refaite. Le manuscrit porte donc les traces du travail de l’auteur, en même temps que, d’une autre main, celles du travail d’édition (menues corrections, indications de mise en page, etc.), mais il est facile de les distinguer. J’ai travaillé seulement sur les folios 59 à 65 du manuscrit, dont une étude d’ensemble reste à faire. Je renvoie, pour la description de l’atelier de Claude Mauriac, à l’article fondamental de Nathalie Mauriac Dyer (Genesis, n°16, 2001). Voici les grandes lignes. Le journal, sur différents supports (agendas, cahiers) a été manuscrit jusqu’à la fin des années 1940. Pour cette période, les fragments que Claude Mauriac envisageait d’utiliser dans son montage ont été par lui retapés à la machine sur des feuilles A4. À partir de 1951, le journal est tenu à la machine sur des feuilles A5 (demi-format). Les passages qu’il veut utiliser sont par lui photocopiés (à l’automne 1968, il a installé chez lui une photocopieuse). Mais pour le journal contemporain du montage, il a une autre méthode : le double carbone, qui lui permet de garder l’original avec les autres entrées du journal, et d’intégrer le double dans les montages. Le montage se fait sur des feuilles A4, à l’aide des ciseaux, du ruban adhésif (scotch), de la machine à écrire (qui sert parfois à retaper quelques lignes des documents cités, quand des raccords de montage l’exigent, mais surtout à taper les commentaires contemporains du montage), et bien sûr de stylos, crayons bille et surtout feutres noir et rouge pour toutes les corrections, paginations, etc.
J’ai fait sur l’original une analyse détaillée des sept folios, analyse dont je ne donnerai ici que des aperçus. Rappel aux candidats généticiens : il est impensable de travailler sans avoir vu au moins une fois l’original. Sur un microfilm ou une photocopie couleur, une partie de l’information disparaît. Ici le support A4 est parfois d’un seul tenant, mais parfois il s’agit de deux fragments de feuilles A4 différentes ressoudés par scotchage au recto et au verso. C’est difficile à voir : le scotch qui sert au raccord se mélange, sur le recto, avec le scotch des montages. À certains endroits, d’ailleurs, il ne suffit plus de voir, il faut toucher, vérifier du doigt quel scotch passe par-dessus ou dessous quel autre.
Car il n’y a pas un seul montage. On est parfois devant des remontages de montages antérieurs. « Monter » se fait en principe en deux phases : on classe dans une chemise, dans l’ordre envisagé, les fragments choisis – à ce stade le montage reste ouvert, souple, hypothétique, rien n’est plus facile que d’y insérer de nouveaux éléments ; ou bien on enchaîne les éléments en les collant sur une suite de feuilles – on fixe alors les choses, du moins provisoirement. Montage souple ou fixe peuvent se pratiquer pour tout ou partie de l’œuvre. Le montage souple ne laisse pas trace de son histoire, sinon éventuellement par ses chutes (éléments sélectionnés et non montés, retrouvés ensuite à part). Un montage fixe réutilisé pourra être parfois repéré par l’analyse du remontage. L’avantage du passage que j’ai choisi est qu’il thématise plusieurs processus de remontage (deux ou trois). Les montages antérieurs étaient-ils souples ou fixes ? En partie fixe probablement pour celui de 1970, pour ceux de 1972 je ne sais.
Ayez courage, accrochez vos ceintures, nous allons décoller. Tout à l’heure, pour finir, j’analyserai une seule page du manuscrit, ce sera peut-être plus simple, atterrissage en douceur. Ici, vous avez sept pages, avec la géométrie variable de quatre montages successifs. Pour chaque montage j’indique en gras l’élément nouveau, incrusté dans le montage précédent. J’ai essayé de tout figurer en un schéma (page XX) qui donne, horizontalement, la suite du texte, et verticalement, les phases de sa composition.

