Une note est un énoncé fragmentaire, souvent bref, qui peut être une simple notation (le résultat de l'acte de noter), et qui peut aussi se greffer sur un autre texte comme son commentaire et sa glose (une annotation). Le terme n'est attesté dans ces deux sens qu'au XVIIe s., mais il est lié depuis longtemps à la fonction mémorielle de l'écrit. Au XIIIes., la note désigne en effet ce qui est consigné par écrit (« mettre en note », c'est « décrire, consigne ».1). Et la pratique médiévale qui consiste à entourer le texte de sa glose, en caractères plus petits, est à l'origine des notes, d'abord marginales (les «manchettes» du XVIe s.), puis en bas de page, en fin de chapitre ou de volume2, qui s'ajoutent au corps principal du texte imprimé. Les notes sont une des formes du paratexte, à la frontière, mouvante, du texte. G. Genette remarque à leur sujet que « c'est un "genre" dont les manifestations sont par définition ponctuelles, morcelées, comme pulvérulentes, pour ne pas dire poussiéreuses, et souvent si étroitement relatives à tel détail de tel texte qu'elles n'ont pour ainsi dire aucune signification autonome : d'où malaise à les saisir » (Seuils, p. 293) et il propose cette définition :

« une note est un segment de longueur variable (un mot suffit) relatif à un segment plus ou moins déterminé du texte, et disposé soit en regard soit en référence à ce segment. Le caractère toujours partiel du texte de référence, et par conséquent le caractère toujours local de l'énoncé porté en note, me semble le trait formel le plus distinctif de cet élément du paratexte, qui l'oppose entre autres à la préface ». (Ibid.)

L'absence d'autonomie, le caractère fragmentaire d'un énoncé, rivé au détail d'un texte, telle semble en effet la caractéristique principale d'une note. Mais ce qui l'oppose au texte c'est aussi son aspect métalinguistique : la note est un langage second sur du langage, qu'elle explique, précise, commente, développe…
Le terme «note» recouvre ainsi deux pratiques d'écriture qui ne semblent liées que par la discontinuité du fragment : un langage de notation et le métalangage d'une annotation soumise à un texte premier.
Dans le domaine des manuscrits, et de la genèse d'une oeuvre, c'est a priori la première pratique qui paraît devoir nous retenir : celle qui consiste à prendre des notes, dans un carnet ou sur des feuilles, selon le moment, la commodité et le propos de l'écrit. Carnets nomades, carnets et feuilles sédentaires, notes de voyage, de repérage, notes de lectures, à la bibliothèque ou à la maison, bibliographies, idées, réflexions, projets, phrases qui viennent, listes de noms, adresses : les notes recouvrent des pratiques diverses de l'écrit, où se noue cependant, de façon pour chacun singulière, le rapport de l'écriture à l'expression, et à la mémoire, des autres et de soi, des livres et du monde, à l'urgence de dire, à la tension vers l'oeuvre ou les oeuvres en projet. Les publications récentes de carnets d'écrivains donnent une idée de la variété de ces écrits3, à plus ou moins grande distance des projets esthétiques, et de la rédaction d'une oeuvre.
Ce qui frappe, cependant, à première vue, dans ces notes, qu'elles soient apparemment sans suite, simple notation d'une idée, d'une impression, d'un rêve, ou qu'elles soient la trace documentaire de détails orientés par l'écriture d'un roman, c'est leur commune absence d'autonomie référentielle : elles forment une suite de syntagmes discontinus, qui ne font pas système en eux‑mêmes, mais par référence à des systèmes d'interprétation extérieurs (biographiques et textuels). D'où l'extrême importance du commentaire dans les éditions de carnets d'écrivains, qui doivent permettre d'intégrer ces notes dans des ensembles signifiants : de l'expérience (lue, vécue) à l'écriture4.

Ce qui apparaît d'autre part dans ces notes manuscrites, c'est la difficulté de maintenir la distinction entre notation, et annotation, langue et métalangue : dans les Carnets de travail de Flaubert, comme dans ses notes de lecture, plus suivies, pour Bouvard et Pécuchet, chez Stendhal, chez Proust — à des titres divers — la notation devient aussi bien annotation de la page dans ses marges ou au fil de la ligne, régie d'un énoncé ou d'un projet en cours. Enfin, la description des notes n'est pas séparable de l'enjeu d'écriture qu'elles constituent, indépendamment de leur finalité immédiate. Quand Flaubert, préparant Bouvard et Pécuchet, écrit : «ma vie se passe à prendre des notes», il y va d'autre chose que d'un intérêt documentaire : d'un désir, d'une absorption totale de soi, et de l'extérieur dans le mouvement de l'écriture, qui gagne, dès le stade des notes, une forme d'intransitivité et d'autonomie de la mise en texte. Chez Proust, les notes ont un statut à la fois annexe et fondamental. On peut distinguer d'abord les notations de carnet, comme celles du Carnet 1 (1908‑1912).Ce carnet composite5, qui accompagne la genèse saccadée du Contre Sainte‑Beuve, et les débuts de la Recherche, comprend à la fois des indices biographiques (adresses, par exemple), la trace de projets, de réflexions critiques et esthétiques, des listes de noms, et des esquisses de rédaction. La note n'y a pas de finalité documentaire6, elle tient plutôt d'un tracé mémoriel : réserve de noms, de notations. À côté de cela, une seconde série de notes, plus tardive, au statut plus uniformément métadiscursif, apparaît en cours de rédaction de la Recherche, comme celles du Cahier 57 pour Le Temps retrouvé. Rédigées entre 1913 et 1916 / 17, elles commentent et complètent l'état du texte écrit en 1911. Après avoir publié Du côté de chez Swann en 1913, Proust reprend en effet ce qui est déjà écrit, gère les effets d'ensemble et l'illustration d'une esthétique, tout en donnant à son roman de nouveaux développements. Les notes du manuscrit sont alors les piliers d'une esthétique de la composition, et d'une écriture en transformation. Elles répondent à un mode d'écriture qui vise le proche et le lointain, qui relie le détail à la loi, la fiction à l'exposé esthétique. C'est à cette seconde série de notes que je m'intéresserai principalement, dans leur relation à l'écriture et à l'esthétique proustienne.

