Note liminaire. Cet article s’appuie pour l’essentiel sur les travaux menés dans le cadre de l’équipe “Genèse et Autobiographie” de l’ITEM, créée en 1995. Il s’agit moins de chercher à définir un cadre théorique rigide que de rendre compte d’un ensemble de recherches empiriques sur des corpus variés — dont le choix présenté ici se veut illustratif plutôt qu’exhaustif. Constituant une “petite cosmogonie”, ces travaux collectifs visent à soumettre aux questions de la critique génétique les processus de formation, d’élaboration d’écrits autobiographiques ; à en explorer, à travers des axes d’analyse dynamiques, les multiples facettes et combinaisons possibles — à la manière d’un kaléidoscope.

Simples témoignages ou œuvres à part entière, les écrits autobiographiques suscitent un intérêt grandissant. De nombreuses archives spécialisées se sont récemment créées ou ont été réactivées dans divers pays d’Europei. Pourtant, si nombreux que soient les textes autobiographiques, rares sont à ce jour ceux qui font l’objet d’études génétiques. Longtemps ignorés, considérés comme suspects, refoulés aux limites du “littéraire”, ces textes occupent pourtant une position remarquable, particulièrement sensible, par rapport aux questions de genèse.

Un nouvel espace pour la critique génétique ?

Etudier la genèse de textes autobiographiques constitue une entreprise novatrice, et ce pour plusieurs raisons. Ecrire sur soi en disant “je” : en quoi cette aventure diffère-t-elle des processus d’écriture fictionnelle ? Considérés comme constituant un “genre” à part entière, ces écrits ne sont pas seulement le fait des “grands auteurs” : tout un chacun peut être tenté de faire de sa vie œuvre écrite, objet de récit…
On sait que la critique génétique s’est développée à partir de corpus d’écrivains largement consacrés, et pour l’essentiel d’œuvres de fiction — fait qui n’a guère été interrogé quant à ses implications et limites théoriques. En étendant son champ de recherche non plus à tel ou tel auteur célèbre mais, de manière transversale, à toute une catégorie d’écrits, elle s’offre ainsi l’occasion de se tourner également vers les écrits ordinaires, y compris ceux de groupes sociaux considérés comme marginaux à des titres divers : jeunes filles, prisonniers…
La variété des auteurs et des œuvres présente un autre intérêt. Elle doit permettre de distinguer, à travers la variété des écrits “personnels” qui, sous la forme du récit ou du journal, ont pour point commun d’être des discours sur soi,  deux aspects de la genèse : celui de l’écriture autobiographique proprement dite (en tant qu’acte d’énonciation, de mise en forme discursive d’événements répondant à certaines règles), et la part de créativité, éventuellement “littéraire” de l’écrit — à rapprocher, sans doute, de processus relevant de l’écriture fictionnelle.
Posant un engagement spécifique, au sens pragmatique du terme, l’écrit autobiographique repose sur un contrat plus ou moins explicite de l’auteur vis-à-vis de soi-même et du lecteur. C’est d’ailleurs du point de vue du lecteur que sera défini par Philippe Lejeune le “ pacte autobiographique ”ii. A la différence du roman (et de tout texte relevant de la fiction) l’autobiographe n’a pas la liberté d’inventer : il s’engage à établir, à orienter une relation déterminée entre le texte et le référent extra-linguistique ; c’est la condition de “vérité” de la proposition exprimée, son adéquation supposée au réel, qui atteste l’existence — au sens d’“ Erlebnis ” (expérience vécue, éprouvée) — de l’objet de la narration. Mais ce qui garantit le caractère autobiographique d’un texte est moins le fait de dire la vérité que celui d’asserter qu’on l’exprime, d’énoncer la proposition : “je dis que je dis la vérité sur ma vie”. Et si certains éléments du récit autobiographique sont vérifiables grâce à des documents ou témoignages, ce qui concerne au premier chef le généticien, c’est avant tout la “vérité” de l’écriture, celle des traces de l’encre sur le papier. En tout cas, le reproche qui a pu être adressé à la critique génétique de traquer les secrets d’une œuvre, de déflorer son mystère, perd sa principale raison d’être dans le cas d’écrits autobiographiques : se voulant par principe vérifiables, ils légitiment pleinement l’étude de leur genèse.
Etablir les processus de genèse d’une autobiographie, c’est, en quelque sorte, en reconstruire la biographie. C’est établir l’histoire de la vie d’un texte qui se veut une histoire de vie, l’histoire d’une vie. C’est restaurer le développement d’un texte où coïncident, en principe, les trois instances subjectives que sont personnage,  narrateur et auteur, et dont le contenu correspond à la vision que ce dernier donne de sa propre vie. Ce qui revient à inverser, à prendre à rebours le rapport traditionnel entre texte et biographie de l’auteur.
Explorer les manuscrits de travail d’une autobiographie, scruter les ratures d’un journal intime ou les lacunes de son édition devrait être une aventure incontournable tant pour la critique génétique — en ce qu’elle différe de l’étude génétique d’un texte de fiction par ses implications existentielles et narratives, que pour l’étude du genre autobiographique, dont elle permet de saisir les mécanismes fondamentaux.
C’est en évaluant, à partir d’analyses empiriques, les points de convergence, les différences, ou les oppositions qui traversent cet ensemble riche et varié de textes et d’avant-textes que pourront se dégager des lignes de force, des perspectives théoriques. Comment écrit-on une autobiographie ? Qu’en est-il des pratiques canoniques érigées en modèles, de celles, innombrables et massivement inédites, de personnes “ordinaires”, des pratiques plus inventives, voire expérimentales ? Existerait-il un art de l’autobiographie, et si c’est le cas, en quoi consiste-t-il ?
L’espace autobiographique et ses chantiers offrent un tableau extrêmement diversifié incluant, à côté des récits autobiographiques à proprement parler, des genres connexes tels que journaux personnels, autoportraits, mémoires, ainsi que des dispositifs situés à la limite du genre, répondant par exemple au concept plus récent d’autofiction. Certains corpus peuvent d’ailleurs amener le chercheur à étudier, à travers la genèse, les liens génériques — glissements, transgressions, transpositions — susceptibles de s’établir entre textes autobiographiques et fictionnels.
Les travaux collectifs visant à croiser écrits autobiographiques et études de genèse s’appuient sur les mises au point théoriques et les travaux pionniers de Philippe Lejeuneiii. Ainsi Les Brouillons de soi  (Seuil, 1998) réunit, après une introduction générale sur les “coulisses” de l’autobiographie, trois études de genèse : à propos des Mots de Jean-Paul Sartreiv, d’un chapitre d’Enfance de Nathalie Sarraute, et des éditions du Journal d’Anne Frankv. A quoi il faut ajouter, sur “Georges Perec autobiographe”, l’essai intitulé La Mémoire et l'Oblique. (P.O.L., 1991) ainsi que, dès le tout premier numéro de Genesis (1992), l’article “ Auto-genèse ”. Enfin l’ouvrage collectif Genèses du “ Je ”… (Ph. Lejeune et C. Viollet eds., CNRS-Editions, 2000) offre un premier panorama des études récemment suscitées dans ce cadre, de Stendhal à Simone de Beauvoir, en passant par de nombreux auteurs, tant français qu’étrangers.
Confronter les dispositifs d’écriture, les pratiques diverses qui relèvent d’un même “genre” n’ouvre pas seulement sur des perspectives historiques, culturelles et sociales. La démarche confirme et matérialise les liens privilégiés, l’étroite parenté épistémologique entre écrits autobiographiques et critique génétique : fabrique de soi et fabrique du texte vont de pair. Nous en examinerons quelques aspects essentiels.
Comme l’a souligné Philippe Lejeune, c’est parfois le seul métadiscours paratextuel qui permet au lecteur d’inscrire ou non un texte dans le genre autobiographique. L’examen des manuscrits éclairerait probablement le récent scandalevi qui s’est produit autour de Crépuscule (Abendlicht, 1979) de Stephan Hermlin (1915-1997), et qui pose de manière cruciale plusieurs questions : celle de la relation entre biographie et autobiographie, celle du pacte autobiographique, celle du paratexte et de la réception — mais aussi, d’un point de vue déontologique, celle de la relation entre littérature et société.
A la recherche de renseignements pour un article nécrologique sur l’écrivain, un journaliste, Karl Corinovii, découvre que la plupart des faits relatés dans Crépuscule sont faux. Or Hermlin fut l’un des écrivains les plus connus de la R.D.A., où il exerça des fonctions officielles. Ruth Vogel, dans son étude, confronte les différents éléments : le narrateur de Crépuscule dit bel et bien “je”, mais ne porte pas de prénom ; il y est question de scènes d’enfance et d’adolescence, accompagnées de visions oniriques et symboliques. Or nombre de données du roman ne correspondent pas aux faits biographiques concernant l’écrivain : la mère, anglaise dans le texte, était en réalité juive ; le frère n’est pas mort dans des circonstances aussi glorieuses que celles décrites ; quant au père, s’il a bien été déporté, il n’est pourtant pas mort à Sachsenhausen comme cela se produit dans Crépuscule ; l’écrivain n’a pas fait partie des Brigades internationales ni de la Résistance en France, ainsi qu’il est relaté, etc.
Examine-t-on le paratexte, on est tout d’abord tenté d’absoudre l’écrivain. Celui qui accompagne l’édition originale est ainsi formulé : “Voici un livre étrange. C’est le résultat d’un regard tourné vers le passé, mais ce n’est pas une autobiographie : ici vérité et poésie, allusion et symbole poétique, événement vécu et évocation poétique se rejoignent dans un texte d’une grande intensité”. En revanche, le texte d’accompagnement du recueil de nouvelles Dans un monde de ténèbres (1982) oriente nettement le lecteur vers l’autobiographie, prenant pour argent comptant le contenu de Crépuscule : “Né en 1915, communiste et clandestin dès 1933, engagé dans l’armée française en 1939, citoyen de R.D.A. […], Stephan Hermlin est considéré comme un des plus importants poètes de langue allemande du XXe siècle”. Troublant est le fait qu’Hermlin n’ait jamais démenti, laissant sciemment cette autobiographie mythomaniaque — s’appropriant notamment le mythe fondateur de la R.D.A., la lutte contre le fascisme — devenir biographie idéale, et profitant largement des avantages symboliques et matériels qui accompagnèrent sa publication.
Supercherie, fraude, escroquerie ? Soutenue et occultée, sans doute, par la renommée de l’auteur, mais due aussi en partie aux conditions créées pour la réception du texte, au mode de lecture induit, à la propension du lecteur à signer le pacte autobiographique. Crépuscule, de Stephan Hermlin : une parabole qui invite à y regarder de plus près, à se pencher sur le dossier génétique…