1er montage : 16 juin 1970

23 mai 1933 // 23 mai 1953 // 16 juin 1970 [//16 juin 1930//] 16 juin 1970

En 1953, il y avait eu relecture de 1933, mais non montage. En 1970, y a-t-il eu simple réunion de ces textes, sans montage scotché ? C’est probable pour les textes de 1933 et 1953.
En revanche l’incrustation du 16 juin 1930 au milieu de l’entrée du 16 juin 1970 est, elle, réalisée directement pendant la frappe de l’entrée. Mais quand elle a été remontée, sans doute en 1973 dans le 4ème montage, l’entrée du 16 juin 1970 a été raccourcie de trois lignes barrées (mais toujours présentes sous le collage des deux fragments de l’entrée) montrant un « faux départ » du texte : Claude Mauriac avait d’abord essayé de voir s’il y avait dans son journal une entrée au 23 mai 1963. N’ayant rien trouvé (le journal est inactif entre le 7 et le 29 mai 1963), il a barré, et substitué à ce sondage une plongée de 40 ans en arrière par rapport à la date d’aujourd’hui. (On verra plus loin que ce désir d’une « entrée-anniversaire » du 23 mai, une seconde fois déçu en 1973, sera alors thématisé au lieu d’être effacé).
L’entrée de 1933 et celle de 1953 sont toutes deux, dans le manuscrit final (1973), raccourcies : l’étaient-elles déjà en 1970 ?
Pour celle de 1933, c’est au montage en juillet 1973 que le texte original (fort long) a été raccourci.
Pour celui de 1953, impossible de savoir quand les ciseaux ont enlevé, sur la photocopie, les dernières lignes de l’entrée, que nous connaissons grâce à la dactylographie originale du journal. Ces lignes sont fort intéressantes : en 1953, en effet, CM critiquait non seulement la « pauvreté » du texte de 1933, mais celle du texte même qu’il venait d’écrire : « (Tout cela mal dit, parce que confusément conçu. C’est l’inconvénient de ce journal tapé directement, sans brouillon – je n’en ai jamais fait pour lui, que de gâcher sa précieuse matière, faute de temps, – un temps dont je n’userais pas de cette façon si je me l’accordais) ». Coupée, cette autocritique immédiate laisse le champ libre à l’autocritique rétrospective du Claude Mauriac de 1970... On peut supposer que cette coupure date de 1970 (ou avant), comme d’ailleurs les menues corrections apportées au texte (voir plus loin), puisque dans l’entrée de 1970 il cite déjà le texte de 1953 dans sa forme corrigée.

2ème montage : 21 avril 1972

Les réflexions que lui inspire le 21 avril 1972 la relecture du montage n° 1 sont très longues (presque 4 feuillets). Pourquoi les insère-t-il au milieu (« Il me faut interrompre... ») de la séquence relue, disjoignant la partie citée de la partie citatrice, au lieu de placer ses réflexions à la suite dans « l’ordre chronologique » ? Parce qu’il ne peut pas faire autrement : en effet l’entrée du 16 juin 1970 fonctionne en même temps comme début d’une nouvelle chaîne, avec laquelle ces réflexions ont moins de rapport. D’où la nécessité d’incruster le commentaire à l’intérieur de l’élément commenté, dans le blanc litigieux (qui représente le temps écoulé entre 1953 et 1970, objet du commentaire).
Ces quatre pages ont été tapées dans le journal à part, à côté d’une autre entrée de la même date, et c’est leur double carbone qui est ici monté.
Au 21 avril 1972, les éléments à monter sont-ils simplement juxtaposés dans un dossier, ou déjà scotchés ? De toute façon, le texte lui-même indique sa place dans le montage.

23 mai 1933 // 23 mai 1953 // 21 avril 1972 // 16 juin 1970 [//16 juin 1930//] 16 juin 1970

Cette incrustation très violente (par sa longueur) est donc dès le début signalée pour que le lecteur ne perde pas le fil : on lui annonce l’entrée, différée, du 16 juin 1970... Et pour faciliter le raccord à la fin, Claude Mauriac avait écrit : « Réenchaînons, en attendant, sur le 16 juin 1970… ». D’un trait de feutre rouge il a supprimé ensuite (quand ?) cette charnière un peu appuyée.

3ème montage : 25 avril 1972

La date que j’indique est celle de l’écriture de l’élément inséré, pas forcément de son insertion, qui a pu être réalisée ultérieurement, et peut-être d’ailleurs en même temps que celle du 21 avril.
L’entrée du 25 avril 1972, dactylographiée normalement dans le journal, et qui figure ici sous la forme de son double carbone, est une sorte de réponse désespérée aux interrogations du 21 avril (il faut savoir d’autre part que le 25 avril est l’anniversaire de CM, qui a ce jour-là 58 ans).
CM aurait pu envisager de placer cette entrée juste après celle du 21 avril : certes, cela aurait encore plus différé l’arrivée de l’entrée du 16 juin 1970, mais sans rompre d’autres liaisons.
À cette solution assez plate, il a préféré une anticipation mystérieuse et dynamisante : il a placé l’entrée immédiatement avant le début de la séquence !

25 avril 1972 // 23 mai 1933 // 23 mai 1953 // 21 avril 1972 // 16 juin 1970 [//16 juin 1930//] 16 juin 1970

Cette fois, l’opération n’est pas expliquée au lecteur. On ne saurait deviner que l’entrée du 25 avril 1972 commente une entrée du 21 avril 1972, qui elle-même va interrompre un montage qui fait le pont entre « 1953 relisant 1933 » et « 1970 relisant 1953 relisant 1933 » ! D’autre part ce saut thématique est comme amorti par la consonance des dates : le 25 avril tombe un mardi aussi bien en 1939 qu’en 1972, si bien que l’enchaînement avec les deux entrées précédentes – mardi 25 avril 1939/mercredi 26 avril 1939/mardi 25 avril 1972 – semble nous faire rebrousser d’un jour mais en avançant de 33 ans… – Cette anticipation mystérieuse, je l’ai dit, accentue un endroit-clef du montage, le passage du développement sur les « annonciations » au développement sur les « plongées », origines du Temps immobile. L’accentuation est d’autant plus violente que le contenu des entrées précédentes était assez anecdotique, l’intérêt faiblissait nettement... On entend alors la tragique entrée du 25 avril 1972 comme un accord plaqué dissonant qui module vers un autre univers harmonique.