Les notes et l'esthétique de la composition

Proust n'a pas écrit la Recherche  en rupture avec ses travaux précédents, comme le voulaient certaines images anciennes. On sait maintenant que les cahiers du Contre Sainte‑Beuve  sont le point de départ d'une oeuvre romanesque qui inclut la critique et l'esthétique dans la fiction narrative, et l'on peut considérer à la limite que la plupart des écrits antérieurs de Proust méritent d'entrer dans le dossier génétique de la Recherche. Comme fragments narratifs ou descriptifs, états premiers, réécrits, montés, collés dans la Recherche, comme fragments critiques et esthétiques sur la réminiscence, sur l'oeuvre d'art et le rôle de l'artiste, sur le refus de l'idôlatrie des modèles : certains textes des Plaisirs et les jours, bien des fragments de Jean Santeuil, certains articles critiques de Proust (comme celui sur l'esthétique de Chardin), les travaux sur Ruskin, et les pastiches sont à mettre au dossier. Mais l'important n'est alors pas seulement de rechercher les fragments successifs précédant l'état publié de la Recherche. C'est bien aussi de suivre le mouvement d'alliance du descriptif et du narratif avec l'exposé esthétique : tôt présent dans l'oeuvre de Proust, celui‑ci se précise, à partir des années 1900, dans la recherche d'une forme alliant la critique et la fiction7, à travers les préfaces et les notes aux traductions de Ruskin, en particulier de Sésame et les lys (1906), la «critique en action» des pastiches (1908), et la transformation  d'un Contre Sainte‑Beuve, essai ou récit (1908‑1909), en un roman de la mémoire, finissant par une « Matinée chez la Princesse de Guermantes ».
Dans cette étude de l'écriture proustienne, la question des notes sera pour nous une transversale de l'œuvre Après la traduction de La Bible d'Amiens, la traduction des conférences de Sésame et les lys  (1906) est l'occasion de présenter à nouveau la pensée de Ruskin mais aussi de prendre des distances à l'égard de ce que Proust juge une idôlatrie de la lecture. La préface et les notes permettent au traducteur d'exprimer son propre credo esthétique.
Ainsi une remarque de Ruskin sur la difficulté de choisir ses amis, en comparaison de la liberté de la lecture, suscite-t-elle une note de Proust, au bas de quatre pages, sur la différence essentielle entre les deux modes de communication :

«Notre mode de communication avec les personnes implique une déperdition des forces actives de l'âme que concentre et exalte au contraire ce merveilleux miracle de la lecture qui est la communication au sein de la solitude. Quand on lit, on reçoit une autre pensée, et cependant on est seul, on est en plein travail de pensée, en pleine aspiration, en pleine activité personnelle : on reçoit les idées d'un autre, en esprit, c'est-à-dire en vérité, on peut donc s'unir à elles, on est cet autre et pourtant on ne fait que développer son moi avec plus de variété que si on pensait seul, on est poussé par autrui sur ses propres voies. […] Et une conversation avec Platon serait encore une conversation, c'est-à-dire un exercice infiniment plus superficiel que la lecture, la valeur des choses écoutées ou lues étant de moindre importance que l'état spirituel qu'elles peuvent creéer en nous et qui ne peut être profond que dans la solitude ou dans cette solitude peuplée qu'est la lecture.» (Note à la traduction de John Ruskin, Sésame et les lys, [1906], rééd. Éd. Complexe, 1987, p. 113‑114, et 114‑115)

On reconnaît ici sans difficulté un thème du Contre Sainte‑Beuve et de la Recherche. On y découvre aussi une pratique de la note dont Proust s'explique dans un post‑scriptum de la note liminaire à sa Préface, sur l'édition anglaise de Sésame et les Lys parue en juillet 1905 :

