Refouler, réprimer, condamner : modes d’action de la censure psychique

Pour celui qui en subit l’effet, la censure, au sens où ce mot est employé dans le langage courant, est une action négative : le censeur, délégué par une institution religieuse, politique, commerciale, ou représentant d’une instance sociale, morale, intellectuelle, réprouve ce qu’il dit et l’empêche de le dire. Dans la perspective psychanalytique, le terme désigne la même action, à ceci près que le censeur et le censuré habitent, cette fois, la même personne – il s’agit, en fait, d’autocensure – , les deux œuvrant dans son intérêt. D’où un aspect positif de la censure : elle est un moyen de défense qui vise à éviter des conflits intrapsychiques, en éliminant de notre conscient des idées que celui‑ci ne tolérerait pas. Seulement, éviter un conflit, ce n’est pas le résoudre. Les idées censurées persistent, s’efforcent de revenir dans le conscient, et les maintenir à distance implique non seulement une dépense d’énergie, mais aussi l’incapacité du sujet de disposer librement de ses ressources. D’où l’aspect négatif de la censure psychique : c’est une défense onéreuse.
Cette censure s’exerce, principalement, sur deux modes : par le refoulement, opération inconsciente qui repousse les idées indésirables dans l’inconscient où elles devraient rester coupées du conscient, et par la répression, opération consciente ou préconsciente qui déplace seulement ces idées dans le préconscient d’où elles peuvent revenir sans trop de difficultés dans le conscient. Mais cette différence, établie par la théorie, tend à s’estomper dans la vie psychique parce que la répression, qui concerne souvent un rejeton, une représentation méconnaissable pour le conscient, d’une idée inconsciente, cède la place au refoulement dès que cette idée risque de devenir reconnaissable. Quant au jugement de condamnation, il diffère radicalement de ces deux modes de la censure, du fait qu’il n’expulse pas du conscient l’idée réprouvée – aussi n’est‑il pas considéré, d’habitude, comme relevant de la censure – , mais conduit à renoncer à cette idée par choix délibéré.
Ces trois opérations participent à la genèse de l’œuvre littéraire. La répression et le jugement de condamnation se laissent lire aisément à travers les corrections du texte. Le refoulement, en revanche, est plus difficile à déceler, non seulement parce qu’il s’opère par interventions inconscientes, mais, surtout, parce qu’il a lieu, pour une grande part, avant la mise en texte de l’œuvre.
Toutefois, l’action de cette censure antérieure à l’écriture, essentielle pour la création, se laisse reconstituer à partir de l’analyse des textes. Elle concerne, tout d’abord, un matériau datant de la petite enfance, énigmatique parce qu’il n’a jamais fait l’objet d’une prise de conscience, mais qui, pour cette raison même, demande d’une façon pressante à être représenté : mettre des mots sur l’énigme, c’est espérer trouver le mot de l’énigme. Tous, nous sommes harcelés par cet espoir inconscient. Pour un écrivain, il est invitation à créer.

Intervention de la censure avant la mise en écriture du matériel : le refoulement du fantasme fondateur de l’œuvre de Maupassant

À un premier degré, les représentations du matériau primitif inconscient sont elles‑mêmes inconscientes. Parmi elles, l’une des plus importantes est l’histoire qu’un auteur répète, à son insu, dans chacun de ses récits. Soit l’exemple de Maupassant. Son œuvre romanesque, composée de plus de trois cents récits, se fonde sur cet unique schéma narratif : on est enfermé dans une clôture tolérable ; on désire en sortir ; la sortie est autorisée, mais l’autorisation se révèle fallacieuse : dans l’espace ouvert, un incident survient, provoquant le retour dans la clôture, plus étroite qu’auparavant, souvent intolérable et mortelle1. Si ce schéma reste occulté aussi bien pour le lecteur que pour l’auteur lui‑même, c’est qu’il est recouvert d’élaborations ultérieures, qui varient de récit en récit. En voici l’interprétation, schématique à son tour. La clôture initiale correspond au corps maternel ; on est autorisé à en sortir : à naître ; mais l’autorisation est fallacieuse parce que tout ce qui vit est voué à la mort ; quel que soit l’incident qui survient dans l’espace extra‑utérin, sa conséquence est la mort, représentée comme retour dans le corps maternel. C’est la même fatalité qui régit toute l’œuvre de Maupassant : celle qui a donné la vie, la reprendra. Sévèrement censuré, ce fantasme fondateur de l’œuvre est, de plus, irreprésentable tel qu’en lui‑même, à cause de sa nature archaïque : la mère utérine, un corps, un milieu biologique qui entoure l’enfant, est une imago sans frontières, sans contours, sans visage. Son omniprésence dans l’œuvre ne peut être indiquée que par divers représentants, mots et images, dont le sens – le rapport avec l’objet représenté – reste refoulé, méconnaissable pour le conscient. Comme illustration, j’évoquerai ici un seul groupe de ces représentants, ceux qui se rattachent à la mort. Chez Maupassant, ce n’est qu’exceptionnellement que la mort est provoquée par un instrument pénétrant ou tranchant. En règle générale, on meurt par strangulation, noyade, étouffement, écrasement, genres de mort qui s’associent à l’appareil maternel : on meurt étranglé par le cordon ombilical, noyé dans les eaux amniotiques, étouffé, écrasé par le col ou les parois de l’utérus. La mort, en somme, est le négatif de la naissance.
Cette fantasmatique de la matrice meurtrière est d’autant plus redoutable qu’elle véhicule une angoisse psychotique. La personnalité de Maupassant est marquée, en effet, par la disposition à la psychose. Son évolution psychique est restée inachevée, elle s’est arrêtée au seuil du complexe d’Œdipe – celui‑ci a été entrevu, mais le sujet ne s’y est pas engagé : si les relations triangulaires abondent dans l’œuvre, la castration y est absente – , d’où l’extrême fragilité des structures psychiques et, partant, la menace d’effondrement qui pèse sur la personnalité. C’est cette menace de déstructuration, de régression dans cet état où les structures n’existaient pas encore que fut la symbiose avec la mère, que répète, dans chaque récit, le fantasme du retour dans le corps maternel mortifère. Un fantasme que la censure refoule avant l’écriture du récit, avant que la mise en mots ne risque d’amorcer une prise de conscience. Essentielle dans la genèse de l’œuvre, c’est cette censure première qui oblige Maupassant à inventer plus de trois cents variations sur la même histoire occultée.