4ème montage : 17 juillet 1973

Nous sommes en Bretagne, été 1973, sans photocopieuse, loin du journal original, mais avec machine, ciseaux et scotch... et tous les éléments du montage (y compris des bouts de montages déjà réalisés antérieurement). On peut d’ailleurs imaginer que la place définitive des entrées de 1972 a été aussi fixée à ce moment.
L’entrée du 17 juillet 1973 est tapée directement sur le montage (elle ne figure donc pas dans le journal principal resté à Paris), et elle dit elle-même qu’elle est contemporaine du montage fixe des deux entrées précédentes (23 mai 1933 et 1953).

25 avril 1972 // 23 mai 1933 // 23 mai 1953 // 17 juillet 1973 // 21 avril 1972 // 16 juin 1970 [//16 juin 1930//] 16 juin 1970

Insérée ici, l’entrée de 1973 est à sa place logique et chronologique, puisqu’elle évoque, sur le mode du regret, le second saut de 20 ans qu’on aurait pu attendre (absence du 23 mai 1973). Elle n’est pas troublante, puisqu’elle explicite totalement ce qu’elle fait. Reste qu’elle ajoute une seconde interruption, qui va différer encore plus l’arrivée de l’entrée du 16 juin 1970. À vrai dire nous ne l’attendons même pas encore, cette entrée, et elle devient beaucoup moins nécessaire : car celle du 17 juillet 1973 joue parfaitement le rôle de l’instance « citatrice » qu’obscurément on attend, coupant ainsi l’herbe sous le pied à la pauvre entrée de 1970. Autre effet étrange, on voit bien que l’entrée de 1972, qui suit immédiatement, n’est pas au courant, elle qui s’excuse de retarder l’entrée de 1970, qu’elle vient elle-même d’être retardée par la voix de 1973...
Si bien que le mouvement progressif amorcé – 1933/1953/1973 – se trouve encastré dans deux mouvements régressifs – 25 avril 1972 /21 avril 1972 et 1973/21 avril 1972/1970 – qui nous donnent l’impression de peler un palimpseste, de remonter vers des couches de plus en plus anciennes de commentaires...