« Cette traduction était déjà chez l'imprimeur quand a paru dans la magnifique édition anglaise (Library Edition) des oeuvres de Ruskin que publient chez Allen MM. E.-T. Cook et Alexander Wedderburn, le tome contenant Sésame et les Lys (au mois de juillet 1905). Je m'empressai de redemander mon manuscrit, espérant compléter quelques-unes de mes notes à l'aide de MM Cook et Wedderburn. Malheureusement si cette édition m'a infiniment intéressé, elle n'a pu autant que je l'aurais voulu me servir au point de vue de mon volume. […] Quant aux rapprochements avec le reste de l'oeuvre de Ruskin on remarquera que la Library Edition renvoie à des textes dont je n'ai pas parlé, et que je renvoie à des textes qu'elle ne mentionne pas. […] Ces rapprochements tels que je les conçois sont essentiellement individuels. Ils ne sont rien qu'un éclair de la mémoire, une lueur de la sensibilité qui éclairent brusquement deux passages différents. Et ces clartés ne sont pas aussi fortuites qu'elles en ont l'air. En ajouter d'artificielles, qui ne seraient pas jaillies du plus profond de moi-même, fausserait la vue que j'essaye, grâce à elles, de donner de Ruskin. La Library Edition donne aussi de nombreux renseignements historiques et biographiques, souvent d'un grand intérêt. On verra que j'en ai fait état quand je l'ai pu, rarement pourtant. D'abord ils ne répondaient pas absolument au but que je m'étais proposé. Puis la Library Edition , édition purement scientifique, s'interdit tout commentaire sur le texte de Ruskin, ce qui laisse beaucoup de place pour tous ces documents nouveaux, tous ces inédits dont la mise au jour est à vrai dire sa véritable raison d'être. Je fais au contraire suivre le texte de Ruskin d'un commentaire perpétuel qui donne à ce volume des proportions déjà si considérables qu'y ajouter la reproduction d'inédits, de variantes, etc., l'aurait déplorablement surchargé. […] » (Ibid., p. 37‑38).

Proust considère la note comme le lieu d'expression d'une esthétique personnelle. Lieu « d'un commentaire perpétuel », elle est aussi un lieu non d'information mais de mémoire : les termes qu'emploie Proust pour définir les « rapprochements » —  «éclair de la mémoire », « lueur de la sensibilité qui éclairent brusquement deux passages différents » — ne sont guère différents de ceux qui lui servent à qualifier dans la Recherche le plaisir de la réminiscence. Et le plaisir du «commentaire perpétuel» de la note ne se distingue pas de celui de la digression démonstrative et de l'ajout, qui poussera l'écrivain à infuser cette «surnourriture» à ses épreuves imprimées , au grand désespoir de Gaston Gallimard :

« Cher ami et éditeur, vous paraissez me reprocher mon système de retouches. Je reconnais qu’il complique tout […]. Je m’excuse auprès de vous de deux façons, la première c’est en disant que toute qualité morale a pour fonction une différence matérielle. Puisque vous avez la bonté de trouver dans mes livres quelque chose d’un peu riche qui vous plaît, dites-vous que cela est dû précisément à cette surnourriture que je leur réinfuse en vivant, ce qui matériellement se traduit par ces ajoutages ». (Lettre à Gaston Gallimard, [22 mai 1919]), Correspondance, t.18, Plon, 1990, p. 226.)

De plus, au moment où Proust cherche à publier le premier volume de son oeuvre (initialement prévue en deux grands volumes) et à gagner des pages, il envisage de mettre en notes ce qu'il nomme ses longueurs, et demande conseil à Louis de Robert :

« Et si vous aviez la bonté de me signaler les parties qui vous semblent faire longueur, que je devrais supprimer (ou peut-être mettre en «notes» n'est-ce pas possible?) en les marquant avec un crayon bleu ou rouge, ou noir, vous me rendriez un grand service. » (À Louis de Robert, [2de quinzaine de juin 1913], Correspondance, t. 12, Plon, 1984, p. 211.)

« […] dites-moi en une ligne si mon idée de mettre certaines longueurs en note (ce qui raccourcirait le volume) est mauvaise (je crois qu'elle l'est), si mon idée de supprimer les blancs du dialogue est mauvaise. » (À Louis de Robert, [juillet 1913], ibid., p. 217.)

Ce à quoi il se voit répondre :

« Non, non, ne mettez pas ce que vous appelez vos «longueurs» en note. Cela prendrait un air de livre d'érudition. Ne changez rien à votre forme » (ibid., p. 220.)

La note apparaît ainsi comme un surplus textuel indispensable, une forme et un lieu stratégique du texte, certes placée en ses bords et hiérarchisée, mais de même nature que lui.
Une autre note de Proust, qui porte sur une de ses notes à la traduction de la première conférence de Sésame et les Lys  (la note 131 !), commente la composition chez Ruskin :

« Je vois que, dans la note placée à la fin de la conférence, j’ai cru pouvoir noter jusqu’à 7 thèmes dans la dernière phrase. En réalité Ruskin y range l’une à côté de l’autre, mêle, fait manoeuvrer et resplendir ensemble toutes les principales idées — ou images — qui ont apparu avec quelque désordre au long de sa conférence. C’est son procédé. Il passe d’une idée à l’autre sans aucun ordre apparent. Mais en réalité la fantaisie qui le mène suit ses affinités profondes qui lui imposent malgré lui une logique supérieure. Si bien qu’à la fin il se trouve avoir obéi à une sorte de plan secret qui, dévoilé à la fin, impose rétrospectivement à l’ensemble une sorte d’ordre et le fait apercevoir magnifiquement étagé jusqu’à cette apothéose finale. » (Sésame et les lys., p. 103‑104.)