Intervention de la censure dans l’écriture
Exemple I. Élimination de représentants majeurs du fantasme fondateur

La censure n’empêche pas Maupassant de représenter, en toute conscience, des accouchements et des naissances difficiles. Mais il le fait, dans la plupart des cas, par des évocations sobres et rapides qui ne font pas appel au fantasme angoissant. Une vie constitue à cet égard une exception. Mais aussi, par l’histoire de sa genèse et par la consistance du dossier génétique parvenu jusqu’à nous, ce roman est‑il une exception dans l’œuvre de Maupassant.

En règle générale, en effet, les dossiers génétiques de Maupassant se réduisent à peu d’éléments. Comme il ne se souciait guère de conserver ses manuscrits, à de très rares exceptions près, nous ne connaissons que ceux qui, ayant servi pour l’impression, lui ont été restitués par l’éditeur. Ce qui fut le cas pour les romans. Quant aux manuscrits des contes, il en a laissé détruire la plupart par l’imprimerie des journaux. L’état suivant, pour la grande majorité des récits, est la publication dans la presse périodique, dont le texte, corrigé souvent, sera publié ensuite en librairie. La grande majorité des contes a paru à plusieurs reprises – certains jusqu’à dix fois – dans les journaux et les revues, avant et après la parution en volume, et, comme Maupassant ne prenait pas la peine de les corriger, ses textes, de son vivant déjà, commencèrent à se détériorer.
Une vie constitue un cas à part. C’est son premier roman, qu’il commence à écrire en 1877, sous le regard de Flaubert. Le composition est lente et difficile, l’expérience manque au jeune auteur, et le travail de l’employé du ministère empêche d’avancer le travail de l’écrivain. En 1879, il abandonne son roman pour préparer le recueil Des vers et écrire Boule de suif, les deux publiés l’année suivante, et il ne le reprendra, probablement, qu’au printemps de 1881, un an – un an de deuil – après la mort de Flaubert. Le brouillon est achevé en 1882, la publication en feuilleton, dans Gil Blas, commence en février 1883, et sera suivie de près de la publication en librairie. Aucune autre œuvre de Maupassant n’a eu une genèse aussi laborieuse, et d’aucune autre nous ne connaissons autant d’états. C’est l’élaboration de deux passages de ce roman que je propose de présenter ici. Chacun traite d’un accouchement, le premier de celui de Rosalie, la servante, le second de celui de Jeanne, l’héroïne.