Une page

Ce sera la page 60, reproduite en fac-similé p. XX. Je l’ai choisie parce qu’elle contient le noyau même des plongées (textes de 1933 et de 1953, montage de 1973) et illustre bien les différents gestes possibles.
Elle est de morphologie composite. Son apparence est celle d’une feuille A4. En réalité, comme d’autres pages du manuscrit, elle est faite de deux fragments assemblés : le fragment du haut (7,2 cm) passe par devant le fragment du bas (23,9 cm), avec une zone de recouvrement de 1,8 cm environ, un scotchage au recto et un autre au verso. On distingue le filigrane EXTRA STRONG sur le fragment inférieur, pas sur le supérieur.
Le fragment du haut porte directement le début d’une dactylographie pleine page de l’entrée du 23 mai 1933. Il s’agit d’une frappe originale assez grasse, évidemment antérieure au montage actuel (juillet 1973), et très probablement antérieure au montage de juin 1970. Elle ne semble pas avoir été montée (de manière fixe) auparavant, elle devait être en attente de montage, avec la photocopie, qui suit, de l’entrée du 23 mai 1953. Le texte original du 23 mai 1933 est très long : il figure sur l’agenda du Printemps 1933. Ce journal, au rythme d’une page par jour, est une chronique événementielle. Le lundi 22 mai, Claude a 38° de fièvre et craint une appendicite. Il lit Commencements d’une vie, les souvenirs d’enfance de son père. Le mardi, ça a l’air d’aller mieux, son père l’emmène à Old England commander un costume. À la chronique habituelle, il ajoute un développement lyrique, solennellement distingué de la chronique par un titre, « FAIRE LE POINT », et si long qu’il déborde sur une page « bis ». Au moment de la frappe, Claude Mauriac a-t-il tapé toute l’entrée ? C’est probable. En effet, en 1973, il précise : « Montant aujourd’hui ces pages, je laisse subsister quelques lignes seulement du long agenda du 23 mai 1933. Le reste était du même ton ». Ce reste, lui aussi dactylographié, se retrouvera peut-être un jour dans un paquet de chutes.
L’examen du montage révèle que, décidé à abréger cette entrée-fleuve, il a hésité sur le degré de réduction. Il a d’abord coupé la page dactylographiée après la neuvième ligne, et l’a assemblée à un second fragment de page blanche destiné à recevoir la suite du montage. Puis il s’est ravisé : en haut de cette suite encore blanche, il a scotché, après les avoir découpées, les quatre lignes suivantes, reconstituant ainsi la première page de l’agenda original.
L’hésitation a dû se passer en quelques secondes, en plein montage : en effet le scotch qui associe les 4 lignes est sous le scotch qui relie les deux fragments de pages ! Les deux fragments étaient sans doute déjà liés par le scotch au verso : au moment de scotcher le recto, il a changé d’avis, découpé et scotché 4 lignes de plus en haut du second fragment de page, en essayant de les rendre bien jointifs aux neuf premières lignes (mais il les placées un peu trop à gauche), puis il a scotché tout au long au recto les deux fragments, et passé à la suite du montage en collant l’entrée du 23 mai 1953 qui attendait son tour dans le petit dossier préparé.
Cette entrée, elle, est une photocopie, en deux morceaux (parce qu’à cheval sur deux feuillets). Avec les ciseaux, Claude Mauriac en profite pour alléger le passage qui se trouve à la jointure, et il supprime carrément la fin de l’entrée (autocritique de son style actuel, trop rapide parce que sans brouillon - j’ai cité le passage plus haut). Il y a donc un travail rétrospectif sur les textes du passé. Quand a-t-il été effectué ? En 1970 (puisque l’entrée du 16 juin 1970 semble citer déjà ce texte sous sa forme corrigée) ? En 1973 (puisqu’une des corrections manuelles est portée directement sur la feuille tapée en 1973) ? Y a-t-il eu deux phases successives de correction ? Probablement. En tout cas, comme nous possédons par ailleurs le texte original de cette entrée dans le Journal, il est possible d’analyser la stratégie des corrections : celles faites sur le champ en 1953, celles faites au moment du montage, disons en 1973. J’en épluche pour vous quelques-unes. Prenez une loupe, suivez sur le fac-similé.
Ligne 1 : au crayon bille bleu, c’est le correcteur de l’éditeur qui suggère d’enlever le « e » final à « Plongée », correction finalement annulée.
Ligne 2 : en 1953, Claude Mauriac avait d’abord tapé « Relu la journée du », puis recouvert d’ « x » « journée du » avant de reprendre « page du ». Au feutre noir, en 1973, il a simplement confirmé la correction.
Ligne 5 : le texte de 1953 était : « Je me croyais du génie, comme les hommes saouls », la comparaison a été barrée en 1973.
Ligne 7 : l’ajout « d’aujourd’hui » est de 1953 ; le texte continuait par « ce sentiment de vertige », « sentiment de » a été barré en 1973.
Lignes 8 et 9 : texte original : « de cette déception (qui n’en est pas une, car il y a longtemps que je sais à quoi m’en tenir sur le jeune homme que je fus) ». En 1953, il rajoute quatre mots à la fin de cette phrase au-dessus de la ligne, en transformant « le » en « les » : « sur les écrits du jeune homme assez retardataire que je fus ». Regardez bien, vous verrez le « s » rajouté en 1953, noirci en 1973. Il a profité du passage d’un feuillet à l’autre pour alléger le texte, en coupant la dernière ligne de premier feuillet et les additions supralinéaires en haut du feuillet suivant. Il a réécrit à la main « il y a longtemps que je sais ». Microchirurgie avec points du suture.
Ligne 10 : « toutes » est barré en 1953.
Ligne 13 : texte de 1953 : « de rares éclats de diamant. Et du temps qui a passé ». C’est en 1953 que « Et » a été supprimé. C’est en 1973 que « de diamant » a été supprimé, d’un coup de feutre noir qui a ensuite confirmé aussi la suppression de « Et ».
Lignes 15 et 16 : petites corrections faites en 1953.
Ligne 22 : un point et un coup de ciseau coupent la fin de cette entrée (autocritique de son style actuel).
Trions ces broutilles et dégageons l’essentiel : en 1953, quand Claude Mauriac corrige à la main le journal qu’il vient d’écrire à la machine, c’est pour préciser en ajoutant ; en 1973, quand il corrige la photocopie qu’il va intégrer dans son montage, c’est pour améliorer en supprimant. Que supprime-t-il ici ? En particulier, ligne 5, une comparaison, et ligne 13, une métaphore qu’il allège… justement la métaphore dont plus loin il va dire qu’elle est « usée », mais qui, du coup, le paraîtra un peu moins ! Au texte de 1933, en le recopiant, il n’avait apporté aucune modification : c’est bien le style de l’adolescent que nous avons sous les yeux. En revanche, sans doute par solidarité entre adultes, peut-être aussi pour ne pas perdre tout espoir d’amélioration avec l’âge, il a donné un léger coup de pouce au texte de 1953, pour pouvoir dire qu’il en est « à peine moins mécontent que de celui de 1933 »… Il est vrai qu’en sens inverse, il a supprimé la remarque finale qui est tout à l’honneur de l’homme de 1953, qui reconnaît qu’il écrit mal, mais c’était pour réserver les bénéfices de cette lucidité à celui qu’il est devenu en 1970…
Une fois réalisé cet assemblage, CM prend la feuille scotchée et rescotchée, il la met sur son rouleau de machine pour ajouter dans l’espace qui reste en bas, en tapant directement, son commentaire de « monteur » : il regrette de n’avoir pas fêté l’anniversaire le 23 mai 1973, et il ajoute sa sévérité d’aujourd’hui à celle de 1953 pour le texte de 1933.
Cette entrée datée, liée au travail de montage, ne sera pas reportée dans le journal principal, où elle ne figure pas.