Cette esthétique de la composition, c'est celle‑là même que Proust, à la recherche d'un éditeur, défend pour son roman :

« […] au point de vue de la composition, elle est si complexe qu'elle n'apparaît que tardivement quand tous les « thèmes » ont commencé à se combiner. » (À René Blum, [23 février 1913], Correspondance., t. 12, éd. cit., p. 92).

« Quant à ce livre‑ci, c'est au contraire un tout très composé, quoique d'une composition si complexe que je crains que personne ne le perçoive et qu'il apparaisse comme une suite de digressions. C'est tout le contraire.» (Au même, [Vers le 20 février 1913, ibid., p. 82.)

Et encore dans une lettre célèbre à Jacques Rivière de 1914 :

« Enfin je trouve un lecteur qui devine que mon livre est un ouvrage dogmatique et une construction ! ».[…]

« J’ai trouvé plus probe et plus délicat comme artiste de ne pas laisser voir que c’était justement à la recherche de la Vérité que je partais, ni en quoi elle consistait pour moi. Je déteste tellement les ouvrages idéologiques où le récit n’est tout le temps qu’une faillite des intentions de l’auteur que j’ai préféré ne rien dire. Ce n’est qu’à la fin du livre, et une fois les leçons de la vie comprises, que ma pensée se dévoilera ».[…] (Correspondance, t. 13, Plon, 1985, p. 98)

Le Temps retrouvé  est bien non seulement la fin, mais le mode d'emploi de toute la Recherche8. En 1913, quand Swann paraît, il existe une version d'ensemble de l'oeuvre, finissant par l'« Adoration perpétuelle » et le « Bal de têtes ». Proust confie à André Beaunier en décembre 1913 :

«Tout est écrit mais tout est à reprendre» (Correspondance, t. 12, p. 367).

Six ans plus tard, après la sortie d' À l'ombre des jeunes filles en fleurs, il précise :

« tous les volumes sont écrits (le dernier chapitre du dernier volume, non paru, a été écrit tout de suite après le premier chapitre du premier volume. Quand Swann a paru en 1913, non seulement À l'ombre des jeunes filles en fleurs, Le Côté de Guermantes et Le Temps retrouvé étaient écrits mais même une partie importante de Sodome et Gomorrhe.» (À Rosny aîné, [peu avant le 23 déc. 1919], Correspondance, t. 18, éd. cit. , p. 546).

« Reprendre », Proust ne cessera de le faire, en ajoutant sans cesse, en fédérant le tout, en reliant le particulier et le général, en ajustant le détail aux nouveaux développements de l'oeuvre pendant la guerre.
À cet égard, le Cahier 57 (B.N., N. a. fr. 16697) est un témoin très intéressant de la genèse proustienne. Il contient une rédaction de « l'Adoration perpétuelle » et du «Bal de têtes» qu'on date de 1911, suite du Cahier 58 (1910). Celle-ci n'est pas une origine absolue : Proust a rédigé auparavant la version du Cahier 51, les notes du Carnet 1, les feuillets de critique et d'esthétique de son Contre Sainte‑Beuve. Mais elle est un nouveau point de départ : la version de cette « Matinée chez la princesse de Guermantes » prête en 1911, est retravaillée, abondamment annotée entre 1913 et 1916 / 1917, avant que Proust ne se mette à la rédaction du Temps retrouvé dans les Cahiers XV à XX.
Le Cahier 57, avec ses pages rédigées et ses notes forme ainsi une étape importante dans la série des états du Temps retrouvé  (plus précisément, des deux dernières parties du texte publié sous ce titre). Il fournit d'ailleurs une bonne part des « esquisses » du tome IV de la nouvelle « Pléiade », qui regroupe par unités thématiques des fragments séparés du Cahier 57. L'on ne saurait toutefois considérer ces documents de rédaction comme relevant d'un processus de genèse linéaire : c'est le regard rétrospectif du lecteur qui décide l'appropriation à la version publiée de notes qui, au moment de leur rédaction, sont écrites dans la discontinuité, en provision de l'oeuvre à venir. Notre propos ici sera, en contrepoint,  l'organisation des notes dans le Cahier 57, dans leur autonomie textuelle, indépendamment de leur devenir dans le futur Temps retrouvé.