Accouchement de Rosalie, manuscrit Fontaine2 :

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Manuscrit Blaizot3 :

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Feuilleton du Gil Blas4 :

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Edition originale5 :

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Dans le manuscrit Fontaine, les ratures s’accumulent. Les mots rayés expriment les sons par lesquels se manifestent les dangers encourus par l’enfant lors de la naissance. Sept expressions rayées renvoient à l’eau, au danger de la noyade : « gargouillement », « gargarisme », « glouglous », « air qu’on insuffle sous l’eau », « bouillonnement », « gorge obstruée qui crache », « clapotis ». Huit expressions renvoient au danger de l’étouffement : « respiration suffoquée », « aspiration étouffée », « étranglement suffoqués », « toux », « éternuement », « sifflement », « soupir », « souffle ». Plusieurs de ces expressions sont répétées, recombinées entre elles, rayées à nouveau, puis certaines seront, finalement, conservées.
Distinguer dans ces corrections le travail de la répression et celui du refoulement me semble impossible. S’il est évident, du fait même qu’elle s’exerce par écrit, que la censure intervient sur le mode préconscient, c’est‑à‑dire par répression, il n’est pas moins certain que le refoulement aussi est actif dans l’écriture de ce passage. En effet, une telle accumulation de ratures répétitives est exceptionnelle dans les manuscrits de Maupassant – d’habitude, ses corrections sont nettes, elles procèdent de choix déterminés – , même dans le manuscrit Fontaine qui est un des rares brouillons conservés. Or ce foisonnement de corrections hésitantes, rattachées au fantasme redoutable de la naissance mortifère, semble refléter un double mouvement : un représentant par trop éloquent du fantasme inconscient s’introduit dans le conscient, mais la censure tente aussitôt de le refouler. Puis, comme le refoulement ne réussit pas, le mouvement se répète, jusqu’au moment où la répression prend le relais et conduit, enfin, à un choix.
Dans les états ultérieurs du texte, la sélection se montre de plus en plus sévère. Dans le manuscrit Blaizot, des sept représentants de la noyade du manuscrit Fontaine deux seulement réapparaissent (« clapotement », « gargouillement »), de même que des huit représentants de l’étouffement ne subsisteront que deux (« gorge étranglée », « suffoque »). S’y introduit, en revanche, une expression qui était absente dans le brouillon : « un souffle de pompe détraquée ». Gardée dans Gil Blas, elle sera éliminée de l’édition originale. Cette image d’une mécanique devait servir, peut‑être, pour mettre à distance le fantasme corporel, mais, étrangère aux images organiques dominantes, elle a pu apparaître comme discordante. Dans ce cas, son élimination résulte d’un jugement de condamnation. En même temps, le terme « détraquée » a pu être perçu comme l’évocation d’une infirmité, conséquence directe de l’accouchement. Son élimination, dans ce cas, correspond à un refoulement. Autre exemple du même type : la dernière phrase du passage, « Et un flot de liquide s’épandait sous les jupons jusqu’aux pieds de la femme étendue », est aussi éliminée de l’édition originale, peut‑être parce qu’elle est indécente, peut‑être parce que le danger de noyade ayant été sensiblement atténué dans ce dernier état, l’évocation des eaux maternelles est désormais inutile.
Ce sont les mêmes tendances qui se laissent déceler dans les réélaborations du passage traitant de la naissance de l’enfant de Jeanne.

Manuscrit Hennique6 :

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Manuscrit Blaizot7 :