Vertige

Vous devez être épuisé. Je le suis, mais excité en même temps. On aime bien courir après le génie d’un autre, retrouver ses recettes, le traquer, le doubler, le prendre en défaut, le voir de biais... Mais les études génétiques demandent tant de minutie qu’on doute parfois que cela vaille la peine… Les généticiens, qui vivent dans les coulisses des chefs-d’œuvre, à force de couper des virgules en quatre, écrivent-ils mieux que d’autres ? Leur « laboratoire » vire-t-il parfois à l’atelier ? Et n’est-ce pas un paradoxe que de prendre pour objet un écrivain qui avoue écrire mal ? Ou, du moins, avoir mal écrit ? Car si j’ai choisi, plutôt que d’autres, ces pages, ce n’est pas seulement pour ce vertige qui prend Claude Mauriac de n’avoir plus qu’une mémoire en papier, c’est pour la lucidité de son diagnostic : son écriture lui semble banale, pauvre, médiocre, ce sont ses propres mots. Il se console en pensant qu’elle l’est peut-être un peu moins aujourd’hui. Mais quand, le 17 juillet 1973, il veut « filer » la métaphore du train pour l’arracher à sa banalité, on est plus ému de sa bonne volonté qu’ébloui du résultat. Est-ce le temps qui est immobile, ou son écriture ? – Bien sûr, sa véritable écriture est ailleurs : non dans l’articulation des mots en phrases, mais, au second degré, dans le montage des fragments en œuvre. Elle participe, comme celle de Georges Perec, Jacques Roubaud et d’autres, à la révolution initiée dans l’écriture autobiographique par Michel Leiris : l’agencement de séries de textes, narratifs ou argumentatifs, dans une logique poétique d’écho et d’association. – D’où le plaisir que j’ai éprouvé à suivre les gestes de son travail. J’ai essayé d’être le plus précis possible, peut-être me suis-je trompé sur quelque étape ou détail, mais j’espère avoir bien saisi la logique. Les métaphores les plus convaincantes de Claude Mauriac sont celles qu’il applique à son travail. Il m’est arrivé de penser, côté arts plastiques, que le Temps immobile était une « installation » à la Christian Boltanski, qui aurait pu figurer dans la grande exposition au Musée d’Art moderne de la ville de Paris en 2000, Voilà. Le monde dans la tête. Mais non. Rien d’un entassement : c’est une subtile et complexe construction. Mieux vaut donc suivre les pistes que Claude Mauriac lui-même donne en juillet-août 1973 quand il achève son premier volume : les modèles de cette nouvelle écriture se situeraient quelque part entre le travail de rêve, le montage cinématographique et la composition musicale…

Quelvezin, dimanche 29 juillet 1973.
Dernière nuit ici. Je n’ai cessé de découper et de couper des bouts de rêves, en rêve, avec cette obsession de finir, avant mon départ, la révision de ce livre, qui est presque achevé.

Paris, mardi 31 juillet 1973, 13 h 20.
Après un mois de juillet d’intense travail, serré tout à l’heure les derniers écrous du Temps immobile, entièrement composé, monté, revu, et qu’il n’y a plus qu’à enrichir, ici et là, au hasard des trouvailles ou des idées.

Paris, vendredi 17 août 1973.
Achevée dans les cinq chapitres de sa première partie, l’« œuvre de ma vie » se décompose, n’est plus rien. Seul l’inaccompli a quelque réalité.

Paris, samedi 18 août 1973.
Nouvelle nuit d’absurde, méticuleux, exténuant, insensé travail sur des pages rêvées, vainement insérées dans un manuscrit imaginaire. Ceux qui montent leurs films doivent ainsi continuer leur œuvre en songe. Mais j’ai fait un film, ce film, le grand film du Temps immobile, dont voici les premiers épisodes...

Paris, dimanche 19 août 1973.
Photocopiant, coupant, collant, jour et nuit (la nuit en rêve), je n’ai jamais tant travaillé, ni à un tel rythme. À la limite de la rupture. Pour rattraper le temps perdu ? Parce que le temps risque de me manquer ? Bien plutôt, me semble-t-il, parce que je ne puis accomplir ce montage que très vite, si je veux espérer pouvoir maintenir sous un seul regard intérieur l’ensemble de l’orchestration comme le détail des divers mouvements.