Les notes du Cahier 57

Le cahier 57 est un cahier de moleskine noire, provenant de la série des premiers cahiers de la Recherche, dont Céleste Albaret dit avoir brûlé une trentaine en 1917, sur l'ordre de Proust, sans doute parce qu'ils correspondaient à un texte déjà publié, ou dactylographié9. Ce cahier comprend sur les pages de droite (rectos) une version du Temps retrouvé (1911), et, en marge des rectos, et sur les pages de gauche (versos), des notes en ajout (1913‑1916 / 17). H. Bonnet et B. Brun, dans leur très belle édition de ce cahier, ont pris le parti de transcrire à part l'état de 1911 et les notes ajoutées, en accrochant toutefois en note du texte de 1911 certaines annotations de Proust qui s'y rattachent directement. Qu'est-ce qui caractérise ces notes ?
D'abord leur place, aux bords de la version rédigée, en marge et sur les versos du cahier. Mais la marginalité n'est pas le signe d'une  moindre importance. Au contraire, ce sont les notes ajoutées, et l'urgence de dire, soulignée sans arrêt par les « Faute de place je mets ici », qui prennent le devant de la scène de l'écriture :

Image1

En marge du f° 23 v° :

Image2(Transcrit, p. 4010)

Au milieu de la page, en face d'un morceau écrit en marge de la page suivante :

Image3(Transcrit en note p. 341).

La page de notes n'est pas une unité d'écriture. C'est une unité de dispersion, réunissant des morceaux qui forment une syntagmatique discontinue dans un espace qui éclate.
Mais la disposition seule ne fait pas la note. Le texte discontinu est toujours précédé ou accompagné d'une indication de régie qui en définit le statut, lui assigne un lieu (ou un non‑lieu), et le distingue de simples ajouts. F. Callu a souligné la présence grandissante dans les cahiers de Proust, à partir de 1914, des « capital », « capitalissime », etc., précédant ses notes11. Dans le Cahier 57, ces indications sont souvent graphiées d'une grosse écriture, soulignées jusqu'à cinq fois, de sorte qu'à leur valeur de symboles s'ajoute une valeur d'indice (de l'excitation d'écrire) et d'icone (de l'importance).
Ainsi, le f° 39 (une paperole constituée de trois morceaux collés) contient deux fragments en addition précédés de deux mentions superlatives, à quoi s'ajoute en tête une note sur la matérialité même de la paperole :

Image4

(Transcrit p. 372.)12

Proust n'emploie qu'une fois dans le cahier la mention « note » (f° 3), comme titre d'un fragment qui fait retour sur Combray :

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(Transcrit p. 292‑293.)
Une autre fois (f° 25 v°), Proust fait allusion à la possibilité de « mettre en note » un passage de son texte :

Image6

(Transcrit p. 345.)
S'agit‑il véritablement d'un projet de « note » en bas de page ? ou d'une simple notation ? Peu importe, en fait : l'ambiguïté de l'appellation montre bien que la distinction ne fait pas problème, et que le mode d'écriture proustien ne différencie pas le texte et la glose : le texte intègre son commentaire. Au fil de la plume aussi, les indications métalinguistiques se mêlent au discours du narrateur, jusque dans le manuscrit — laissé inachevé — du Temps retrouvé. La solution qu'avait trouvée l'ancienne édition de la Pléiade, pour intégrer les additions et notes sans attaches du manuscrit, était d'ailleurs de les mettre en note de bas de page…
Ce qui fait bondir en revanche l'auteur et le narrateur de la Recherche, c'est la littérature de notation :

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(f° 42 v°, transcrit p. 384)
La note proustienne dans le Cahier 57 n'est que très rarement une simple notation. Elle est un commentaire perpétuel des apparences, une continuelle mise en rapport de l'oeuvre avec elle-même. Elle est à la fois projet, memorandum (penser, ne pas oublier, ajouter pour), tournée vers l'oeuvre à écrire, à finir, et mémoire de l'oeuvre écrite ou projetée (« Quand je parle », « quand je dis », « quand je parlerai »…).

Notes de régie, notes scénariques

Ces notes, pourtant, ne sont pas homogènes. Elles s'échelonnent dans la chronologie, et, sur une même page, les variations graphiques marquent les différences de vitesse d'écriture, d'humeur, de fatigue du scripteur. Certaines se réduisent à un simple commentaire, comme cette indication topographique : « pas là », en marge du f° 13. D'autres se développent en fragments de texte plus ou moins longs, jusqu'à cette spectaculaire paperole de 1m 60, formée aux dires d'H. Bonnet de 10 feuilles de papier à lettres collées les unes aux autres… (f° 56).
Sur une même page, les notes forment des îlots séparés se rapportant à d'autres parties du cahier, ou d'autres moments de l'oeuvre. Mais elles s'étagent aussi en plusieurs niveaux de commentaire.

Ainsi, f° 18 v°, on trouve ce renvoi à la page suivante du cahier :

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mais aussi cette note :

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que commente en marge cette autre note :

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[suit un dessin qui renvoie au f° 21 v°, transcrit p. 328. Voir ici même p. 000].