Fabrication des figures du moi

Ecrire un texte autobiographique, rédiger un journal, c’est avant tout construire une subjectivité, des figures du “je” — et, partant, du “moi”, du “soi” par rapport à autrui. Les brouillons, les matériaux de genèse sont le lieu par excellence où le chercheur peut observer les processus et modalités de fabrication du sujet au miroir de l’écriture — la mémoire n’étant pas nécessairement synonyme d’exactitude : expérimentations, tâtonnements, procédures de contrôle, modulations référentielles, transactions avec le langage et ses contraintes. La construction d’une posture, le choix d’un dispositif énonciatif peut être aussi fonction de l’acte de lecture, de la mise en perspective d’un lecteur, fût-il, dans un premier temps, l’auteur lui-même. A l’activité proprement scripturale s’ajoute le jeu des informations para- et péritextuelles, qui parfois en garantissent seules la lecture “autobiographique”.
Il n’est pas rare que les “figures” du moi écrivant aient besoin, pour se construire, de s’inscrire en miroir non seulement face à soi-même, mais face à un autre écrivain. C’est, d’après Serge Sérodes, le cas de Louis Marinviii dont le carnet recouvert de soie utilisé pour préparer un cours (à l’université de Baltimore) sur l’autobiographie stendhalienne et rédigé d’abord au recto, est repris ensuite en sens inverse, sur les versos : le commentaire de la Vie de Henry Brulard devient alors support au récit de vie de Louis Marin. La structure matérielle, en boustrophédon, de l’écriture correspond alors rigoureusement au processus dialogique d’emboîtement, de mise en abyme autobiographique, de construction du double, finalement de réécriture du moi lecteur-scripteur — “à la fois moi et lui”. Avec, en filigrane, le symbolisme de la signature, ou plus précisément des initiales, les unes contenant les autres : “HLMB” enchâsse “LM”, de même que se confond avec celle de Stendhal la voix de Louis Marin : “Je veux dire que par un mouvement d'écriture continu ou par collages et superpositions ou par une technique dite par transparence, Beyle deviendrait moi et moi Beyle”.Que le récit de la vie d’un écrivain devienne le support sur lequel vient se greffer, s’emboîter, s’insérer un autre récit de vie n’est sans doute pas un fait exceptionnel en soi. Exceptionnelle en revanche est la possibilité donnée au généticien de “toucher du doigt”, dans sa matérialité, ce processus.
Une autre forme, très différente, d’affinité entre écrivains autobiographes, est celle qui relie Violette Leduc et Simone de Beauvoir. Pour Violette Leduc, l’impulsion d’écrire vient, directement, d’autres écrivains : Maurice Sachs dans un premier temps (“Asseyez-vous sous un pommier, écrivez ce que vous me racontez”), puis, jour après jour, Beauvoir. Avant la rencontre en chair et en os de celle qui sera tout à la fois inspiratrice, destinataire, dédicataire, première lectrice des manuscrits, agent littéraire, soutien moral et financier, c’est la rencontre livresque qui sera déterminante du point de vue de l’identification. Modèle non tant par son style que par son affirmation en tant qu’écrivain, Beauvoir autorise et légitime tout à la fois le désir d’écrire chez Leduc : “une femme écrivait à la place de millions de femmes comme si toutes les femmes étaient capables d’écrire”. Le processus interactif d’échange à travers la lecture par un autre regard est ici instrinsèquement constitutif de la fabrique de l’œuvre : “Je relisais ce qu’elle avait lu : une femme de grand talent me suivait à travers mes pages”. Les manuscrits de Ravages montrent, certes, quelques traces d’interventions matérielles de Beauvoir ; mais le plus souvent, les remaniements suggérés sont discutés — et parfois âprement — dans la correspondance, en grande partie inédite.
Nombre d’écrivains témoignent d’une profonde méfiance, ou tout au moins de réticences, vis-à-vis du geste autobiographique. Marguerite Yourcenar en fait partie, bien qu’elle y ait consacré une partie de son œuvre, qui relèverait plutôt de la “chronique familiale” non linéaire, et dont le projet est très tôt forgé (dès les années 20). C’est Le Labyrinthe du monde, composé de trois volets: Souvenirs Pieux  (1974), qui tente de reconstituer la figure maternelle et en évoque la lignée ; Archives du  Nord (1977), consacré à la famille et au souvenir du père ; Quoi? L’Éternité (1988) qui, resté inachevé, s’oriente vers l’enfance de l’écrivain. S’agit-il pour autant, se demande Francesca Counihan — en étudiant notamment la manière dont Yourcenar a utilisé et intégré ses sources dans Souvenirs Pieuxix, d’une véritable autobiographie ? Le fait que l’écrivain ait décidé de léguerses archives à la Houghton Library,offrant ainsi à la curiosité des biographes et des chercheurs certaines traces matérielles de son existence et de son œuvre n’est pas sans ambiguïté : la sélection des archives léguées, qui ne comprennent ni ébauches ni brouillons, vise non seulement à prolonger la volonté de maîtrise du discours sur soi, mais est censée garantir la mise en scène de la figure “autoritaire” de l’auteur, sa distanciation du discours intime.
Les matériaux de genèse du roman autobiographique de l’écrivain argentin Manuel Puig (1932-1990), La Traiciòn de Rita Hayworth (Paris, Gallimard, 1969) permettent de cerner la teneur des emprunts de l’auteur à la culture populaire (“kitsch”), à la musique (opéra, tango, “pop”), aux scènes cinématographiques (Dracula associé au père…). L’enfant, principal protagoniste, est vu à travers le monologue intérieur des personnages qui l’entourent ; c’est la mosaïque des points de vue qui constituera, finalement, son identité. Comme le souligne José Amìcola, l’éditeur des matériaux de genèsex, les manuscrits témoignent également du système de transposition des noms propres, des jeux sur le masculin et le féminin, de l’absence de censure quant à l’érotisme. La part d’invention du texte — cette relation troublante, aux frontières floues, du vrai et du faux — est explicitement assumée par le personnage de l’enfant, qui estime inventer “à 35 % environ” par “besoin de médire de son père”.
Mais le geste autobiographique ne se limite pas à l’écrit. La fin du XXe siècle voit se multiplier, dans ce domaine, le recours à l’image, et notamment les récits filmés. Philippe Artières et Gilles Cugnon ont entrepris d’explorer la genèse du film d’Hervé Guibert, La Pudeur ou l’impudeur (1991), chronique de sa maladie — le sida — filmée par lui-mêmexi, et diffusé à la télévision quelques semaines après sa mort. S’agit-il de la simple transposition à l’écran d’une écriture autobiographique, prolongement du Protocole compassionnel ? Pourquoi l’écrivain choisit-il le support vidéo ? Sans doute parce qu’au cinéma, comme le remarque Philippe Artières, “la question du vrai se pose autrement que dans l’écriture” (que l’on pense par exemple au dispositif télévisuel du “sincerity show”) ; Guibert, affirmant “quil ne lui arrive que des choses fausses”, prenant le contrepied de la confession, brouille par avance le contrat autobiographique, les limites du vrai et du faux, du mensonge. La notion d’auteur est, elle aussi, déstabilisée : ce film dont il est à la fois l’auteur et le sujet est un film de commande, et il ne participera guère au montage ; la genèse est collective. Seuls quelques entretiens — et, probablement, le journal qu’a tenu l’écrivain — éclairent les étapes génétiques : la monteuse affirme dans un entretien que“la structure du film a changé une bonne dizaine de fois”, passant de la fiction à l’autobiographie, au document, au journal filmé.