Le Temps immobile, I, p. 118-119

Annexes

Le Temps immobile, Grasset, 1974,
Chapitre I, « La Croix du Sud », p. 9 à 126

1- L’ordre du texte

9 Venise, dimanche 13 septembre 1936
10 Venise, lundi 14 septembre 1936
Venise, mardi 15 septembre 1936
11 Malagar, vendredi 8 septembre 1972
12 Venise, vendredi 31 août 1973
13 Venise, samedi 1er septembre 1973
14 Venise, dimanche 2 septembre 1973
Venise, mercredi 5 septembre 1973
15 *Flaubert, Croisset, mardi soir, 4-5 août 1846
Venise, mercredi 5 septembre 1973
Venise, jeudi 6 septembre 1973
16 Venise, mercredi 16 septembre 1936
Venise, jeudi 6 septembre 1973, 18 heures
17 *Stendhal, Venise, 24 juin 1817
*Venise, 26 juin 1817, à une heure du matin
Venise, vendredi 7 septembre 1973
18 Venise, vendredi 18 septembre 1936
Venise, samedi 19 septembre 1936
Venise, vendredi 7 septembre 1973
Paris, 24, quai de Béthune, vendr 23 avril 1954
21 Paris, jeudi 13 mai 1954
24 Paris, jeudi 10 juin 1954
25 Paris, lundi 1er octobre 1973
Paris, jeudi 10 juin 1954
28 Paris, mardi 9 mai 1972
Paris, jeudi 17 octobre 1957
29 Le Mas, Camp-Long, mercredi 27 août 1958
30 Le Mas, Camp-Long, mardi 30 juin 1959
33 Paris, lundi 1er octobre 1973
Paris, mardi 19 juin 1973
Vémars, vendredi 8 avril 1938
36 Vémars, samedi 9 avril 1938
Vémars, Jeudi saint, 14 avril 1938
37 Vémars, Vendredi saint, 15 avril 1938
38 Paris, mardi 19 juin 1973
Quelvezin (Carnac), lundi 16 juillet 1973
39 Argentière, mercredi 1er septembre 1937
Paris, mardi 2 octobre 1973
Font-Romeu, samedi 30 juillet 1932
40 *Langon, vendredi 17 octobre 1873
41 *Langon, vendredi 21 août 1874
42 *François Mauriac, janvier 1938
Paris, lundi 10 septembre 1973
43 Paris, jeudi 13 septembre 1973
*Langon, samedi 13 septembre 1873
Paris, jeudi 13 septembre 1973
44 *Langon, dimanche 14 septembre 1873
Paris, vendredi 14 septembre 1973
45 *Langon, lundi 15 septembre 1873
Paris, samedi 15 septembre 1973
46 *Langon, mercredi 17 septembre 1873
*François Mauriac. Première page de Commencements d’une vie
47
Malagar, samedi 21 avril 1973
50 Paris, dimanche 30 septembre 1973
Vémars, mardi 19 avril 1938
Paris, samedi 20 décembre 1952
Paris, mercredi 20 juin 1973
52 Vémars, Vendredi saint, 7 avril 1939
53 Vémars, samedi 8 avril 1939
54 Vémars, dimanche de Pâques, 9 avril 1939
56 Paris, 38, av. Th.-Gautier, dim. 23 avril 1939
57 Malagar, jeudi 30 mars 1972
58 Paris, jeudi 21 mai 1959
59 Paris, mercredi 7 décembre 1938
62 Paris, lundi 24 avril 1939
Paris, mardi 25 avril 1939
Paris, mercredi 26 avril 1939
65 Paris, 24, quai de Béthune, mardi 25 avril 1972
66 Paris, 38, av. Th.-Gautier, mardi 23 mai 1933
Paris, 24, quai de Béthune, sam. 23 mai 1953
67 Quelvezin, mardi 17 juillet 1973
Paris, vendredi 21 avril 1972
69 Paris, mardi 16 juin 1970
Paris, lundi 16 juin 1930
Paris, mardi 16 juin 1970