Le point commun de ces notes c'est, par‑delà leur diversité, leur point de départ métadiscursif, et leur intégration virtuelle à une autre syntagmatique : la note est un énoncé en suspens à fonction de régie, soit pour l'énoncé qu'elle comprend soit pour un autre énoncé. Parmi ces notes de régie, on distinguera les notes scénariques.
On ne connaît pas à ce jour de plan d'ensemble ou de scénarios de la Recherche. Proust a, semble‑t‑il, sa construction en tête — qu'il développe et ajuste en cours d'écriture. En revanche, le Cahier 57 contient quelques notes scénariques qui ont une fonction de prospective et de mise au point. Une note, ancienne, qui figure au verso de la couverture (f° 1 v°), propose ce schéma narratif de la fin du roman :

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(Transcrit p. 287‑288).
À ce moment de la rédaction, Proust hésite encore sur l'organisation de la fin. Le scénario présente cependant des traits qui demeureront. Le temps retrouvé y est défini comme une révélation esthétique (« l'esthétique dans le buffet », ou « l'Adoration perpétuelle »), indissolublement liée à la perception d'une «créature soumise au temps» et à la découverte du « Bal de têtes ». D'autre part, le style nominal du scénario et la rédaction au passé s'enchaînent avec aisance comme si l'écriture proustienne intégrait la logique argumentative et narrative, sans distinction de nature entre le scénarique et le scriptural, non plus qu'entre la composition (dispositio) et le style (elocutio). Enfin, l'enchaînement narratif y est clairement gouverné par la perspective argumentative, qui intègre la métaphore finale des béquilles du temps : la relation analogique fait partie de l'argumentation.
La phrase chez Proust est une unité de compréhension, et d'argumentation : c'est ce que montre encore cet autre fragment scénarique, qui pense à la fois la composition du « chapitre » et l'unité de l'énumération :

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(f 13 v°, transcrit p. 318‑319)13.

Métadiscursivités

Le caractère métadiscursif des notes prend ainsi des figures diverses. Elles portent trace en particulier d'une relecture (immédiate, ou postérieure) qui instaure un dialogue interne à l'écriture, jugeant, évaluant l'écrit : « capital », « important » (le souligné joue aussi ce rôle), « douteux »…, mais avertissant aussi pour l'avenir le futur scripteur‑relecteur, des pièges à éviter : ne pas oublier, attention, cela n'a rien à voir avec ce qui suit… Elles portent aussi trace d'une modalisation essentielle (« peut‑être », « je pourrai, si je veux », « sans doute ? ») qui pose d'emblée l'énoncé de la note comme l'inscription des virtualités infinies de l'écriture. Le plaisir de la note, on le sent bien, est dans cette liberté du texte qui s'écrit momentanément et pose les possibles d'un texte à venir. F° 13 v° :

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(Transcrit p. 317-318)
Dans cet exemple, comme ailleurs, la question du référent est tout‑à‑fait seconde. Elle n'intervient qu'après la construction du projet, comme une référence à vérifier, en cours de projet, un blanc à compléter par un exemple typique (« mettre un sur l'art ») ou bien comme un support de l'imagination (« si je veux me remettre dans cet état d'esprit c'est le début de St Marks Rest qui m'a fait revoir Venise »).
La note donne à lire des virtualités du dire, des mondes possibles de l'écriture. « Quand je parle » ou « quand je parlerai » fait référence à une mémoire plus ou moins précise du texte, pour un avenir encore indéterminé de l'écriture14. Elle prévoit d'insérer l'ajout à un point du récit déjà rédigé ou projeté, comme au f° 17 v° :

Image14

(Transcrit p. 326).
Mais le futur ne désigne pas tant la temporalité de l'écriture que la logique interne de l'œuvre : dire en son temps, c'est dire à sa place, dans une construction qui est à la fois totalement déterminée et dogmatique, et sans cesse remaniée.

La démonstration

Certaines notes assurent la cohésion de l'oeuvre, en rappelant le passé, faisant souvenir d'un détail ancien qui prend un jour nouveau :

Image15(F° 15 v°, transcrit p. 322)

La visée démonstrative se révèle aussi dans l'hésitation à placer un fragment. Après tel long développement sur la société, Proust remarque :

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(F° 56 v°, transcrit p. 433)

Le texte de la paperole f° 44 est précédé par cette indication de régie qui pense ensemble la gestion du fragment et le détail de sa rédaction :15

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Et l'on trouve, de plus, intercalée après les deux points cette remarque, qui porte sur l'exemplarité du récit :16

Image18

La même relation du général au particulier conduit à considérer la métamorphose de M. de Cambremer comme un exemple interchangeable (f° 4 v°) . En marge de ce passage :

Image19(Transcrit p. 298-299)17

Proust ne manque pas d'écrire :

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L'utopie de l'oeuvre

La note énonce le projet, mais elle peut aussi dans le cours même de la phrase en suspendre l'existence (« quand je parle de François le Champi si j'en parle »), ou du moins en problématiser le lieu d'apparition. Souvent, la référence se fait vague : « quelque part » (« mettre qq. part (pas là)», f° 10 v°, « Q.Q. part dans ce chapitre (ou ailleurs !), f° 71 v°), « à un de ces endroits » ( f° 55 v°). La note indique un lieu qui est un non‑lieu, celui de l'utopie. Non que Proust n'envisage de finir. Mais l'oeuvre n'est pas encore fixée. Sa publication est encore un horizon mouvant, et l'écriture de la note vaut aussi pour elle‑même, pour le plaisir de dire, de ne pas oublier de dire : c'est un fragment de texte en vacance, qui n'a encore de lieu nulle part, même s'il mobilise une mémoire du tout.
Les termes qui désignent l'espace de l'oeuvre (cahier, volume, chapitre) sont d'ailleurs d'emploi ambigu. Tantôt le cahier est traité comme une unité matérielle : le dessin du f° 18 v° renvoie le lecteur deux versos plus loin,  une note en marge du f° 74 v° au crayon rouge indique comme suite de la page : « Voir dans le cahier jaune glissant ». Tantôt « cahier », « chapitre », et « volume » visent l'espace matériel et idéel de l'oeuvre (son unité de construction). La tension entre les désignations se lit dans la rature de cette note que nous avons déjà lue :

Image21(F° 18 v°, transcrit p. 328).