Le propre du nom

Incarnation verbale, moteur de la fabrication du moi, pierre de touche de l’autobiographie : condition première du genre, le nom propre fait, en principe — dans la mesure où l’on respecte le “pacte” —, coïncider auteur, narrateur et personnage.
Si nommer, c’est créer, n’est-ce pas le nom propre — patronymique dans notre culture — qui “encre” l’identité, s’en fait en quelque sorte le blason, s’inscrivant ainsi au cœur de l’écriture autobiographique ? Et réciproquement, en quoi le nom d’une personne agit-il sur sa vie ? Comment figure-t-on, dans l’écriture, le nom que l’on porte ? Quelles sont, par ailleurs, les implications des limites juridiques(définies par l’article 9 du Code civil) liées à l’utilisation du nom propre — celui d’autrui cette fois, et à la protection de la vie privée, puisque le nom est ce qui matérialise la frontière, la rencontre entre sphères privée et publique ? Si l’on s’intéresse également au nom des protagonistes évoqués (proches ou lointains, célèbres ou non), aux toponymes, la question dépasse le pacte autobiographique au sens strict…Trouve-t-on dans les avant-textes des indications sur ces choix, les traces de stratégies délibérées (listes de noms-substituts par exemple), une rêverie sur les noms, une évolution perceptible au cours des phases de rédaction ? Les manuscrits éclairent-ils ces jeux d’écriture avec ou sur le nom ?Tantôt programmatique, développé aux dimensions d’une œuvre, ou bien simple déclencheur de l’écriture ; tantôt réduit à l’initiale — sa forme minimale —, ou encore crypté, maquillé, déformé, transformé en anagramme (Yourcenar), en pseudonyme ; voire purement et simplement nié, effacé, censuré ; souvent défini et commenté, mais aussi objet de fantasmes, d’associations, de résonances — et, parfois même, inventé de toutes pièces… Et, pourquoi pas, soigneusement calligraphié ? Quels enjeux, quels questionnements, quels choix se cristallisent autour du nom propre, vecteur essentiel de la relation de l’auteur à l’écrit autobiographique ? Cruciale pour le genre autobiographique, la question du nom propre présente de multiples facettes…
Sans doute en raison du très conflictuel lien au père, le nom de Kafka est, selon les travaux de Florence Bancaud-Maënenxii, caractérisé comme “impropre” : emblème de l’identification impossible, éclatée, objet de dénégation, de réduction, de camouflage. Ainsi la Lettre au père peut-elle être lue comme une entreprise de contestation du nom, de compensation littéraire du potentiel que refuse ce dernier. “Je n’aime pas voir mon nom écrit”, avoue-t-il, déplaçant vers ses personnages la quête d’identité, la tentative d’appropriation. Ce nom, qui en tchèque signifie “choucas, corbeau”, est abondamment présent dans les manuscrits, le plus souvent sous sa forme minimale de l’initiale, “K” : Karl Rossmann, Joseph K., ou K. tout court — jeu sur les lettres qui n’est pas sans rappeler la lettre hébraïque dont parle Georges Perec dans W ou le souvenir d’enfance. Le manuscrit du Château est d’abord rédigé à la première personne qui, biffée, est ensuite remplacée par des K. Devenir paradoxal d’un nom, remarque fort justement Florence Bancaud-Maënen, dont le renom fera ensuite un adjectif,“kafkaien”, qui débordera largement Kafka et son œuvre…
Le choix du titre La Deltheillerie  pour son autobiographie place Joseph Delteil dans une position inverse : celle “d’infinie expansion” du nom propre, ainsi que la caractérise Marie-Françoise Lemonnier-Delpy, de l’acte de naissance au testament patronymique. Ajoutée au nom d’état civil, la greffe épenthétique du “h”, lettre fétiche de l’écrivain, en “remotive” l’étymologie du côté de l’hagiographie, de l’humour ; les manuscrits  témoignent, pour les anthroponymes comme pour les toponymes, d’une pratique intensive de la paronomase et de la variation phonétique.
On connaît, chez d’autres écrivains comme Leiris, l’infinie dextérité à “déplier” les noms propres, à les faire s’épanouir à travers l’écriture à la façon des fleurs en papier japonaises. Quant au nom d’Aragon, Renate Lance-Otterbein a exploré les “exercices libres” de l’écrivain sur ce nom d’invention, les répercussions dans l’œuvre de l’imbroglio familial, de la profonde perturbation des relations filialesxiii.
Dans son “roman de mémoire” Joue-nous “España” (Mercure de France, 1980), Jocelyne François prend le parti de garder les noms et prénoms véritables des protagonistes — sans les modifier ni leur en substituer d’autres, ce qui était le cas dans les récits précédents, Les Bonheurs (1970) et Les Amantes (1978). Sur le manuscrit effectivement, les noms propres s’inscrivent d’emblée au fil de la mémoire, échappent à la rature, ne sont pas modifiés. “J’ai ôté tous les écrans. C’est venu en écrivant, je ne me suis pas trop demandé si cela allait m’attirer des ennuis”, confie-t-elle dans un entretienxiv, “mais le texte ne me semblait tenir la route qu’avec la véracité des noms”. D’ailleurs si le texte est sous-titré “roman (de mémoire)”, c’est uniquement, affirme l’auteur, à cause de “l’alchimie de la mémoire, qui déforme les événements vécus”.
Le sort des noms propres dans les journaux personnels répond à d’autres contraintes. Lorsqu’on écrit pour soi, on se préoccupe peu des noms propres : soit on les cite, soit ils restent implicites, ou encore réduits à de simples initiales ; c’est lorsqu’on communique son journal que la question peut devenir cruciale. C’est le cas de Pénélope Delta, d’après l’étude des manuscrits qu’a menée Marie-Cécile Navet-Grémillet et à qui nous devons ces informations.Ecrivain très célèbre en Grèce et personnalité marquante, auteur phare de la littérature pour la jeunesse au XXe siècle, pionnière d’un mouvement littéraire qui opte pour le démotique (grec moderne, accessible à tous), elle appartient à une famille libérale influente (son père, Emmanuel Bénaki, fut ministre et maire d’Athènes). Née en 1874 à Alexandrie, elle se suicidera en avril 1941, à l’entrée de l’armée allemande dans la capitale grecque. Elle rédige en français son journal de jeune fille, ses Mémoires 1899 (à l’âge de 25 ans), puis en grec des Mémoires 1921 (publiés en 1996). En 1905, puis en 1940, elle rature dans son journal la plupart des noms propres (liés à la vie sociale et politique de la Grèce, ou encore à ses relations amoureuses) avant de le faire lire et circuler : c’est le poids social du nom, interface entre domaine privé et public, qui ici est en cause.
Tout autrement se pose la question du nom propre pour les cyberdiaristes, qui publient, c’est-à-dire rendent public — même si le public, virtuel ou non, reste limité — leur journal sur Internet. Impossible d’authentifier une signature électronique, et, par ailleurs, difficile de signer de son vrai nom un texte intime, dont on ignore quels seront les lecteurs potentiels : aussi tous les cyberdiaristes cités par Philippe Lejeune dans Cher Ecran, sans exception, utilisent-ils des pseudonymes.