70 Paris, samedi 16 février 1952
71 Paris, 20 novembre 1952
72 Paris, samedi 20 décembre 1952
73 Paris, lundi 22 juin 1970
74 Malagar, lundi de Pâques, 23 avril 1973
75 Paris, lundi 4 décembre 1953
Goupillières, samedi 2 novembre 1968
76 Vémars, jeudi 23 juillet 1953
77 Goupillières, samedi 2 novembre 1968
78 Paris, samedi 22 avril 1972
Paris, mercredi 10 juin 1953
80 Paris, dimanche 9 juin 1963
Paris, mardi 8 juin 1943
82 Paris, dimanche 9 juin 1963
83 Vémars, lundi 5 juin 1933
Vémars, mardi 6 juin 1933
Paris, dimanche 9 juin 1963
84 Paris, vendredi 8 avril 1938
Paris, 18 février 1943
86 Paris, dimanche 24 septembre 1972
Paris, vendredi 4 octobre 1957
88 Quelvezin, vendredi 13 juillet 1973
* Mircea Eliade, 26 juin 1948
90 Quelvezin, mercredi 18 juillet 1973
Paris, dimanche 9 juin 1963
Goupillières, dimanche 23 avril 1972
91 Paris, dimanche 12 novembre 1972
Paris, samedi 30 juin 1973
Penthièvre, mercredi 18 juillet 1973
92 Paris, jeudi 10 mai 1962
95 Paris, lundi 10 juin 1963
96 Paris, dimanche 16 juin 1963
Paris, lundi 17 juin 1963
97 Quelvezin, jeudi 19 juillet 1973
Paris, lundi 17 juin 1963
Quelvezin, jeudi 19 juillet 1973
98 Paris, lundi 17 juin 1963
1961. La Marquise sortit à cinq heures
99 Paris, mardi 18 juin 1963
100 Vémars, 15 juillet 1963
103 Vémars, mardi 16 juillet 1963
104 Vémars, mercredi 17 juillet 1963
105 Vémars, jeudi 18 juillet 1963
Vémars, vendredi 19 juillet 1963
Vémars, dimanche 21 juillet 1963
Vémars, mardi 23 juillet 1963
106 Paris, mardi 8 octobre 1963
107 Goupillières, dimanche 8 août 1965
109 Lundi 27 janvier 1941
Dimanche 8 août 1965
Goupillières, lundi 9 août 1965
110 Saint-Cyr, vendredi 8 septembre 1939
Goupillières, lundi 9 août 1965
111 Mardi 5 septembre 1939
Mercredi 6
Vendredi 8 septembre
Jeudi 31 août 1939
8 septembre 1939
Paris, lundi 28 octobre 1968
112 Goupillières, dimanche 23 avril 1972
Goupillières, dimanche 3 novembre 1968
113 Malagar, mardi 30 août 1927
Malagar, 9 septembre 1927
Malagar, 6 août 1928
114 Malagar, 24 juillet 1929
Paris, 24, quai de Béthune, lundi 18 juin 1973
115 Quelvezin, mercredi 4 juillet 1973
116 Quelvezin, jeudi 19 juillet 1973
117 Paris, vendredi 19 juin 1970
Quelvezin, jeudi 19 juillet 1973
118 Quelvezin, lundi 23 juillet 1973
Quelvezin, dimanche 29 juillet 1973
Paris, mardi 31 juillet 1973, 13 h 30
119 Paris, vendredi 17 août 1973
Paris, samedi 18 août 1973
Paris, dimanche 19 août 1973
*Langon, samedi 15 août 1874
120 Malagar, vendredi 2 novembre 1973
Le Mas, Camp-Long, dimanche 17 juillet 1960
Le Mas, Camp-Long, lundi 18 juillet 1960
121 *Langon, vendredi 22 mai 1874
Paris, dimanche 24 avril 1938
Versailles, Petites-Écuries, lundi 4 octobre 1937.
L’astérisque indique les textes qui ne sont pas de Claude Mauriac.
Le trait marginal signale la séquence étudiée.