Ailleurs, «volume» recouvre la division de l'œuvre :

Image22(F° 41 v°, transcrit p. 381‑382.)

comme le mot « chapitre » :

Image23(F° 18 v°, transcrit p. 328)

Enfin, « cahier » introduit une autre ambiguïté portant sur l'espace de l'écriture. « Ce dernier cahier », ou « ce cahier‑ci » :

Image24(F° 38 v°, transcrit p. 371).

Image25(F° 51 v°, transcrit p. 412)

nous renvoient indissociablement à l'espace concret du Cahier 57, et à l'espace virtuel du manuscrit à rédiger pour Le Temps retrouvé.

Effets de miroir

L'on songe alors à la question du Livre à faire, telle que la pose le narrateur dans Le Temps retrouvé, telle aussi qu'elle apparaît dans trois notes marginales du Cahier 57, f° 13 :

Image26(F° 13, fragments transcrits p. 316)

La coïncidence entre le livre concret et l'absolu représenté dans le livre de Proust prend ici une densité plus forte encore que dans la version du Temps retrouvé, où il reste malgré tout un jeu entre le livre écrit et le livre à faire18. Le futur du Livre tend à désigner l'absolu en point de fuite du livre à faire à partir des notes déjà rédigées. Et si l'on va voir le manuscrit du Temps retrouvé, l'on s'aperçoit que le passage sur les paperoles de Françoise, avec toutes les métaphores du Livre à faire, se trouve lui‑même, on aurait pu le deviner, sur une paperole… Enfin, une autre question proche se trouve  à la fois reformulée par ces notes et figurée, c'est celle du sujet de l'énonciation et du sujet biographique. La narratologie nous a appris à ne pas confondre l'auteur, le narrateur et le personnage : « je » dans la Recherche désigne en effet à la fois le narrateur, sujet de l'énonciation et le personnage, sujet de l'énoncé (qui recouvre, on le sait deux instances : celle du dormeur éveillé qui se souvient, et celle du personnage dont il se souvient). Quant à l'auteur, Marcel Proust, il reste dans l'ombre, bien qu'il joue constamment, et de plus en plus au fil du récit, avec les référents biographiques et le miroir autobiographique. Les notes déplacent cette distinction. D'abord parce que le « je » du scripteur aplatit la distinction entre auteur et narrateur, et que l'on passe sans transition du  sujet de l'écriture au sujet de l'énoncé‑personnage. Aussi, parce que le statut textuel et énonciatif de ces fragments discontinus reste souvent en suspens, abolissant la frontière entre le biographique et le textuel. Il en était déjà ainsi dans le Carnet 1, étudié par Antoine Compagnon19, des récits de rêves. Indépendamment même de leur devenir dans la Recherche, ces fragments forment une séquence au statut textuel indéterminé, qui neutralise l'opposition entre le récit biographique et  le texte littéraire.
Une note du Cahier 57 va dans le même sens. C'est un dialogue, précédé de la mention « q.q. part » :

Image27(F° 40 v°, transcrit p. 380)

Nous sommes dans un monde qui n'est ni celui, biographique, du journal intime, ni celui de la fiction pure, mais un entre‑deux : un monde du jeu avec le réel, avec le texte, et avec le sujet de l'écriture.
Les notes du Cahier 57 donnent une image de l'écriture proustienne — d'un mode de composition qui allie l'extrême construction et la mobilité. Comme les digressions du récit, les notes pour le Temps retrouvé servent à inscrire l'esthétique dans la fiction, mais elles ont aussi cette liberté d'un fragment en acte, dont le devenir est encore suspendu.
Miroirs de l'écriture, elles le sont encore par la façon dont elles intègrent en incipit ou au fil de la plume le commentaire du scripteur, ce « commentaire perpétuel », cette traduction que le narrateur de la Recherche apporte sans cesse au jeu des apparences, et dont on a vu que le traducteur de Ruskin revendiquait pour sa part aussi, dans ses notes imprimées, la liberté.
Enfin, l'énonciation incertaine, et la discontinuité du sujet scripteur, dialoguant avec l'écrivain qu'il sera, mettent en abyme le sujet de la Recherche. Comme l'écrit Leo Bersani à propos du texte publié, « évoquer le passé devient pour Marcel prétexte à inventer de multiples versions de ce passé, à confirmer, par là même, non pas la "permanence" d'un sujet "identique", mais la vigueur d'un sujet en train de se faire. »20 « Vigueur » est peut-être excessif. Il n'en reste pas moins que ces notes figurent l'image d'un sujet dont l'identité se construit dans l'assemblage de l'oeuvre — une oeuvre dont l'une des qualités est — heureusement pour nous — son défaut de ligne droite.

1 Article «Note» du Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 1992.

2 Voir Gérard Genette, Seuils, Éd. du Seuil, 1987, p. 293‑315..

3   Voir en particulier l'édition des Carnets de travail de Flaubert, par Pierre‑Marc de Biasi (Balland, 1988) et celle des Carnets d'enquête de Zola, par Henri Mitterand (Plon, «Terre humaine» 1986, repris en «Presses Pocket»). Sur les carnets d'écrivains, citons deux recueils d'études importants : le n° 80 de Littérature, «Carnets, cahiers» (déc. 1990), et Carnets d'écrivains 1, Éd. du CNRS, coll. «Textes et manuscrits», 1990. Sur l'écriture des notes, voir aussi l'article, plus général, de Jacques Neefs, « Objets intellectuels », dans Les Manuscrits des écrivains, CNRS éd.‑Hachette, 1993, p. 102‑119.

4 Seule l'annotation des Carnets de travail de Flaubert permet de comprendre les énoncés souvent elliptiques des notes de Flaubert, d'identifier et de situer dans le XIXesiècle les nombreuses références de l'écrivain. En contraste, l'édition du Carnet de 1908 (Carnet 1) de Proust par Philippe Kolb laisse trop d'allusions et de références sans écho.

5  Selon la typologie proposée par Louis Hay («L'amont de l'écriture», dans Carnets d'écrivains 1, op. cit., p. 9‑22).

Sur les carnets de Proust, on pourra se reporter à la présentation et à l'étude d'Antoine Compagnon, « Disproportion de Proust : les carnets de la Recherche », dans Carnets d'écrivains, op. cit., p. 151‑176.

6 Sur les notes et marginalia de Proust, voir l'excellent article d'Eugène Nicole « L'auteur dans ses brouillons : marginalia des cahiers de Proust », Bulletin Marcel Proust, n° 39, 1989, p. 60‑67.

7 Voir à ce sujet l'article de Luc Fraisse, « Méthode de composition : Marcel Proust lecteur d'Edgar Poe», dans Marcel Proust 1, « La Revue des  Lettres Modernes», Minard, 1992, p. 35‑82.

8  Voir l'introduction de Bernard Brun à son édition du Temps retrouvé, « GF », Flammarion, 1986. Voir aussi la préface d’Eugène Nicole à  son édition du Livre de Poche (1993).

9 Voir l'introduction d'Henri Bonnet aux Cahiers 58 et 57 dans Matinée chez la Princesse de Guermantes. Cahiers du Temps retrouvé, éd. en collaboration avec Bernard Brun, Gallimard, 1982, p. 83‑111.

10 Les pages renvoient à la transcription du Cahier 57 dans matinée chez la Princesse de Guermantes, éd. cit. Sauf exception très locale, je ne fais pas mention des ratures, citées en note dans l'édition d'H. Bonnet et B. Brun. Par ailleurs, ma transcription des notes diffère de celle d'H. Bonnet et B. Brun sur quelques points de détail.

11 Florence Callu, « "Capital, capitalissime". Un mode de composition chez Marcel Proust », dans Leçons d'écriture. Ce que disent les manuscrits, Minard, 1985, p. 79‑90.

12 On trouve d'autres beaux superlatifs : « Capitalissime, issime, issime de peut‑être le plus de tte l'œuvre […] » (f° 19v°, transcrit p. 331) et « [Ca]pitalissississimeissime» (f° 73 v°, transcrit p. 229).

13  On peut y ajouter cette note sur le bal qui prévoit une comparaison «dans une seule gde phrase» : «Je pourrai ( peut-être comparer aussi, et alors dans une seule gde phrase : un bal costumé un rêve) cette fête à un rêve où les gens que l'on voit ne sont pas pareils à ce qu'on se rappelait d'eux malgré certaines analogies. Comme dans un rêve je demandais mais qui est-ce donc […]» ( f° 52 v°, transcrit p. 416).

14  Voir aussi ce début de note (f° 9 v°) : « Quand je parle de la sensation des dalles de Venise, de la cuiller et du plaisir que cela me cause autour duquel je voudrais arranger ma vie maintenant (si je ne l'ai pas dit le dire — ce que je viens de dire car pour ce qui suit je suis sûr que je ne l'ai pas dit)[…]». (Transcrit p. 308).

15 « capital » est souligné 5 fois.

16 Proust a souligné au crayon bleu les mots suivants du texte : « Un temps à Balbec, ou au Bois de Boulogne, un certain banquier mulâtre, Gilberte, Gisèle, Mlle de Silaria » (éd. H. Bonnet‑ B. Brun, p. 388, n. 2).

17 Souligné 3 fois.

18  Voir ce propos de Nabokov : «Le livre que le narrateur du livre de Proust est censé écrire est toujours un livre‑à‑l'intérieur‑du‑livre», Littératures 1, trad. fr. 1983, Le Livre de Poche, «Biblio essais», p. 292.

19  Antoine Compagnon, « Disproportion de Proust : les carnets de la Recherche », art. cit.

20 Leo Bersani, « Le réalisme et la peur du désir », article repris dans Littérature et réalité, Éd. du Seuil, «Points», 1982, p. 80.