Réécritures d’un événement

A priori, l’idée de réécriture semble étrangère au “genre” autobiographique. Or la comparaison de différentes versions de ces récits prouve au contraire que, en dépit du pacte, certains événements biographiques (ou “biographèmes”) peuvent subir au fil des réécritures (et parfois dans la dimension intratextuelle des textes publiés) des transformations profondes, soit dans leur description même, soit dans leur interprétation subjective. Le projet de connaissance de soi qui s’appuie sur la mémoire est bien évidemment tributaire de cette dernière, infidèle. En perpétuelle évolution, remaniée au fil de l’existence, réévaluée à la lumière du présent, la mémoire elle-même est création.
Comment saisir et décrire ces transformations narratives d’un événement donné, et dans quelle mesure la genèse enporte-t-elle témoignage ? Et, si transformations il y a, dans quelle mesure est-il possible d’interpréter les facteurs qui y président, les enjeux qui déterminent par exemple le choix, le tri des souvenirs au cours du processus de genèse, leurs mutations ?L’étude micro-génétique des réécritures d’un même “événement” invite à confronter dans l’épaisseur de l’avant-texte les stratégies, les constructions, les configurations les plus diverses.
La rédaction des Mémoires de Chateaubriand s’étend sur quelque quarante années. La récente découverte (en 1995) de fragments autographes des Mémoires de ma vie — qui deviendront plus tard les Mémoires d’outre-tombe — permet de mieux nous renseigner sur cette “longue gestation, intermittente et obstinée”, et d’appréhender de quelle manière a été fabriqué, réécrit, remanié un texte dont on ne possédait jusque-là que peu de manuscrits. Exceptionnellement conservés, ces feuillets de forme oblongue, utilisés à l’italienne, aussi maniables que des fiches, présentent de nombreuses biffures et variantes. Reconstituant le processus de genèse, Jean-Claude Berchetxv montre comment “le travail du texte porte à la fois sur la nature des épisodes et sur leur montage”, et correspond à une stratégie littéraire, à un projet esthétique. Chateaubriand procède souvent “par déplacement et par condensation”, un même épisode pouvant occuper selon les campagnes de rédactions des places différentes dans le récit. Ainsi, la micro-analyse des trois “mises en scène” successives du retour à Brest de Gesrilxvi montre que modifications et déplacements relèvent moins de la vérité historique que du changement de perspective global des Mémoires, que formulera ainsi l’écrivain : non plus seulement se raconter, mais “représenter dans ma personne représentée dans mes Mémoires […] une épopée de mon temps”.
Un siècle et demi plus tard, lorsque Marguerite Duras rédige La Douleur  (POL, 1985) à partir des carnets qu’elle a tenus en 1944-1945 — oubliés puis retrouvés, relus à une quarantaine d’années d’intervalle — elle les annote en marge desesréactions de lectrice : considérations sur sa propre écriture et sur le travail du temps. D’après sa biographe, Laure Adler (Marguerite Duras. Biographie. Gallimard, 1998), elle recopie intégralement ces carnets sur des cahiers d’écolier en y apportant d’infimes modifications, mais en y ajoutant des feuilles volantes, et dicte ensuite le tout à Yann Andréa qui dactylographie le texte. En 1984-1985, elle entreprend une nouvelle rédaction du texte, également dactylographiée sous sa dictée. Pour Laure Adler se matérialisent à travers ces différentes versions des mouvements contradictoires : un effort de transparence d’une part, une mise en scène de la sincérité, des effets de trompe-l’œil d’autre part : “professionnelle de la confession inexacte”, Duras “triche avec la reconstitution de sa vie”, offrant pour le moins la possibilité d’une double lecture.
Et que se passe-t-il dans le journal, ce “brouillon de soi”, ce “baromètre de l’âme”, où la genèse coïncide avec la rédaction et s’inscrit immédiatement dans le temps ? La réécriture s’opère alors par répétition, par accumulation, par cumul de points de vue sur tel ou tel événement vécu...
Dans le journal de Kafka, rédigé au jour le jour de 1900 à 1923 (12 carnets manuscrits), existent de multiples réécritures de “biographèmes”, d’événements donnés de sa vie. Florence Bancaud-Maënen relève notamment des fragments parallèles sur le thème “mon éducation m’a fait beaucoup de tort” — quelques lignes d’abord, reprises et développées à six reprises sur plusieurs pages (Journal, 1910, in Œuvres complètes II, p. 122-129). La réécriture correspond ici, plutôt qu’à une réévaluation, à un développement avec variations de ce thème avec ses événements traumatisants. S’agit-il alors pour Kafka de tenter de capter un souvenir (dont il sera question, neuf ans plus tard, dans la Lettre au père), d’infléchir le processus d’anamnèse du traumatisme subi, ou d’un prétexte à maîtriser l’écriture ? De la double posture de l’écrivain, à la fois témoin et juge de son existence ? D’une trace temporelle des mouvements intérieurs, puisque, écrit Kafka, “l’un des avantages qu’il y a à tenir un journal, c’est que l’on prend conscience avec une clarté rassurante des changements auxquels on est continuellement soumis”xvii. Tout ensemble sans doute… Démarche fort différente, en tout cas, de celle du Sartre des Mots, lorsqu’il inverse pour ainsi dire, entre deux versions du texte, l’interprétation d’un même événement (la remise d’une médaille) afin de la rendre conforme à la thèse de l’œuvrexviii, ou de Violette Leduc lorsqu’elle modifie radicalement le contexte spatial d’une scène décisive, qui dans le brouillon se passe sur la Croisette à Cannes, mais est “transportée”, afin d’en accroître la portée dramatique, sur le Pont de la Concorde dans la version finale.
Les brouillons permettent-ils d’observer comment et à quelles conditions s’opère, par exemple, la transposition du journal d’un écrivain vers un roman ? Quels procédés stylistiques va-t-on mettre en œuvre pour faire passer un “événement vécu” de l’ancrage biographique au domaine de la fiction ?
D’après les recherches de Serge Sérodes, les premiers jets de l’Aurélia de Nerval (conservés à la Bibliothèque nationale sous le titre allographe “Souvenirs de Gérard de Nerval”), dont la foliotation succède directement à celle de Pandora (f° 13/f° 14), auraient une visée éminemment autobiographique. Ces feuillets, charnière entre les deux œuvres, sont en effet rédigés à la première personne — en réponse aux blessures narcissiques infligées par ses biographes (Jules Janin, Dumas), auxquelles l’auteur cherche à répondre sur un mode ironique. Le “Je” du premier jet est à la fois rétrospectif et référentiel:“je reçus les premières atteintes de ma maladie…” ; mais le second jet, supprimant la première personne, renonce à la perspective autobiographique et oriente définitivement le texte vers la fiction : il n’y a pas, ici, d’étanchéité entre les deux univers.
Le récit de Max Frisch, Montauk. Eine Erzählung (1975), correspondrait plutôt, d’après Ruth Vogel, à une autobiographie déguisée. Elle a examiné, au fonds Max Frisch de Zurich, plusieurs versions dactylographiées. Le récit est composé comme un journal : collages, essais, réflexions et aphorismes, notes de voyage... L’auteur utilise pour son narrateur Max, à la fois proche et distinct de Frisch, une structure énonciative mêlant la première et la troisième personne, dispositif créant un effet de distance, et permettant d’établir un va-et-vient entre perspectives autobiographique et fictionnelle. Le récit est émaillé de considérations métadiscursives : réflexions sur l’écriture et le livre en devenir, opposition douloureuse et désir de conciliation entre vie et écriture, risques de la perte d’authenticité, opposition entre présent et passé, difficulté de parler de personnes vivantes. La comparaison des différentes versions a permis à Ruth Vogel de relever de nombreux faits traduisant un processus d’autocensurexix.