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Les textes du Gil Blas  et de l’édition originale sont identiques au texte corrigé du manuscrit Blaizot.
Cette fois, les hésitations du brouillon portent surtout sur le statut du nouveau‑né : « larve », « avorton », « animal », ce n’est pas un être humain à part entière. Finalement, les termes « larve » et « avorton » seront gardés, les deux exprimant l’inachèvement de l’enfant qui, à sa naissance, n’est pas encore complètement séparé de la mère. Dans le manuscrit Blaizot s’introduit une expression qui sera aussitôt supprimée : « un morceau d’être ». À première vue, ce n’est pas une qualification plus grave qu’« avorton ». Si, pourtant, la censure doit intervenir d’urgence, c’est que « morceau » implique l’inachèvement définitif de l’enfant, son appartenance éternelle à l’« être » qu’est le corps maternel. Une autre hésitation du manuscrit Hennique concerne le mot « renouée » qui, dans le contexte du roman, se rapporte à la vie de Jeanne dont le fil, déchiré par la découverte de l’adultère de son mari, se trouve renoué par la naissance de son fils. Si ce mot disparaît des états ultérieurs, c’est que, tout porte à le croire, il renvoie trop clairement au cordon ombilical, au lien meurtrier par lequel l’enfant est noué à la mère. A moins que ce ne soit dans l’intérêt de la clarté du texte que Maupassant élimine, consciemment, l’allusion à la déchirure, un événement qui lui semble trop lointain. Mais les deux motivations ne s’excluent pas, au contraire, il est fort probable qu’ils agissent de concert.
Là encore, il serait difficile de faire la part avec netteté des interventions du conscient et de l’inconscient. Mais aussi, pour la connaissance de la genèse de l’œuvre, importe‑t‑il peu de distinguer les différentes opérations de la censure psychique. L’essentiel est que ces opérations peuvent intervenir conjointement, que le refoulement peut être prolongé et renforcé par la répression, leur but commun étant d’occulter le plus possible un fantasme inconscient menaçant.
Il arrive, toutefois, que l’efficacité de ces opérations, aussi complexe qu’elles soient, semble douteuse. Dans En canot, récit recueilli sous le titre de Sur l’eau, un canotier raconte son aventure la plus étrange sur la Seine. De la chambre qu’il louait au bord de la rivière, il sortait, chaque matin, pour canoter et il y rentrait chaque soir. Une fois, par extraordinaire, il arrêta le canot au retour pour fumer une pipe, et, lorsqu’il voulut repartir, il ne put lever l’ancre parce qu’elle était tombée, comme il allait l’apprendre à l’aube d’une nuit de cauchemars passée sur l’eau, dans le cadavre d’une vieille femme. On aura reconnu le schéma de base : clôture initiale tolérable ; sortie autorisée ; incident dans l’espace ouvert, provoquant l’immobilisation dans une clôture associée à la mort. Se laisse déceler aussi le fantasme de la naissance meurtrière : lien indétachable d’avec la mère, danger de se noyer dans les eaux amniotiques. Dans le manuscrit, la clôture initiale, le logement du canotier, est appelée d’abord la maison de la veuve Poulin, puis Maupassant raye ce nom pour y substituer Lafon ; dans l’édition originale, la logeuse s’appellera « la mère Lafon »8. Ce changement est certainement l’effet d’une auto‑censure consciente : il existait à l’époque, au bord de la Seine, une « Auberge de la veuve Poulin ». Seulement, dans Une famille, une mère de cinq enfants, « la machine de chair qui procrée », est qualifiée de « poulinière »9, et l’on sait aussi que Mme de Maupassant aimait rappeler la grande liberté qu’elle avait laissée à son enfant, lui permettant de gambader dans les pâturages normands comme « un poulain échappé ». Il est donc fort probable que le refoulement aussi est intervenu pour éliminer Poulin du manuscrit. Seulement, Lafon, c’est le fond au féminin : « la mère Lafon », c’est la mère au fond de la Seine, qui attire le canotier dans ses eaux perfides. Si, pourtant, ce nom passe la censure, c’est que son sens ne se laisse pas déchiffrer à première vue. Il n’en reste pas moins qu’il représente le même refoulé que Poulin.

Intervention de la censure dans l’écriture
Exemple II. Corriger le délire

Dans Le Horla, le matériel archaïque apparaît presque à nu. Au centre du récit se trouve une hallucination négative, la disparition du reflet dans le miroir. Probablement vécu par Maupassant, c’est un incident psychotique : pour un moment, le temps d’une « éclipse10 », le moi disparaît, l’identité du sujet est supprimée. Dans un effort pour maîtriser cette intrusion de la menace psychotique dans le conscient, Maupassant l’a sertie et recouverte de mots à trois reprises, dans Lettre d’un fou (1885), dans le premier et le second Horla (1886, 1887), l’insérant dans un récit de plus en plus élaboré. La censure, plus faible, certes, que dans d’autres œuvres, tente, là aussi, d’éloigner le fantasme inconscient.
Dans les trois versions, la scène du miroir se répète presque à l’identique. Aussi convient‑il d’accorder une grande importance aux infimes variantes.
Lettre d’un fou :

Je me dressai en me tournant si vite que je faillis tomber. On y voyait comme en plein jour, et je ne me vis pas dans la glace ! Elle était vide, claire, pleine de lumière. Je n’étais pas dedans, et j’étais en face, cependant. Je la regardais avec des yeux affolés. Je n’osais pas aller vers elle, sentant bien qu’il était entre nous, lui, l’Invisible, et qu’il me cachait11.

Le Horla, première version :

Je me dressai, en me tournant si vite que je faillis tomber. Eh bien … on y voyait comme en plein jour … et je ne me vis pas dans ma glace ! Elle était vide, claire, pleine de lumière. Mon image n’était pas dedans … Et j’étais en face … Je voyais le grand verre limpide, de haut en bas ! Et je regardais cela avec des yeux affolés, et je n’osais plus avancer, sentant bien qu’il se trouvait entre nous, lui, et qu’il m’échapperait encore, mais que son corps imperceptible avait absorbé mon reflet12.

Le Horla, seconde version :

Je me dressai, les mains tendues, en me tournant si vite que je faillis tomber. Eh ! bien ? … on y voyait comme en plein jour, et je ne me vis pas dans ma glace ! … Elle était vide, claire, profonde, pleine de lumière ! Mon image n’était pas dedans … et j’étais en face, moi ! Je voyais le grand verre limpide de haut en bas. Et je regardais cela avec des yeux affolés ; et je n’osais plus avancer, je n’osais plus faire un mouvement, sentant bien pourtant qu’il était là, mais qu’il m’échapperait encore, lui dont le corps imperceptible avait dévoré mon reflet13.