2 - Chronologie

Textes de Claude Mauriac

113 Malagar, mardi 30 août 1927
Malagar, 9 septembre 1927
Malagar, 6 août 1928
114 Malagar, 24 juillet 1929
69 Paris, lundi 16 juin 1930
39 Font-Romeu, samedi 30 juillet 1932
Paris, 38, av. Th.-Gautier, mardi 23 mai 1933
83 Vémars, lundi 5 juin 1933
83 Vémars, mardi 6 juin 1933
9 Venise, dimanche 13 septembre 1936
10 Venise, lundi 14 septembre 1936
10 Venise, mardi 15 septembre 1936
16 Venise, mercredi 16 septembre 1936
18 Venise, vendredi 18 septembre 1936
18 Venise, samedi 19 septembre 1936
39 Argentière, mercredi 1er septembre 1937
Versailles, Petites-Écuries, lundi 4 octobre 1937
Vémars, vendredi 8 avril 1938
84 Paris, vendredi 8 avril 1938
36 Vémars, samedi 9 avril 1938
36 Vémars, Jeudi saint, 14 avril 1938
Vémars, Vendredi saint, 15 avril 1938
50 Vémars, mardi 19 avril 1938
121 Paris, dimanche 24 avril 1938
59 Paris, mercredi 7 décembre 1938
52 Vémars, Vendredi saint, 7 avril 1939
53 Vémars, samedi 8 avril 1939
54 Vémars, dimanche de Pâques, 9 avril 1939
Paris, lundi 24 avril 1939
62 Paris, mardi 25 avril 1939
64 Paris, mercredi 26 avril 1939
Paris, 38, avenue Théophile-Gautier, dimanche 23 avril 1939
110 Saint-Cyr, jeudi 31 août 1939
111 Mardi 5 septembre 1939
111 Mercredi 6
111 Vendredi 8 septembre
110 8 septembre 1939
111 8 septembre 1939
109 Lundi 27 janvier 1941
84 Paris, 18 février 1943
80 Paris, mardi 8 juin 1943
Paris, samedi 16 février 1952
71 Paris, 20 novembre 1952
72 Paris, samedi 20 décembre 1952
50 Paris, samedi 20 décembre 1952
66 Paris, 24, quai de Béthune, samedi 23 mai 1953
78 Paris, mercredi 10 juin 1953
76 Vémars, jeudi 23 juillet 1953
75 Paris, lundi 4 décembre 1953
18 Paris, 24, quai de Béthune, vend. 23 avril 1954
21 Paris, jeudi 13 mai 1954
24 Paris, jeudi 10 juin 1954
25 Paris, jeudi 10 juin 1954
86 Paris, vendredi 4 octobre 1957
Paris, jeudi 17 octobre 1957
Le Mas, Camp-Long, mercredi 27 août 1958
58 Paris, jeudi 21 mai 1959
Le Mas, Camp-Long, mardi 30 juin 1959
120 Le Mas, Camp-Long, dimanche 17 juillet 1960
120 Le Mas, Camp-Long, lundi 18 juillet 1960
98 1961. La Marquise sortit à cinq heures
92 Paris, jeudi 10 mai 1962
80 Paris, dimanche 9 juin 1963
82 Paris, dimanche 9 juin 1963
83 Paris, dimanche 9 juin 1963
90 Paris, dimanche 9 juin 1963
95 Paris, lundi 10 juin 1963
96 Paris, dimanche 16 juin 1963
96 Paris, lundi 17 juin 1963
97 Paris, lundi 17 juin 1963
98 Paris, lundi 17 juin 1963
99 Paris, mardi 18 juin 1963
100 Vémars, 15 juillet 1963
103 Vémars, mardi 16 juillet 1963
104 Vémars, mercredi 17 juillet 1963
105 Vémars, jeudi 18 juillet 1963
105 Vémars, vendredi 19 juillet 1963
105 Vémars, dimanche 21 juillet 1963
105 Vémars, mardi 23 juillet 1963
106 Paris, mardi 8 octobre 1963
107 Goupillières, dimanche 8 août 1965
Dimanche 8 août 1965
109 Goupillières, lundi 9 août 1965
110 Goupillières, lundi 9 août 1965
111 Paris, lundi 28 octobre 1968
75 Goupillières, samedi 2 novembre 1968
Goupillières, samedi 2 novembre 1968
112 Goupillières, dimanche 3 novembre 1968
69 Paris, mardi 16 juin 1970
Paris, mardi 16 juin 1970
Paris, vendredi 19 juin 1970
73 Paris, lundi 22 juin 1970
Malagar, jeudi 30 mars 1972
Paris, vendredi 21 avril 1972
Paris, samedi 22 avril 1972
Goupillières, dimanche 23 avril 1972
112 Goupillières, dimanche 23 avril 1972
65 Paris, 24, quai de Béthune, mardi 25 avril 1972
Paris, mardi 9 mai 1972
Malagar, vendredi 8 septembre 1972
86 Paris, dimanche 24 septembre 1972
91 Paris, dimanche 12 novembre 1972
47 Malagar, samedi 21 avril 1973
74 Malagar, lundi de Pâques, 23 avril 1973
114 Paris, 24, quai de Béthune, lundi 18 juin 1973
Paris, mardi 19 juin 1973
50 Paris, mercredi 20 juin 1973
91 Paris, samedi 30 juin 1973
115 Quelvezin, mercredi 4 juillet 1973
88 Quelvezin, vendredi 13 juillet 1973
38 Quelvezin (Carnac), lundi 16 juillet 1973
Quelvezin, mardi 17 juillet 1973
Quelvezin, mercredi 18 juillet 1973
91 Penthièvre, mercredi 18 juillet 1973
97 Quelvezin, jeudi 19 juillet 1973
97 Quelvezin, jeudi 19 juillet 1973
116 Quelvezin, jeudi 19 juillet 1973
117 Quelvezin, jeudi 19 juillet 1973
118 Quelvezin, lundi 23 juillet 1973
118 Quelvezin, dimanche 29 juillet 1973
118 Paris, mardi 31 juillet 1973, 13 h 30
119 Paris, vendredi 17 août 1973
119 Paris, samedi 18 août 1973
119 Paris, dimanche 19 août 1973
12 Venise, vendredi 31 août 1973
13 Venise, samedi 1er septembre 1973
14 Venise, dimanche 2 septembre 1973
14 Venise, mercredi 5 septembre 1973
15 Venise, mercredi 5 septembre 1973
15 Venise, jeudi 6 septembre 1973
16 Venise, jeudi 6 septembre 1973, 18 heures
Venise, vendredi 7 septembre 1973
Venise, vendredi 7 septembre 1973
42 Paris, lundi 10 septembre 1973
43 Paris, jeudi 13 septembre 1973
43 Paris, jeudi 13 septembre 1973
44 Paris, vendredi 14 septembre 1973
Paris, samedi 15 septembre 1973
50 Paris, dimanche 30 septembre 1973
Paris, lundi 1er octobre 1973
Paris, lundi 1er octobre 1973
Paris, mardi 2 octobre 1973
Malagar, vendredi 2 novembre 1973

Autres textes

17 *Stendhal, Venise, 24 juin 1817
17 *Venise, 26 juin 1817, à une heure du matin
15 *Flaubert, Croisset, mardi soir, 4-5 août 1846
Journal de Jean-Paul Mauriac (né en 1850)
43 *Langon, samedi 13 septembre 1873
44 *Langon, dimanche 14 septembre 1873
45 *Langon, lundi 15 septembre 1873
*Langon, mercredi 17 septembre 1873
*Langon, vendredi 17 octobre 1873
121 *Langon, vendredi 22 mai 1874
119 *Langon, samedi 15 août 1874
41 *Langon, vendredi 21 août 1874
46 *François Mauriac. Première page de Commencements d’une vie (1932)
42 *François Mauriac, Janvier 1938
89 * Mircea Eliade, 26 juin 1948