Censure, autocensure

La publication d’une autobiographie, d’un journal peut être parfois considérée comme un  acte violent, troublant, parfois explosif. La censure est, dans son acception juridique, une intervention postérieure à la publication d’une œuvre, qui vise à la contrôler, et consiste à exiger la suppression de tout ou partie de celle-ci, afin de l’inscrire dans un système de valeurs, un “ordre social” en cours dans telle société, à telle époque. Mais il n’est pas rare qu’elle s’effectue de manière moins spectaculaire, plus discrète, au moyen d’une intervention de l’éditeur avant même la publication — par mesure préventive en quelque sorte. On peut à juste titre supposer qu’une interdiction avérée, ou des faits de censure plus insidieux, puissent exercer des effets en retour sur la genèse de textes ultérieurs, dans la mesure où elle entrave la liberté de création et d’expression. Mais quelles en seront l’ampleur et les incidences sur les mécanismes de construction du sens, par rapport à telle ou telle exigence de conformité sociale, morale, esthétique ou idéologique ? Il est probable que seuls puissent alors nous renseigner les manuscrits de travail, y compris sur ces actes beaucoup plus difficiles à circonscrire et à interpréter qui relèvent de l’autocensure — éventuelle réponse, anticipée ou non, à la censure. Ces formes de contrôle de l’écriture, qui se matérialisent par la rature, le caviardage, lebrouillage énonciatif, l’ambiguïté… ou encore deszones de silence, de non-ditdans la genèse, disparaïtront dans le texte publié, ne pouvant alors y apparaître qu’en “négatif”.
Dans le Journal de Kafka, Florence Bancaud-Maënen distingue trois types de censure : externe (du fait de l’éditeur, de l’histoire éditoriale du Journal) ; autocensure, du fait de l’auteur ; enfin, une censure, au sens freudien du terme, fonction permanente à l’origine du refoulement. On sait que Kafka avait laissé à son ami Max Brod deux testaments contradictoires, demandant la destruction plus ou moins totale de ses manuscrits, que ce dernier conservera cependant avant de les offrir à la Bodleian Library. Brod publiera notamment des extraits du Journal (en 1945 et 1954) qu’il sélectionne alors en effectuant des remaniements chronologiques, en modifiant l’orthographe, en déguisant les noms propres ; mais surtout, il coupe et biffe sur le manuscrit même,notamment certains passages concernant la sexualité, les tendances à l’exhibitionnisme, l’humour. Ces “manipulations”, cette censure éditoriale visent, selon Florence Bancaud-Maënen, à présenter Kafka comme “un être tragique, en quête de salut” ; ces altérations ont permis de construire un mythe littéraire. C’est seulement en 1990 que paraît l’édition intégrale du Journal (Fischer Verlag), tandis que l’édition française dissocie du Journal les esquisses autobiographiquesxx. Quant aux actes d’autocensure, traces d’une lutte constante entre pulsions constructives et destructives (ces dernières liées entre autres à la figure culpabilisante du père), d’un sentiment permanent d’échec, ils sont fréquents dans le Journal comme d’ailleurs dans la correspondance, le plus souvent matérialisés par des biffures ; quelques lapsus calami, comme la condensation hautement significative de “Kater” (matou) qui apparaît pour “Vater” (père) et y intègre le “K” font sans doute contrepoids.
Examinant les matériaux de genèsexxi de l’autobiographie de Zora Neale Hurston (1891-1960), écrivain noir américain engagé, Claudine Raynaud constate que le texte publié sous le titre Dust  Tracks on a Road  (1942) présente de nombreuses lacunes par rapport au manuscrit. Ont été notamment éliminés par la censure éditoriale des commentaires sur la situation politique, des remarques sur ses contemporains — par crainte de procès en diffamation —, mais aussi des passages touchant à la sexualité, exprimée notamment à travers le folklore afro-américain. Tensions raciales, position politique, appartenance sociale, tabous sur la sexualité s’ajoutent à son statut de femme : bien assez de raisons pour que, en-deçà de la censure éditoriale, Hurston ait produit “un texte traversé d’élans contradictoires”, n’échappant pas à certaines ambiguités, voire à des actes d’autocensure.
Ruth Vogel a examiné de quelle manière, dans les avant-textes de Montauk. Erzählung, Max Frisch(1911-1991) aborde sa relation avec l’écrivain Ingeborg Bachmann (1926-1973), disparue de manière tragique deux ans auparavant. Au fil de nombreuses réécritures (directement dactylographiées), alors que le texte dans son ensemble s’amplifie, on assiste à des suppressions, des déplacements d’épisodes concernant précisément la relation de l’écrivain-narrateur Max avec Ingeborg Bachmann ; lorsqu’elles ne sont pas purement et simplement éliminées, les critiques sont peu à peu nuancées, atténuées, le nom même d’Ingeborg Bachmann supprimé. Parallèlement, Frisch estompe des jugementsnégatifs sur son propre personnage, ses sentiments de culpabilité. Enfin, il en vient à dissocier ses deux échecs amoureux (Bachmann, Marianne), le présent prenant finalement le dessus sur le passé.
Dans le cas des journaux sur Internet, qui intéressent particulièrement Philippe Lejeune (“Cher écran…”, op. cit.), les faits d’autocensure répondent à des contraintes spécifiques à ce moyen d’expression : la vie réelle se trouve projetée dans le monde virtuel — mais le texte est lu par des lecteurs en chair et en os, éventuellement par des proches. Le risque de poursuites judiciaires est réel lui aussi. Mais la principale difficulté, pour les diaristes internautes, est de trouver un mode de régulation du discours entre domaine privé, voire intime, et domaine public, d’établir une frontière entre le projet de “tout dire” et les exigences de discrétion par rapport à soi-même et à autrui. Comme la genèse du texte, l’acte d’autocensure peut être observé “en direct” ; des débats internes sur certains sites, des forums de discussion entre diaristes, certains journaux eux-mêmes abordent cette brûlante question.