Dans Lettre d’un fou, l’absence du reflet est indiquée par cette phrase : « Je n’étais pas dedans, et j’étais en face, cependant. » Je n’étais pas / j’étais : la présence du sujet est niée et affirmée en même temps. C’est certainement cette formulation qui est la plus proche du vécu délirant, puisque l’inconscient, qui ignore la contradiction, admet la négation et l’affirmation simultanées du même fait. Dans le premier Horla, la censure corrige cette représentation trop directe : « Mon image n’était pas dedans … Et j’étais en face … » Le sujet des deux phrases n’est plus le même, la contradiction est supprimée. Du coup, le danger est atténué : ce n’est pas le moi qui est absent, anéanti, mais seulement son image. Le texte du second Horla insiste sur cette différence : « Mon image n’était pas dedans … et j’étais en face, moi ! » Celui qui est là, c’est bien moi, mon image a beau être supprimée, moi, je continue d’exister. D’un version à l’autre, la description s’étoffe de plus en plus, et ce changement renforce, à son tour, l’affirmation de l’existence du moi.
Le fantasme inconscient que manifeste l’hallucination de l’absence du reflet est la régression dans l’état de symbiose avec le corps maternel : « le corps imperceptible » qui supprime le moi est la mère sans contours, sans visage, de la période intra‑utérine – l’image du sujet émergera, par la suite, comme de l’eau – , une imago irreprésentable telle qu’en elle‑même. Dans Lettre d’un fou, cet être invisible « me cachait ». Dans le premier Horla, son « corps imperceptible avait absorbé mon reflet » : c’est ici, dans la deuxième élaboration, qu’un représentant trop éloquent du fantasme refoulé parvient à faire intrusion dans le texte. Dans le second Horla, la censure corrige : le « corps imperceptible avait dévoré mon reflet ». Absorber renvoie, en effet, à l’union symbiotique, à l’effacement de toute différence entre la mère et l’enfant. Dévorer indique un fantasme plus tardif, relevant de la phase sadique‑orale de l’évolution psychique, où la mère apparaît déjà comme autre. Si, dans le second Horla, l’intervention de la censure n’occulte pas complètement la peur d’être incorporé par la mère, elle atténue cette peur, en indiquant une régression moins archaïque, moins profonde.
La phase sadique‑orale est, en effet, le degré évolutif le plus élevé que le sujet atteint dans cette histoire. L’importance de cette étape est capitale : c’est là que prend fin la relation fusionnelle avec la mère, qui, après la naissance, prolonge sur le mode psychique la relation symbiotique de la période intra‑utérine. En découvrant que la mère n’est pas auprès de lui en permanence, qu’elle ne le nourrit pas d’une façon continue – qu’elle est séparée de lui : autre que lui – , l’enfant fait la première expérience de frustration, et, pour y remédier, il désire prendre en lui le sein maternel pour l’avoir toujours, il veut le vider de son liquide vital. Or, si l’incorporation du sein a pour première visée de le conserver, le fantasme de le vider est aussi sous‑tendu par le désir de le détruire : apparue comme autre, la mère nourricière devient objet d’amour, en même temps que cible des pulsions sadiques. Mais, aussitôt, l’enfant projette son propre désir sadique sur la mère : si je veux le détruire, elle aussi veut me détruire. D’où le cauchemar du héros d’être vampirisé par le Horla.
Manuscrit du second Horla14 :

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Texte imprimé :

Oui, il la puisait dans ma gorge, comme aurait fait une sangsue15.

Peut‑être l’image de l’enfant tétant un sein est‑elle éliminée parce qu’elle paraît indécente, peut‑être parce que la comparaison du Horla à un nourrisson, être innocent selon les conventions, semble incompatible avec la cruauté de l’adversaire invisible. Dans ces cas, la censure s’exerce sur le mode conscient, par jugement de condamnation. Mais les hésitations du manuscrit, en particulier la difficulté d’écrire le mot téter – Maupassant doit s’y prendre par quatre fois – , traduisent l’intervention du refoulement, qui, dans le manuscrit, finit par échouer. En effet, par l’intrusion de l’image du nourrisson dans le texte, le lien se rétablit entre le fantasme conscient de vampirisation et son fondement inconscient, un souvenir refoulé de la petite enfance, qui atteste la projection sur la mère du propre désir sadique de l’enfant. Une émergence si claire dans le conscient du souvenir d’un vécu si précoce est exceptionnelle, et, pour une personnalité psychotique, elle doit être particulièrement inquiétante. Aussi la censure consciente prend‑elle le relais du refoulement défaillant pour ne laisser apparaître dans le texte imprimé que le fantasme de vampirisation : la sangsue suce le sang, liquide vital, certes, mais qui n’est pas le lait. Il n’empêche que, lors de ses visites nocturnes, le Horla videra, sur la table de nuit du héros, les flacons contenant du lait et de l’eau, sans toucher au flacon de vin.
Pour pouvoir tuer le Horla, pour en finir avec le danger de l’anéantissement du moi dans la régression symbiotique, il faut, en effet, qu’il soit autre : que le sujet s’installe solidement tout au moins dans le sadisme oral. Mais cette solidité se révèle illusoire. Le héros enferme le Horla dans sa maison et y met le feu, persuadé que c’est un moyen sûr de le tuer. Seulement, la description de l’incendie est sous‑tendue par le fantasme inconscient d’un accouchement : à la fin du récit, la thématique utérine et, partant, la menace de se confondre avec la mère, se retrouvent au premier plan. Le fantasme de l’accouchement, il est vrai, reste méconnaissable pour le conscient, et, de plus, le héros croit qu’il s’est enfin arraché à la puissance maléfique du Horla. Dans le manuscrit, à la vue de la lumière de l’incendie, il jubile :