Métamorphoses du Journal

Il arrive que le journal — écrit personnel et privé —, se donne à lire à autrui, et pour ce faire se transforme. Ou encore qu’il se métamorphose en récit, voire en roman : comment, et à quelles conditions ? Quels sont les liens génétiques entre ces deux types de texte, ces deux genres ? Brouillon par excellence, lieu de mémoire, ancrage du temps dans le vif de l’écriture quotidienne : quelles fonctions l’écriture “pour soi” remplit-elle ? Le journal est-il source virtuelle, miroir, réservoir, contrepoint d’une œuvre — autobiographique ou de fiction ?
Ou bien, écrit de l’instant fugitif, garde-t-il un statut à part, irréductible aux autres composants du “genre”, rebelle à l’étude de genèse ? En fait le journal bouleverse la notion de genèse, puisque, tout en correspondant à des pratiques extrêmement variées, il se confond avec sa propre genèse, porte en lui l’histoire, le système de son écriture. Par ailleurs, le passage du journal original au Journal publié est le plus souvent prétexte à transformations — effectuées par l’auteur même ou par l’éditeur ; si banal que soit ce fait, il transforme le statut du journal manuscrit, qui devient alors brouillon, avant-texte du Journal publié.
Tenu de 1840 à 1859xxii, et retrouvé en 1987 dans un grenier, le journal d’Amélie Weiler comprend six cahiers manuscrits. Patricia Szafranski a étudié lestransformations qu’entraîne sa publication. D’abord le titre : de “Journal d’Amélie”, il devient “Journal d’une jeune fille mal dans son siècle” ; surtout, le travail d’édition réduit, par des suppressions massives, les presque 1900 feuillets manuscrits à environ 500 feuillets dactylographiés ; or les entrées ou passages coupés ne sont, pas plus que dans le Journal de Virginia Woolf, pas signalés dans l’édition. Afin d’éviter les — pourtant inévitables — longueurs et répétitions,que Philippe Lejeune qualifie d’“effet de journal”, l’original est donc traité comme un brouillon, une “matière première” malléable, que l’on doit élaguer et “perfectionner” pour l’éditer.
Martine Sagaert et Eric Marty ont explicité, dans leur introduction respective à la nouvelle édition de la Pléiadexxiii, les modalités de gestion de son Journal par Gide lui-même, et ont montré comment les éditions successives se contredisent en fonction de diverses stratégies (notamment celle qui commande l’édition de 1939), quelles opérations transforment le manuscrit en publication, et enfin en quoi le Journal constitue un espace contigu à d’autres œuvres (notamment Ainsi soit-il pour la fin du Journal)xxiv.

Quant Writer’s Diaryxxv de Virginia Woolf (dont l’ensemble du journal comporte 26 volumes manuscrits), il s’agit d’une anthologie composée de manière artificielle par Leonard Woolf. Le fait que cette sélection se soit voulue respectueuse des instructions laissées par l’écrivain, et ne représente, selon son premier éditeur, “qu’une partie infime des cahiers manuscrits”, permet difficilement de se faire une idée de l’ensemble, dans la mesure où ne sont pas signalées coupures et “omissions”. Comme celui de Kafka, le Journal de Woolf fourmille par ailleurs de renseignements concernant la genèse des romans (notamment Orlando, To the Lighthouse), et participe pleinement à ce titre du dossier génétique.
Dans d’autres cas, le journal devient l’avant-texte d’une œuvre relevant d’une autre forme d’écriture, d’un autre genre littéraire : il se fait, pourrait-on dire, “transgenre”.
Le journal d’Anne Scheyer, Les Quatorze vendredi/Die 14 Freitage, étudié par Nils Hollendieck, pose la question de l’identité double, conflictuelle d’une Lorraine malmenée par la guerre, les frontières, les langues, entre intégration et exclusion. En 1944-1945, elle tient son journal en allemand, le réécrit sous forme d’autobiographielors d’un séjour dans un camp de réfugiés, retravaille son journal en 1960 pour le publier (en français) dans le quotidien Le Courrier de Metz, en y ajoutant un reportage sur son village. En 1984, elle tente de traduire en français l’ensemble de son témoignage afin de le publier en volume, tout en l’adaptant et en l’élargissant. Il sera édité en 1992 à Metz sous le titre Les Quatorze Vendredis — Le calvaire du dernier village libéré de Lorraine, puis retravaillé et à nouveau complété pour une édition en allemand (à Sarrebrück). Au total, cinq versions différentes, en deux langues. D’une version à l’autre — notamment du journal à l’autobiographie — varient non seulement les repères temporels, mais aussi, bien entendu, le système déictique et anaphorique ; on relève des actes d’autocensure, des contradictions insolubles : dans le journal en français, l’auteur se dit française ; mais dans la version allemande, elle désigne l’Allemagne comme sa patrie.
Pour Violette Leduc, le journal — c’est le cas de Trésors à prendre, récit de voyage —, notes rédigées au jour le jour, se transforme au fil de la réécriture en un récit autobiographique continu qui l’englobe : ainsi les dates seront-elles soigneusement éliminées du manuscrit, l’aspect diaristique partiellement gommé.
Michel Leiris utilise son journal (1922-1989) comme première phase de rédaction de ses œuvres, qu’il retravaille ensuite. Jean-Jacques Queloz a relevé ces passages, et les modifications qu’ils subissent dans A Cor et à cri (1988) : déplacements, réagencements, regroupements par analogie, mais aussi remplacements (exceptionnels) de “je” par “il”, transformations des éléments trop personnels, et aussi prise en compte du lecteur (par exemple, commentaire d’un récit de rêve)xxvi.
Catherine Pozzi, quant à elle, transpose son journal de jeunesse dans un roman, Agnèsxxvii ; plus tard, un même support manuscrit sera utilisé pour la rédaction du journal et, parallèlement — ou plutôt perpendiculairement — d’un essai philosophique dont la genèse se déroule simultanément (cf. article de Françoise Simonet-Tenant dans ce numéro).
Les bouleversements systématiques du temps chronologique dans le monumental journal de Claude Mauriac, Le Temps immobile, construisent, à partir des montages complexes de dactylogrammes empruntés à différentes époques, un fascinant kaléidoscope (voir l’article de Nathalie Mauriac Dyer dans ce numéro).

Métadiscours

Ecrire une autobiographie, c’est mettre en scène un discours sur soi, présenté comme tel : l’autobiographie ne serait-elle pas alors “le” genre autoréflexif par excellence, dont le métadiscours (notamment le “pacte”) serait censé garantir la transparence, ou expliciter les modalités de l’entreprise ? Ce méta-discours sur l’élaboration du texte, cette mise à distance, viendraient-ils alors à la rencontre de la critique génétique ?
Nombre d’écrits autobiographiques adoptent une posture réflexive ou critique, incluant des ingrédients tels que : réflexions sur l’acte d’énonciation à propos de soi-même, le geste et l’espace autobiographique, sur la matérialité de l’écriture, gloses, interprétant la démarche adoptée, mises en scène de la genèse du texte, contrat de lecture…
Par ailleurs, de quels obstacles ou résistances propres à ce type d’écriture — que n’évoquera pas nécessairement le texte imprimé — les brouillons témoignent-ils ? Ou s’agit-il plutôt d’une posture critique ? Quelles images textuelles l’auteur donne-t-il de soi, de la “scène de l’écriture”, et à travers quels choix ? Quels types de métaphores décrivent la gestation, la naissance et l’élaboration du texte ? Enfin, selon quelles modalités est construite la relation avec le lecteur ?
Les cas de figure sont extrêmement divers. Que l’on pense à Marie d’Agoult, dont le Cahier de 1865 n’est pratiquement que prospection métadiscursive (voir l’article de Philippe Lejeune dans ce numéro, ainsi que l’inédit présenté par Sandrine Cotteverte) ; ou encore à la polyphonie énonciative d’Enfance de Nathalie Sarraute, où le métadiscours se fait dialogue entre deux instances du moi, “je” et “tu”, dont l’une passe l’autre au crible de la suspicion — mise en scène fictionnelle de la genèsexxviii ; à Christa Wolf qui, dans Trame d’enfance, en vient à faire disparaître le “je” au fil de multiples réécritures (une trentaine de tentatives), pour faire finalement dialoguer un “tu” (l’écrivain-narratrice) avec un “elle” (l’enfant qu’elle était autrefois). L’étude des brouillons permet de mettre en lumière quelques-uns de ces aspects dialogiques de l’écriturexxix.
Dialogue au sens le plus concret, à plusieurs mains : c’est le cas, ainsi que l’a montré Alexandre Stroev, pour lesMémoires de Madame d’Epinay  (1818)xxx. Les premiers éditeurs transformèrent en mémoires un roman épistolaire à caractère autobiographique rédigé par Madame d’Epinay et intitulé L’Histoire de Madame de Montbrillant. Le manuscrit de ce roman, élaboré entre 1762 et 1773 garde les traces de plusieurs remaniements et présente différentes étapes de rédaction. Par ailleurs, un cahier manuscrit portant le titre “Changements à faire dans le roman” envisage des ajouts en vue d’une rédaction finale ; ces changements sont suggérés en partie par Diderot, ainsi qu’en attestent les remarques de sa main.  D’authentiques lettres de Rousseau sont insérées dans le roman, auxquelles répondent des lettres plus ou moins fictives rédigées ou remaniées à posteriori. Le texte mêle ainsi lettres vraies, fausses et réécrites. L’analyse du papier et de différentes écritures (de Mme d’Epinay, de son secrétaire, de Diderot, de plusieurs copistes qui, à la même époque, travaillent pour la Correspondance littéraire  de Friedrich-Melchior Grimm) permet de suivre la transformation d’un roman autobiographique, d’un texte de fiction en un faux document qui devient une machine de guerre contre Jean-Jacques Rousseau et une réponse à ses Confessions.
En revanche, on sait à quel point texte et genèse coïncident dans La Vie de Henry Brulard, si bien qu’il serait absurde de chercher à les dissocier. Dans l’analyse qu’elle propose de l’incipit (voir article dans ce même numéro), Maria-Ignez Mena-Barreto démonte la multiplicité des points de vue spatio-temporels mis en œuvre par Stendhal, et démontre leurs implications quant à la dynamique rédactionnelle. L’étude — notamment matérielle — du manuscrit de Lamiel, confrontée aux notes métascripturales du manuscrit de l’œuvre inachevée intitulées “Journal de Lamiel”, a permis à Serge Linkès, entre autres résultats, de rectifier la chronologie supposée de la composition (avril-mai 1839, et non octobre).
Dans la plupart des journaux de jeunes filles rédigés en France dans la seconde moitié du XIXe siècle, les recherches de Philippe Lejeune et de Sabine Philipp-Sattel ont conclu que, sauf pour quelques diaristes exceptionnelles, seule la relecture est susceptible de déclencher une démarche critique ; en règle générale, les remarques métadiscursives sur l’écriture de soi et ses fonctions semblent rares.
Dans le cas de Joseph Delteil (1894-1978), qui écrit plutôt, avoue-t-il, “par fuite que par suite”, les avant-textes de La Deltheillerie sont, d’après Marie-Françoise Lemonnier-Delpy, le lieu même de la quête, la juxtaposition de tous les possibles de l’écriture, un véritable puzzle de questions et de réponses entre problèmes théoriques et matériaux autobiographiques, interrogations sur la réception de l’œuvre.
Françoise Simonet-Tenant montre comment Catherine Pozzi met en scène dans son Journal — genre délibératif par excellence — le métadiscours, nommé “critique intersticielle”, rendant perméables les frontières avec la narration. Elle en relève les différentes fonctions : inchoative, dans les titres des cahiers ; commentaires burlesques sur les interruptions de la rédaction ; mise en scène des entraves à l’écriture, aspects cathartiques ; commentaires de lecture (simultanée ou postérieure à l’écriture ; les remarques sont datées) ; enfin, critiques infrapaginales appréciatives — voire dévalorisantes, dans la tradition de l’évaluation scolaire (tradition à laquelle sacrifie également Violette Leduc lorsqu’elle relit ses cahiers). Ces interventions métadiscursives matérialisent les décalages dus au changement de position, les hésitations par rapport à un éventuel lecteur externe, tantôt construit, tantôt nié. Ou encore des tensions entre les tons à adopter — lyrisme ou ironie —, entre les stratégies — propension à “tout raconter comme s’il fallait mettre un lecteur au courant” et retenue (“ne dire algébriquement que ce dont j’ai besoin”). Le métadiscours fait parfois référence au support matériel, et a également pour fonction d’ordonner le temps, de distinguer les mouvements rétrospectifs et prospectifs.

Des pratiques à la théorie ?

En s’intéressant au graphein, dernier composant du terme “ auto-bio-graphie ”, la critique génétique enrichit les textes étudiés d’une dimension supplémentaire : celle de leur ancrage dans le temps de l’écriture, de l’épaisseur (au sens propre, souvent) de leur élaboration, de leur processus — mental et matériel — de fabrication.
Chaque texte est unique, et plus encore le dossier de sa genèse. Cependant, en regroupant des cas de figure aussi différents, aussi singuliers, mais répondant aux mêmes contraintes, on relève peu à peu des recoupements, des parentés, des points communs, qu’il serait impossible de faire apparaître hors d’une démarche comparative : un certain savoir-faire partagé de l’écriture autobiographique.
Loin d’être superflue, l’étude des manuscrits rend tangibles les enjeux de l’écriture — qu’il s’agisse de trier, d’ordonner, d’interpréter les traces du passé ; de réécrire, en le transformant, tel événement vécu ; de réfléchir sur le geste et la manière d’écrire sur soi, sur le travail de mémoire ; de respecter une exigence d’authenticité, tout en cherchant à concilier l’intime, le privé avec le monde social, public : bref de fabriquer avec des mots ce “moi” d’encre et de papier.
Ce faisant, elle aide certes à lire, à mieux comprendre l’esprit de chaque œuvre abordée, confirmant ou infirmant les intuitions, les attentes du lecteur ; mais, bien au-delà, elle permettra de dégager des règles d’écriture, une “grammaire” commune à ce genre d’écrits — bien différente sans doute de celle qu’enseignent les manuels “Comment écrire son autobiographie”.
La critique génétique a intimement partie liée avec les écrits autobiographiques ; à la fois légitime et pertinente, elle est au plus près de ce genre littéraire : elle permet d’accéder aux processus, aux parcours, aux mouvements de création, de représentation et de métamorphoses du moi.

i  Voir dans ce même numéro, sur les collectes et collections d’écrits autobiographiques — actuellement en pleine expansion —, les contributions d’Anna Iuso, “Europa autobiographica”, de Véronique Leroux-Hugon sur l’Association pour l’Autobiographie en France, de Philippe Artières et Gilles Cugnon sur l’association “Sida-Mémoires”.

ii  Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique. Ed. du Seuil, 1975 ; nouvelle édition augmentée, Seuil, coll. “Points. Essais”, 1996, p. 14.