[…] il me sembla que le jour se levait, le jour de ma délivrance, l’aurore de ma liberté16. Dans le texte imprimé, les deux dernières propositions sont retranchées : « […] il me sembla que le jour se levait17. » Sur le plan conscient, la joie devant le spectacle d’une destruction pouvait paraître inconvenante, ce qui expliquerait les suppressions. Mais il n’est pas moins probable que celles‑ci soient dues à la censure inconsciente qui a commandé d’éliminer du texte définitif le mot de délivrance, représentant trop clair du fantasme de l’accouchement.

Intervention de la censure dans l’écriture
Exemple III. Recouvrement d’un matériel intolérable par un fantasme anodin

Les interventions directes de la censure, effectuées par des corrections immédiatement lisibles, sont, en fait, très rares dans les textes de Maupassant. Le moyen principal d’occulter le matériel archaïque est d’y superposer des fantasmes plus tardifs, le plus souvent d’ordre sexuel. Là encore, c’est la censure inconsciente qui agit, et son action a lieu, sauf exception, pendant l’étape de la genèse qui précède l’écriture. Quelquefois, pourtant, le recouvrement de la thématique archaïque par la sexuelle se laisse non seulement reconstituer, mais lire dans les textes : absent dans une élaboration première, il s’effectue dans la suivante. En mars 1882, lorsque la rédaction d’Une vie est déjà fort avancée, Maupassant en réutilise deux épisodes dans Le Saut du berger, un conte qu’il publie dans Gil Blas. Le premier épisode est la destruction sauvage d’une chienne en gésine et de ses petits par un prêtre fanatique qui, sous aucune forme, ne peut tolérer les manifestations de la sexualité. Le second événement est le meurtre d’un couple humain : les amants font l’amour dans une roulotte qu’un tiers précipite du haut d’une falaise dans l’abîme. Dans Une vie, ce tiers est le mari jaloux ; dans Le Saut du berger, le prêtre qui a assommé la chienne. Ce changement de l’identité de l’assassin est une opération d’ordre esthétique – l’unité du conte exige que les deux crimes soient attribués au même personnage – , et ne préjuge aucunement du sens inconscient du crime. Mais c’est sous l’effet de la censure que la description des cadavres des amants se trouve modifiée.
Une vie18:

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Le Saut du berger19:

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La description est moins choquante dans le conte que dans le roman, non seulement parce qu’elle est moins détaillée, mais, surtout, parce que les représentants du meurtre sur mode utérin – face écrasée : anéantissement de l’identité ; ramollissement du corps, absence des os sous la chair : anéantissement des structures – sont éliminés, pour laisser la place à une image de l’amour. Le matériel archaïque est bien présent dans le conte aussi – la roulotte « creva comme un œuf » – , mais il est recouvert par un matériel plus tardif, moins inquiétant, relevant de la sexualité génitale.

À partir de ces quelques exemples, la tendance générale de la censure psychique chez Maupassant se laisse dégager aisément : sa principale visée est d’atténuer l’angoisse psychotique, en éliminant du texte – en éloignant du conscient – les représentants trop facilement reconnaissables d’une permanente menace inconsciente de régresser dans les états archaïques où l’enfant est encore confondu à la mère.
Dans une perspective générale, on peut affirmer que la censure psychique est un facteur déterminant de la genèse d’une œuvre. L’étude génétique des textes permet d’en retracer le fonctionnement, en même temps que l’analyse des interventions de la censure éclaire le processus de la genèse.

Le « post‑texte »
Intervention de la censure psychique d’autrui – éditeur, imprimeur, lecteur : destinataire –dans le texte de l’auteur

« […] je n’ai jamais corrigé d’épreuves […] à aucun journal. Qu’on s’informe au Gil Blas ou au Gaulois, où on ne m’a pas vu une seule fois depuis 1880 venir relire un article20 », déclare Maupassant en 1888. Si elle n’en est pas la cause, cette insouciance de l’auteur autorise la détérioration des textes, qui, commencée du vivant de Maupassant, n’a pas cessé, depuis, de s’aggraver. Les publications préoriginales, que l’auteur ne corrige pas, sont souvent fautives, les réimpressions et les éditions posthumes le sont plus encore. Des mots, des phrases, des passages entiers disparaissent, et des coquilles s’introduisent, dont certaines, fort nombreuses, passent d’autant plus facilement inaperçues qu’elles font sens et s’adaptent au texte. Comme elles ne résultent pas, pour une bonne partie, d’une simple inadvertance, mais de l’action de la censure psychique – non pas, certes, de l’auteur, mais de l’imprimeur ou du correcteur – , ces modifications, des lapsus de lecture et d’écriture, méritent attention. J’en citerai quelques‑uns, pour retracer la tendance principale qui les régit.
Une vie, édition originale21 :

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Gil Blas22:

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La coquille – le lapsus – va, ici, dans le sens de la plus grande facilité : à aveugles, l’imprimeur associe sourds, sans se préoccuper du sens exact.
Une vie, édition originale :

Ce qui lui manquait si fort, c’était la mer, sa grande voisine depuis vint‑cinq ans, la mer avec son air salé, ses colères, sa voix grondeuse […]23.

Gil Blas :

Ce qui lui manquait si fort, c’était la mer, sa grande voisine depuis vint‑cinq ans, la mer avec son air salé, ses colères, sa voix grandiose […]24.

En transformant grondeuse en grandiose, l’imprimeur l’ajuste à grande, mais, ce faisant, il supprime l’opposition entre la connotation positive que confère à la mer l’amour de Jeanne et la connotation négative de l’adjective grondeuse. Là encore, le lapsus va dans le sens de la plus grande facilité : il annule une ambivalence et rend, ainsi, le texte plus pauvre, plus banal.

Une vie, édition originale :

La baronne atteignit, en soufflant beaucoup, le perron du vieil hôtel25.

Gil Blas :

La baronne atteignit, en souffrant beaucoup, le perron du vieil hôtel26.

La baronne est cardiaque, c’est pourquoi elle souffle. Mais souffrant est un terme plus général, plus banal que soufflant, et, surtout, il ne renvoie pas directement au corps dont la censure de l’imprimeur semble vouloir empêcher la représentation.
Puis la baronne s’endort. Une vie, édition originale :

(…) entre ses lèvres entrouvertes passa un ronflement sonore27.

Gil Blas :

(…) entre ses lèvres entrouvertes passa un souflement sonore28.

Ronfler est pire que souffler. Passe encore qu’il évoque le corps, mais c’est du mauvais ton. Ces interventions de la censure commandées par le « bon goût » sont fréquentes. Dans Une vie toujours, l’héroïne veut se jeter du haut d’une falaise sur les rochers qui bordent la mer, mais la pensée de ses parents l’arrête.
Une vie, édition originale :

(…) elle vit son père à genoux devant son cadavre broyé […]29.

Édition de 1893 :

(…) elle vit son père à genoux devant son cadavre noyé […]30.

C’est, bien sûr, une simplification – puisque cela se passe au bord de la mer, la mort doit survenir par noyade – , mais, de plus, un cadavre broyé est bien plus inesthétique qu’un cadavre noyé dont la morphologie, tout au moins, reste intacte. Ici, on touche à l’angoisse de la déstructuration qui torturait Maupassant et que ces textes communiquent au lecteur ; la censure psychique de l’imprimeur tente de la neutraliser. Une coquille dans la description d’une crise d’angoisse dans Apparition confirme cette hypothèse.
Apparition, édition originale :

L’âme se fond ; on ne sent plus son cœur ; le corps entier devient mou comme une éponge ; on dirait que tout l’intérieur de nous s’écoule31.

Éditions postérieures :

[…] on dirait que tout l’intérieur de nous s’écroule.

La bonne leçon est celle de l’édition originale. Chez Maupassant, l’angoisse est ramollissement, aboutissant souvent à la liquéfaction, comme dans ce passage du Horla où ses effets sont décrits comme le processus inversé de la formation des tissus de l’embryon : « les os [deviennent] mous comme la chair et la chair liquide comme de l’eau32. » Mais la liquéfaction est intolérable pour le goût – elle est dégoûtante, au sens fort – , et elle évoque aussi trop clairement la déstructuration, au point que la censure inconsciente de l’imprimeur en refoule l’image, en substituant s’écroule, qui évoque une matière solide, à s’écoule.
D’autres coquilles, moins fréquentes, relèvent de la censure idéologique. Je cite, pour illustrer celle‑ci, un seul exemple. Dans La Petite Roque, le curé tente de calmer la mère de la fillette assassinée.
Édition originale :

La douleur de la mère s’atténuait sous la parole sucrée de l’ecclésiastique […]33.

Éditions postérieures :

La douleur de la mère s’atténuait sous la parole sacrée de l’ecclésiastique […].

Cette fois, c’est l’anticléricalisme flagrant de Maupassant qui a été intolérable pour la censure de l’imprimeur.
Ces interventions d’une censure psychique étrangère ne s’inscrivent pas, il est vrai, dans la genèse de l’œuvre. Mais elles contribuent à déterminer le texte qui parvient au lecteur. Partant de là, se pose le problème apparemment absurde, mais réel, mieux, matériel, du statut du texte. Il est de règle de considérer un texte précédé du nom de Maupassant comme « le texte de Maupassant » ; mais, étant donné ces déformations, on doit se demander qui a écrit « le texte de Maupassant » ? Maupassant ? l’imprimeur ? le correcteur ? l’éditeur ? Tous, semble‑t‑il. Car, si le lapsus est le fait de l’imprimeur, le correcteur et l’éditeur l’ont laissé passer : ils l’ont autorisé. Le problème est plus grave qu’il ne le paraît parce que ces modifications « post‑originales » abondent aussi dans les éditions critiques.
Elles présentent, toutefois, un intérêt incontestable, dans la mesure où elles éclairent l’effet du texte sur le lecteur. Les exemples que je viens de citer permettent de constater que la censure psychique du lecteur agit, le plus souvent, dans le même sens que celle de l’auteur : dans les deux cas, la visée principale est d’atténuer l’angoisse psychotique en éloignant du conscient ses représentants trop clairs. Ces lapsus montrent que la censure psychique joue un rôle déterminant dans la lecture d’un texte, et, ce qui me semble bien plus important, ils constituent les preuves matérielles de la perception des idées inconscientes de l’auteur par l’inconscient du lecteur, de la communication qu’instaure la lecture entre deux inconscients.

1  Cf. pour une présentation plus explicite de ce schéma et de sa mise en œuvre, mon livre Maupassant 1993, Paris, Kimé, 1993.

2   Manuscrit d’une première version, donné par Maupassant à Léon Fontaine, folios 5‑6. Je reproduis ce passage d’après André Vial, La Genèse d’« Une vie », premier roman de Maupassant, Paris, Les Belles‑Lettres, 1954, p. 135.

3  Manuscrit ayant servi pour l’impression. Je reproduis le passage d’après Romans, éd. Louis Forestier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1987, p. 101 et variantes p. 1278.

4  Feuilleton du 11 mars 1883.

5  Paris, Havard, 1883, p. 135.

6  Manuscrit d’une première version, donné par Maupassant à Léon Hennique. Je cite le passage d’après le manuscrit, conservé à la Bibliothèque municipale de Rouen, cote Ms. m. 272. Hennique 1, folio 43.

7  Pléiade, p. 101 et variantes p. 1283.

8  Cf. Le Horla et autres contes d’angoisse, éd. Antonia Fonyi, Paris, Flammarion, « GF », 1984, pp. 207 et 138.

9   Contes et Nouvelles, éd. Louis Forestier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, 1979, p. 765.

10  Le Horla et autres contes d’angoisse, id, p. 77.

11 Ibid., p. 40.

12 Ibid., p. 49.

13 Ibid., p. 77.

14 Ibid., p. 193.

15 Ibid., p. 59.

16 Ibid., p. 203.

17 Ibid., p. 79.

18   Paris, Havard, 1883, p. 250.

19  La Petite Roque et autres histoires criminelles, éd. Antonia Fonyi, Paris, Flammarion, « GF », 1989, p. 54‑55.

20  Lettre à Emile Strauss, 15 janvier 1888, Correspondance, éd. Jacques Suffel, t. 16 des Œuvres complètes, Evreux, Le Cercle du Bibliophile, 1973, 3 vol., t. III, p. 13.

21  Id., p. 243. Les italiques dans cette citation et dans les suivantes sont de moi.

22  Feuilleton du 24 mars 1883.

23  Id., p. 304.

24  Feuilleton du 2 avril 1883.

25  Id., p. 6.

26  Feuilleton du 27 février 1883.

27  Id., p. 8.

28  Feuilleton du 27 février 1883.

29  Id., p. 118.

30  Edition reproduite par André Fermigier, Paris, Gallimard, « Folio », 1974, p. 133. Parmi les éditeurs d’Une vie, seul André Fermigier a pu consulter cette édition que la Bibliothèque nationale ne possède pas. Dans la Pléiade, Louis Forestier affirme reproduire le même texte qu’André Fermigier, mais tel n’est pas le cas, puisqu’on y lit broyé, comme dans l’édition originale.

31  Clair de lune, Paris, Monnier, 1884, in‑4°, p. 141.

32  Le Horla et autres contes d’angoisse, id., p. 70.

33  Paris, Havard, 1886, p.31.