iii   Soit, pour les essais : L'Autobiographie en France (A. Colin, 1971) ; rééd. en coll. "Cursus" en 1998. Exercices d'ambiguïté. Lectures de “Si le grain ne meurt” (Lettres Modernes, 1974) Lire Leiris. Autobiographie et langage (Klincksieck, 1975). Je est un autre. L’autobiographie, de la littérature aux médias. (Seuil, 1980). Moi aussi (Seuil, 1986). Pour l'autobiographie  (Seuil, 1998) propose une “ défense et illustration ” des écritures autobiographiques et de leurs limites juridiques.

iv  Voir aussi, sous la direction de Michel Contat, Pourquoi et comment Sartre a écrit Les Mots, PUF, 1996 ; id., L’Auteur et le manuscrit, PUF, 1991.

v  Liste à laquelle il convient d’ajouter trois ouvrages consacrés à des enquêtes : “Cher cahier...”. Témoignages sur le journal personnel (Gallimard, “Témoins”, 1990). Le Moi des demoiselles. Enquête sur le journal de jeune fille (Seuil, 1993). Et le tout récent “Cher Ecran…” Journal personnel, ordinateur, Internet (Seuil, “La couleur de la vie”, 2000). Et, pour les œuvres éditées : Xavier-Edouard Lejeune, Calicot (Enquête de Michel et Philippe Lejeune, Montalba, 1984). Lucile Desmoulins, Journal 1788-1793. Texte établi et présenté par Ph. Lejeune (Ed. des Cendres, 1995). Enfin, Un journal à soi, catalogue d’exposition sur les journaux intimes (Bibliothèque municipale de Lyon, en collaboration avec C. Bogaert, 1997).

vi  …mais il y en eut un autre depuis, plus lourd de conséquences. Voir l’article de Nicolas Weill, “La mémoire suspectée de Binjamin Wilkomirski” (Le Monde, 23 octobre 1998) : “ Fragments — Une enfance 1939-1948, un témoignage autobiographique sur les camps d’extermination de Majdanek et d’Auschwitz, a obtenu le prix Mémoire de la Shoah en 1997. Son auteur, dont l’identité est mise en doute, est aujourd’hui accusé d’imposture.”

vii  Karl Corino, “Außen Marmor, innen Gips”. Die Legenden des Stephan Hermlin.Econ, Düsseldorf, 1996.

viii  Cf. Louis Marin, L’écriture de soi (PUF, 2000?); La Voix excommuniée (à paraître aux PUF). Serge Sérodes, “Louis Marin ou l’autobiographie au neutre”. Hommage à Alain Goulet, sous la dir. de Gérard Gengembre et Serge Cabioc’h, Presses universitaires de Caen (à paraître).

ix  Cf. Marguerite Yourcenar, dossier intitulé “Sources II” établi pendant les années de genèse des deux premiers volets du triptyque (Gallimard, “Cahiers de la nrf”, 1999).

x  Cf. Manuel Puig : Materiales iniciales parà La traiciòn de Rita Hayworth. Compilados por José Amìcola. Buenos Aires, Centro de Estudios de Teoria y Critica Literaria, 1996.

xi  Les archives d’Hervé Guibert ont été déposées à l’IMEC. Voir à ce sujet la présentation, par les mêmes auteurs, du fonds “Sida-mémoires” dans ce même numéro, p.xxx-xxx. Les matériaux comprennent, d’après Ph. Artières, 26 cassettes vidéo (dont le contenu est décrit par H. Guibert) et 2 ensembles de séquences montées.

xii  Florence Bancaud-Maënen, “Kafka ou le nom impropre”. Communication (non publiée) à la journée d’étude “Enjeux du Nom propre”, organisée sous la responsabilité de Catherine Viollet (Maison des Ecrivains, 4 mars 2000).

xiii  Renate Lance-Otterbein, “Quatre-vingt dix ans de roman familial : Aragon, Quelle âme divine ! ou la genèse d’une scène d’écriture”. Genesis n° 8 (1995), p. 51-71.

xiv  Entretien avec C. Viollet, février 1989 (non publié).

xv  Voir Jean-Claude Berchet, préface à son édition des Mémoires d’outre-tombe, éd. Bordas, coll. “Classiques Garnier”, 1989-1998 ; “Du nouveau sur le manuscrit des Mémoires de ma vie”, Bulletin de la Société Chateaubriand, n° 39 (1996) ; “La tradition manuscrite”, Les Manuscrits des Mémoires d’outre-tombe, Club de la Bibliothèque nationale de France, 2000.

xvi  Jean-Claude Berchet, “Le séjour à Brest dans les Mémoires de ma vie”, Chateaubriand, La Fabrique d’un texte. Textes réunis et présentés par Christine Montalbetti. UP. U. Rennes, coll. “Interférences”, 1999.

xvii Kafka, Journal, 23 déc. 1911. Voir Florence Bancaud-Maënen, “Le Journal de Kafka ou l’autobiographie fantôme”. In Genèses du “Je”, op. cit., p. 137-153.

xviii  Cf. Pourquoi et comment Sartre a écrit “Les Mots”, sous la direction de Michel Contat, PUF, 1996.

xix  Cf. Ruth Vogel : Montauk de Max Frisch. Réécritures et autocensure. Genèses du “Je”, op. cit., p. 91-101.

xx  Florence Bancaud-Maënen, “Le Journal de Kafka ou l’autobiographie fantôme”, Genèses du “Je”, op. cit., p. 137-153.

xxi  Il s’agit de chapitres autographes et d’un dactylogramme, conservés à la Beinecke Library, université de Yale aux Etats-Unis. Voir Claudine Raynaud, “Race et sexualité. Genèse de l’autobiographie de Z. N. Hurston”, Genèse textuelle, identités sexuelles. Textes réunis et présentés par Catherine Viollet, avec une postface de Claudine Raynaud. Du Lérot éd. (Tusson), 1997, p. 191-202.

xxii  Amélie Weiler, Journal d’une jeune fille mal dans son siècle 1840-1859. Edité par Nicolas Stosskopf, préface de Philippe Lejeune. La Nuée bleue, 1994.

xxiii  André Gide, Journal. Gallimard, collection “Bibliothèque de la Pléiade”. T. I (1887-1925), édition établie, présentée et annotée par Eric Marty, 1996 ; t. II (1926-1950, édition établie, présentée et annotée par Martine Sagaert, 197.

xxiv  Voir Martine Sagaert, Genèses du “Je”, op. cit, p. 195-208.

xxv  Virginia Woolf, Journal d’un écrivain. Traduit par Germaine Beaumont. Christian Bourgois, 1984.

xxvi  Voir, pour l’ensemble des techniques utilisées par Leiris, le livre de Catherine Maubon, Michel Leiris au travail, éd. l’Age d’Homme, 1987; voir aussi du même auteur, dans Genesis n° 11, “De Lucrèce, Judith et Holopherne à L’Age d’homme de Michel Leiris, ou comment recoller la tête d’Holopherne”, ainsi que le dossier : “Michel Leiris, Les notes prérédactionnelles de L’Age d’homme”, p. 107-129.

xxvii  Françoise Simonet-Tenant, Agnès de Catherine Pozzi, une réécriture fusionnelle. Genèses du “Je”, op. cit., p. 155-158.

xxviii  Sur l’étude génétique de ce procédé de “genèse fictionnelle” chez Nathalie Sarraute, voir Philippe Lejeune, Les Brouillons de soi, op. cit., p. 253-313.

xxix  Cf. Catherine Viollet, “ Autobiographie et disparition du “je” : Kindheitsmuster de Christa Wolf ”, Leçons d’écriture ce que disent les manuscrits. Hommage à Louis Hay, Paris, éd. Lettres Modernes, 1985, p. 195-206.

xxx  Dont les manuscrits, exceptionnellement conservés mais dispersés, se trouvent pour une part aux Archives nationales et à la Bibliothèque de l’Arsenal, pour une autre à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris.