La contradiction est bien entre l’écriture et l’œuvre (le Texte, lui, est un mot magnanime : il ne fait pas acception de cette différence). Je jouis continûment, sans fin, sans terme, de l'écriture comme d'une production perpétuelle, d'une dispersion inconditionnelle, d'une énergie de séduction qu'aucune défense légale du sujet que je jette sur la page ne peut plus arrêter. Mais dans notre société mercantile, il faut bien arriver à une "oeuvre" : il faut construire, c’est-à-dire terminer une marchandise. Pendant que j’écris, l’écriture est de la sorte à tout instant aplatie, banalisée, culpabilisée par l’œuvre à laquelle il lui faut bien concourir. Comment écrire, à travers tous les pièges que me tend l’image collective de l’œuvre ? — Eh bien aveuglément. A chaque instant du travail, perdu affolé et poussé, je ne puis que me dire le mot qui termine le Huit-clos de Sartre : continuons.

Roland Barthes, « De l’écriture à l’oeuvre" in Roland Barthes par Roland Barthes, Seuil, 1975, 139.

Pré-voir l’écriture d’un texte en l’écrivant

Cette étude s’inscrit dans une perspective de génétique textuelle, le cadre est celui de l’ordonnancement, dans le temps, des différentes étapes du processus d’écriture. Tout y sera examiné dans l’optique chronologique d’une écriture en élaboration. La génétique du texte repose, en effet, sur l’hypothèse que toute oeuvre s’élabore dans une diachronie variable selon les auteurs et les textes et qui peut être plus ou moins définie a posteriori. L’avant-texte1, espace de travail du généticien, donne à voir les différentes étapes du travail d’écriture, les différentes versions par lesquelles un texte, finalement arrêté, est "passé". Un avant-texte est ainsi un ensemble hybride de verbal textuel, de signes graphiques divers, de semiosis complexe qui constitue l’espace privilégié où, sur la matérialité des "brouillons", les traces de l’élaboration scripturale sont observables.

Une rapide mise au point de ce que l’on doit entendre par "manuscrits" et par "brouillon" doit être faite ici. Le manuscrit, terme générique désigne le support sur lequel est arrêté une série de métamorphoses : hésitations, reprises, repentirs, etc… Ces métamorphoses sont le fruit d’un travail psychique, cognitif et gestuel de la part de l’écrivant qui laisse des traces matérialisées graphiques de ce travail sur le manuscrit. Le brouillon est le manuscrit considéré en tant qu’ébauche d’un texte "fini" à venir. Lorsqu ce terme est employé, une perspective génétique est alors adoptée, que la personne qui l’emploie le veuille ou le sache ou non. Le brouillon est l’autre nom du manuscrit lorsque celui-ci est pris dans une démarche attentive  à un processus de textualisation.

Concevoir, préparer, planifier, prévenir, anticiper, prévoir… comment désigner cette opération par laquelle un texte peut être initié, lancé, projeté avant que n’advienne sa production finale, avant qu’il ne soit autonome et vive sa propre vie… de texte ? C’est à l’observation de certains éléments qui caractérisent ce phénomène de pré-vision que voudrait contribuer cette étude.

La planification consisterait à prévenir le jet scriptural. Prévenir serait le contrôler, le structurer, l’architecturer. Planifier a une fonction d’encadrement mais aussi de contrôle. Or, peu d’adeptes de l’écriture de création s’y astreignent. En revanche, pré-voir un texte à venir est inhérent à l’activité d’écriture, quelle que soit la forme que cette pré-vision prenne, quel que soit son espace d’expression.

Ainsi, le terme "prévoir" apparaît bien comme générique de tout ce qui se passe avant le texte. Sa composante morphologique l’explicite : pré, projeter un texte à l’horizon et continuer d’en appréhender la venue, voir, voir quelque chose du texte que l’on se propose d’écrire, et, dans le sens le plus pragmatique, ne pas le lâcher du regard, ne pas lâcher du regard, tout en l’écrivant, ce qu’il devient. Prévoir l’écriture d’un texte serait, tout à la fois, l’écrire, le lire, le reprendre, le relire, le réécrire et ce de façon continue jusqu’à la production stabilisée finale.

Si l’on exclut de notre observation ce qui se passe "dans la tête" de l’écrivant, faute de compétence et d’outils qui nous le permettraient, nous nous en tenons au matériau observable constitué de signes graphiques inscrits sur un support. Ces  signes graphiques comportent pour l’essentiel du verbal et même si le verbal est accompagné ou encadré de non verbal : tableau, schéma, dessin, organisation des blancs de mise en page, ils s’inscrivent dans du discours hors duquel ils ne pourraient être appréhendables.

Il est clair, dans cette perspective, que notre objet d’observation n’est pas le fait d’écrire, mais écrire un texte, processus qui fait qu’à partir d’un moment donné et d’un lieu sur support, des signes graphiques s’organisent peu à peu pour aboutir, dans un plus tard extrêmement variable, à un texte stabilisé. Le texte dit "final" — de fait stabilisé — est le texte publié ou offert à publication, autrement dit offert au public, autrement dit encore, sorti de l’intimité du geste continué d’écriture.

L’objectif paraît simple et pourtant… Lorsqu’on a l’habitude d’observer un certain nombre de manuscrits de divers écrivains, on s’aperçoit que s’il y a toujours du texte avant le texte, cet "avant-texte" prend de multiples formes dont il est bien difficile de typologiser la présentation. La fameuse distinction entre « écriture à programme » et « écriture à processus »2, si elle est heuristique, outre l’ambiguïté sur le terme "processus" qui caractérise toute élaboration textuelle quelle que soit sa "technique", n’est pas toujours applicable dans l’analyse d’un corpus. L’écriture dite « à programme » s’organise selon un programme de préparation ; elle a pour type Zola dont à peu près toutes les œuvres ont été écrites avec une préparation identique. L’écriture dite « à processus » qui s’y oppose se passerait d’étapes préparatoires et entrerait immédiatement, c’est-à-dire sans médiation préalable, dans la chair vive d’un texte se constituant par prolifération ; le type en est Proust. Cependant, hors de ces types caractérisés d’écriture, il se trouve que la plupart du temps, le texte s’écrit tout en se "préparant" et se pré-voit tout en continuant de s’écrire. Il y a, certes, des frontières plus ou moins visibles entre différentes étapes de pré-vision du texte mais jamais de frontière étanche avec le texte en devenir. Il reste donc à décrire les différentes formes de porosité et leur marque énonciative.

Lorsqu’on est un généticien linguiste et que l’on cherche à saisir les différentes formes énonciatives dans lesquelles s’inscrivent les différentes pré-visions, préparations, planifications de l’écriture d’un texte, on retombe immanquablement sur les multiples aspects de la dimension "méta" mais on rencontre aussi des signes graphiques marques d’opérations (rature, substitution directe au traitement de texte) qui sont à interpréter dans leur économie énonciative. C’est à cette tâche que cette étude s’atèle, à partir d’exemples de divers auteurs.

Cette étude est limitée : si elle s’appuie sur plusieurs exemples de divers auteurs, les exemples restent cependant restreints. Par ailleurs, dans la dimension de cet article il était impossible d’examiner l’ensemble de l’avant-texte évoqué, chaque fois, par des extraits partiels. Elle donne néanmoins un aperçu de formes répertoriables.

Pour tenter de voir la façon dont se présente cette conception de l’écrire en train de se faire nous adopterons quatre point de vue : La projection d’un à écrire, la prévision d’un quoi écrire, l’élaboration d’un comment écrire, enfin l’écrire comme produisant, à son insu, son propre objet.

I – Projet architectural : pré-vision d’un à écrire.

Qu’écrire ? Comment un écrivain anticipe le "tout" à venir. Comment anticipe-t-il l’ensemble pour en concevoir la réalisation ?

Au cours d’une réflexion intitulée « Ecriture et griffonnage »3 Bernard Pingaud remarque :

« La vision de l’œuvre comme objet, comme un tout fermé sur lui-même est une vision de lecteur. “C’est toujours à partir du tout que le lecteur comprend chaque phrase, chaque cadence du récit, chaque suspension des événements ” écrit Merleau-Ponty. Lorsqu’on se place du point de vue de l’auteur, celui qui fabrique l’œuvre, la perspective apparaît quelque peu différente. J’écris un roman. J’espère qu’il formera un tout. Mais ce tout n’existe pas encore, c’est un futur qui se situe quelque part à l’horizon du travail. Le présent de l’écrivain est fait de tâtonnements permanents. »

Ce sont ces tâtonnements qui intéressent le généticien du texte. Le généticien linguiste tente d’en repérer les formes énonciatives.

Les architectures prévisionnelles sont à échelles variables. Certains écrivains anticipent leur travail rédactionnel par un programme de préparation totalisante. M. Borillo et J.-P. Goulette feraient entrer ce type de prévision dans ce qu’ils appellent « un modèle de processus et de conception architecturologique »4 où la démarche est a priori. Ils opposent ce modèle à un modèle analytique à démarche a posteriori, opposition qui, d’un certain point de vue, rejoint celle entre « écriture à processus » et « écriture à programme » évoquée ci-dessus.

Voyons, comment les choses se passent chez l’auteur reconnu comme type même de cette démarche. Il est connu que l’habitus d’écriture de Zola est une planification à plusieurs niveaux. Henri Mitterrand rappelle ce que l’on trouve dans tout dossier préparatoire de Zola5 : 

« Laissons de côté le manuscrit proprement dit, qui comporte des corrections non négligeables mais peu nombreuses et superficielles. Le dossier préparatoire répond à un dispositif à peu près immuable, dont chaque section est plus ou moins étendue selon les romans. Il comprend une Ebauche, soliloque programmatique où le romancier définit, assez rapidement, un sujet, une thématique, une histoire, des rôles, un ton ; des notes documentaires de diverses sortes, résumés d’ouvrages, informations et réflexion de reportage, notes bibliographiques, dessins ; des documents de fiction, tels que listes de noms de personnages ou de titres possibles pour l’œuvre en cours ; un plan sommaire ; deux plans détaillés ; l’un construit à un stade ancien de la préparation souvent immédiatement après l’Ebauche , et qui peut s’enrichir ou se corriger au fur et à mesure du travail de documentation et de construction, l’autre intervenant à la fin de la genèse, juste avant la rédaction, et parfois progressant parallèlement à la rédaction, chapitre après chapitre. »

On le voit, les dernières phrases annoncent déjà la porosité entre préparation a priori et rédaction du texte. Et pourtant, il s’agit de l’écrivain programmatique modèle.

Tenons-nous à la prévision de type macro qui peut être perçue dans la première étape d’un tel programme : une ébauche. Prenons l’ébauche de La bête humaine6 et, sur les trois premiers feuillets7 repérons le dire-architecturant.

Je voudrais, après le Rêve, faire un roman tout autre ; d’abord dans le monde réel ; puis sans description, sans art visible, sans effort, écrit d’une plume plus courante ; du récit simplement ; et comme sujet, un drame violent à donner le cauchemar à tout Paris, quelque chose de pareil à Thérèse Raquin, avec un côté mystère, d’au-delà, quelque chose qui ait l’air de sortir de la réalité (pas d’hypnotisme, mais une force inconnue, à arranger, à trouver.) Le tout, dans une grande passion évidemment. L’amour et l’argent mêlé [sic]. Mais surtout l’amour, voir [sic] la jalousie.

Je n’ai absolument, comme héros à employer qu’Etienne Lantier, mon Etienne de Germinal. J Il est né en 1845/6. (Election de la mère, ressemblance physique de la mère, puis du père. Hérédité de l’ivrognerie se tournant en folie homicide. Etat de crime.) Si le prends en 69/70, après les événements de Germinal, il n’a donc que 24 ans. Cela peut aller, en ne pas trop insistant sur l’âge. Il est jeune voilà tout. Il faudra tenir compte de Germinal et des idées qu’il y a réunie [sic]. Donc la partie socialiste, avec un écho. Je puis le faire entrer comme employé dans un chemin de fer, l’y affiner davantage, presque un monsieur, avec le reflet héroïque de ses aventures dans Germinal, et le rendre amoureux d’une femme d’employé supérieur, ou de magistrat, etc.

Nous pourrions continuer : l’Ebauche de La bête humaine comporte au total 96 feuillets. Nous voyons cependant que, sur les seules trois premières pages de ce manuscrit préparatoire, tous les éléments nécessaires, et à l’élaboration d’une narration romanesque, et à l’insertion de ce nouveau roman dans un plus grand ensemble (l’ensemble de l’œuvre de l’auteur) sont présents.

Et d’abord cette pré-vision du tout qu’évoque B. Pingaud :

Je voudrais […] faire un roman

Le tout dans une grande passion évidemment

On y relève des formes énonciatives totalisantes : verbe de volonté suivi de « faire », « le tout », emploi du futur et adverbe « évidemment » qui ôtent toute possibilité de doute. Le projet d’écrire est certain. Reste à savoir qu’écrire ?

Entrons alors à l’intérieur de cette architecture totalisante, et repérons les marques du quoi écrire

Je voudrais, après le Rêve, faire un roman tout autre 

quelque chose de pareil à Thérèse Raquin

Je n’ai absolument, comme héros à employer qu’Etienne Lantier, mon Etienne de Germinal […] le faire entrer comme employé dans un chemin de ferl’y affiner davantage, presque un monsieur avec le reflet héroïque de ses aventures dans Germinal […] le rendre amoureux

Si le prends en 69/70, après les événements de Germinal

Il faudra tenir compte de Germinal et des idées qu’il y a réunie. Donc la partie socialiste

Ce sont des formes verbales injonctives (je voudrais, je n’ai, le prends, il faudra) exprimant le dire du faire qu’accompagnent des éléments de contenu, eux-mêmes pris dans une réflexion sur leur spécification (roman tout autre, pareil à Thérèse Raquin, idées de Germinal, la partie socialiste…, Etienne Lantier, mon Etienne de Germinal, employé, amoureux)

Allons plus loin et relevons, emboîtés dans l’architecture précédente, les segments relatifs à la prévision narrative :

un roman tout autre ; d’abord dans le monde réel ; puis sans description

un drame violent à donner le cauchemar à tout Paris…

dans une grande passion évidemment. L’amour et l’argent mêlé [sic]. Mais surtout l’amour, voir [sic] la jalousie.

comme héros à employer qu’Etienne Lantier, mon Etienne de Germinal

Hérédité de l’ivrognerie se tournant en folie homicide. Etat de crime…

la partie socialiste, avec un écho.

Je puis le faire entrer comme employé dans un chemin de fer…

le rendre amoureux d’une femme d’employé supérieur, ou de magistrat, etc

A ce niveau, la plupart des segments relevés constituent des "compléments". Les autres sont des phrases dites "nominales" sans verbes actifs : ainsi sont projetés l’ambiance et le ton du roman à venir.

Enfin, relevons les indications relatives au comment écrire :

du récit simplement

sans art visible, sans effort

écrit d’une plume plus courante

L’Ebauche, on le voit, se présente comme une parole mentale adressée par l’écrivain à lui-même à travers sa verbalisation écrite. Trois positions d’énonciation apparaissent nettement : faire/écrire un roman : projet/programme cadrant ; écrire le projet lui-même et s’interroger sur les possibilités relatives à ce roman-là ; enfin, écrire déjà, à l’intérieur des trames potentielles de récits. Tous les éléments de ces mouvements de pensée se distribuent en deux ensembles de formes, celles relatives au dire du faire et celles relatives au dire de l’écrire. Le dire du faire est marqué par les verbes de volonté : Je voudrais, le prends, Il faudra. L’architecte doit affirmer son projet. Le dire de l’écrire se marque essentiellement par des phrases nominales, sans verbes soit des verbes peu prescritifs : Je puis. Le dire de l’écrire doit demeurer ouvert de toutes les potentialités : la liste se précise mais elle reste ouverte.

II- La recherche du titre : un cadrage signifiant.

Titre et nom d’auteur encadrent au sens propre du terme une œuvre ou un texte. Si le nom de l’auteur est acquis préalablement à l’écriture, le titre lui, fait partie intégrante du texte et son énonciation, qu’elle se situe en amont ou en aval de l’élaboration textuelle, fait partie tout aussi intégrante du processus d’écriture.

Il existe toutes sortes de possibilités, certes, mais à entendre les écrivains, il y en a essentiellement deux : soit le titre est là d’emblée et c’est lui qui pousse le texte devant lui afin que celui-ci le rejoigne, soit il est recherché, testé. L’observation de divers corpus fait apparaître que la recherche d’un titre se présente souvent comme une opération de listage où s’énonce, la plupart du temps, un paradigme associatif soit lexical, soit de locution.

— Nancy Huston avait le projet d’écrire un livre avec une photographe8. Elle profite d’un voyage et d’un cahier dont on lui a fait cadeau (et dont le nombre de pages correspondait au format demandé pour pré-voir l’écriture de son texte. Voici l’image de la première page écrite du cahier :

Image1

A l’origine, le livre devait porter deux titres correspondants aux deux parties : texte et série de photographies de nouveaux nés au moment de leur naissance ; d’où le titre de V. Winckler « La première heure » pour la partie photographies, titre posé et non corrigé. Le titre définitif de l’ouvrage sera Visages de l’aube9et il sera le titre unique d’un livre qui conservera ses deux parties. La recherche visible sur le brouillon, ne concerne donc, au départ que le titre du texte de N Huston :

Image2

Le premier repentir entraîne la rature du nom d’auteur. Le titre est retenté plus bas sur la feuille et passe par deux tentatives nouvelles. D’un déictique de personne : Cet être-là on passe à un nom abstrait qualifiant du narratif : L’Inhumainpour aboutir provisoirement à une expression désignante : Les visages de la nuitqui deviendra : Visages de l’aube, titre unique, métaphorique, conjoignant les deux parties du livre. Le titre s’exerce alors en jouant toute la potentialité des mots qui le composent : titre précis et ambigü à la fois.

La dédicace « A Martina » qui est le nom vers lequel est orienté le texte mais qui aussi attire le texte (et qui est très vraisemblablement le référent de « cet être-là ») sera maintenue malgré sa rature, une rature différente des ratures en vagues qui éliminent successivement les titres non retenus. De fait, la dédicace est simplement déplacée à l’ouverture du texte.

Ce qui fait lien entre ces ébauches du brouillon et le titre final est le mot « visage » : trouvé dans le tâtonnement, il se maintient et traverse tout le processus d’écriture pour s’imposer en titre, il pré-voit la communauté du titre aux deux parties et anticipe sur le récit.

— Le titre de l’autobiographie d’Althusser10 semble avoir été cherché dès le début. La première version de cette autobiographie, écrite en deux temps, est dactylographiée et s’ouvre ainsi :

L. Althusser

Les faits.

et le début du texte suit sur la première page.

La seconde version, écrite dix ans après et surtout après le meurtre qui a fait basculer la vie d’Althusser11, s’ouvre d’une tout autre façon, il s’agit d’un feuillet écrit à la main qui se présente (en transcription) de la façon suivante :

Image312

Ce qui donne en transcription :

Louis Althusser

L’avenir dure longtemps

____________________

(brève (histoire d’un meurtrier))

 [D’une nuit l’aube]

L’examen du manuscrit ne nous permet pas de saisir l’ordre chronologique d’écriture. Cependant il est clair que le titre le plus travaillé est le titre central sur l’espace de la page et le moins métaphorique sur le plan sémantique. Or, cette proposition surinvestie du point de vue des repentirs scripturaires donne directement et brutalement l’objet du livre qui sera explicité dans l’avant-propos : revenir sur le non-lieu dont a bénéficié Althusser (l’auteur et le meurtrier à la fois) pour tenter de dire quelque chose sur cet événement.

La réflexion sur le titre anticipe le texte : le titre finalement stabilisé est celui qui permet d’ouvrir la page à l’écriture : au lieu de tout dire d’emblée (le meurtre, la mort, la nuit) il autorise l’auteur à prendre le temps d’écrire et pré-voit le livre à venir.

Relisons Saussure lorsqu’il définit « les rapports et les différences entre termes linguistiques [qui] se déroulent dans deux sphères distinctes dont chacune est génératrice d’un certain ordre de valeurs », les deux sphères de l’ordre syntagmatique et de l’ordre associatif qu’il définit ainsi :

« …en dehors du discours, les mots offrant quelque chose de commun s’associent dans la mémoire, et il se forme ainsi des groupes au sein desquels règnent des rapports très divers. […] ces coordinations n’ont pas pour support l’étendue ; leur siège est dans le cerveau ; elles font partie de ce trésor intérieur qui constitue la langue chez chaque individu. »

Il ajoute que deux caractères marquent toute série associative : « ordre indéterminé et nombre indéfini »13.

Ce rappel pour insister sur le fait que s’engager dans l’écriture d’un texte, l’encadrer et le pré-voir, ne se tient pas en dehors du fonctionnement "normal" de la langue.

Donner un titre à une œuvre est une opération signifiante. Le titre devient en effet, très vite le représentant d’un texte, il devient, au sens lacanien, son signifiant : mis pour et la représentant dans un vouloir dire explicite ou implicite. En ce sens, il n’est pas étonnant que sa recherche se présente le plus souvent sous forme de liste, c’est-à-dire sous forme d’un paradigme associatif.

Nous n’aurons pas la possibilité d’analyser les deux exemples qui suivent mais il témoignent de ce cadrage avant-textuel sous forme de paradigme associatif

— Liste du brouillon correspondant à la recherche du titre du roman d’Andrée Chedid Lucy. La femme verticale14.

Image4

La liste associative laisse apparaître deux signifiants focalisateurs verbalisés de différentes façon  : femme et marche qui tisseront leurs fils conducteurs jusqu’au sous-titre final, trouvé dès ce brouillon « La femme verticale »

— la dimension du présent article ne permet pas de reprendre la longue liste de titres que Zola a testé pour La bête humaine ; elle s’étend sur pas moins d’une suite de huit folios (f° 297 à 304)

— L’analyse du dossier génétique complet d’un conte de Pascal Quignard15 fait apparaître la substitution d’un titre initial par un autre en cours d’écriture. Ce conte de deux pages finales a été écrit en 17 mois et a donné lieu à 13 versions. Le conte s’intitule à l’origine, dès la première version, Bernon l’enfant. Six mois après, à la version 6, le titre change et devient Fête des Chants du Marais. Le manuscrit de ce conte est constitué de sorties papier de traitement de texte, corrigées, chaque fois à la main. A aucun moment le titre initial n’est raturé, il y a donc substitution immédiate à l’ordinateur d’un nom de personne Bernon suivi de son épithète, à un nom de fête : Fête des Chants du Marais dont tous les termes lexicaux portent une majuscule, ce qui n’est pas l’usage en français.

Quignard a peu l’habitude pour ses textes de fiction16 d’indiquer un nom propre. Ses œuvres portent plutôt des titres qui désignent des objets théoriques (Petits traités, Rhétorique spéculative…) ou des objets abstraits (Le vœu de silence, La haine de la musique, Le sexe et l’effroi…)17

L’usage du traitement de texte occulte une éventuelle rature, voire un listage. Mais la substitution "invisible" à l’ordinateur est bien énonciativement du même ordre que le choix par rature successive sur une liste. Quignard substitue une suite narrative : « fête des chants du marais » à la désignation d’une personne « Bernon l’enfant ». Or le segment « fête des Chants du Marais » intervient dans le texte, dès la première version, ne sera ni modifié ni déplacé durant les treize versions et constitue le point d’articulation central de la narration.

Huit versions suivent ce changement de titre qui indique un plus grand investissement narratif. Le titre nouveau et qui restera définitif joue le rôle d’encadrement, il constitue à lui tout seul une méta-narration qui prévient l’ensemble du texte et structure sa composition autour de son énoncé.

A ces deux premiers niveaux d’encadrement avant-textuel, nous voyons que tout ce qui constitue le méta-œuvre se conjugue, déjà, à du méta-narratif. Le narratif qu’il vienne de notes, d’une ébauche, d’un titre signifiant est déjà du texte ; le méta qui l’encadre va faire lien avec le texte final essentiellement par du lexique : mots, noms ou expressions qui se retrouveront tissés dans la narration textualisée.

Où cette dimension méta trouve-t-elle son origine ? Un élément de réponse essentiel se trouve explicité par Benveniste :

« Ce qui en général caractérise l’énonciation est l’accentuation de la relation discursive au partenaire, que celui-ci soit réel ou imaginé, individuel ou collectif. […] le "monologue" est un dialogue intériorisé, formulé en "langage intérieur", entre un moi locuteur et un moi écouteur. Parfois le moi locuteur est seul à parler ; le moi écouteur reste néanmoins présent […]. Parfois aussi le moi écouteur intervient par une objection, une question un doute, une insulte. […] tantôt le moi écouteur se substitue au moi locuteur et s’énonce donc comme "première personne" ; […] Tantôt le moi écouteur interpelle à la "deuxième personne" le moi locuteur [...] Il y aurait une intéressante typologie de ces relations à établir »18

L’écrivain, en effet, lorsqu’il n’est pas pris dans le geste d’écriture incontrôlable du jet rédactionnel, est en situation de dialogue avec lui-même et d’évaluateur de son propre projet. L’écrivain directeur de projet, architecte du tout à venir discute avec l’écrivant, voire entre en conflit avec le réalisateur de l’écriture qui rature, reprend, suspend avant d’entrer dans le vif rédactionnel. Mais l’objet de la discussion reste présent et se configure au fur et à mesure que le réalisateur prend le pas, en écrivant, sur le directeur de projet, comme si la matérialité de l’écriture effective, l’énoncé en cours de constitution structurait l’écrivain lui-même et l’engageait dans sa course.

III – Pré-vision d’un quoi écrire : le matériau narratif.

Préparation du thème

Pascal Quignard a initié nombre de ses œuvres à partir d’une référence ancienne : un texte attesté mais inconnu, un auteur oublié, une autre langue à traduire (en particulier le grec et le latin) avant d’élaborer une fiction ; les exemples sont nombreux, notamment pour les contes ou les textes qui composent ses Petits Traités. Un texte exemplaire de ce type de procédés est Albucius19 : le procédé lui-même est inclus dans la narration publiée. La fiction est "préparée" par la lecture des Anciens, la narration est anticipée par la traduction de textes antérieurs oubliés et cette "initiation" se trouve immédiatement prise, sans planification, dans fiction textuelle. Voici ce qu’écrit Quignard dans "l’Avertissement" à Albucius, donc hors du texte lui-même :

« Caius Albucius Silus a existé. Ses déclamations aussi. J’ai inventé le nid où je l’ai fourré et où il a pris un peu de tiédeur, de petite vie, de rhumatismes, de salade, de tristesse. Ce fantôme y a peut-être gagné quelques couleurs et des plaisirs, et peut-être même de la mort. J’ai aimé ce monde ou les romans que son défaut invente. »

et voici un passage du tout début du texte, où l’on voit la façon dont l’origine thématique exogène de l’œuvre fictionnelle tisse texte ancien et traduction dans sa textualisation :

« C’étaient les années trente. L’homme était inquiet. C’est dire, dans cette langue devenue très ancienne, qu’il comptait parmi les êtres qui ont peur de la tranquillité, de l’appel de la "requies" posthume. […] Mot singulier que ce mot romain de "quies", capable de définir à la fois la relâche, le sommeil et la mort. Dans notre langue (outre la marque déposée d’une fabrique misérable de silence artificiel et agglutinatif) le mot a donné "quitte" et il a donné "coi" : brusques adjectifs presque périmés. […] ainsi la vie d’Albucius Silus a-t-elle été qualifiée par Annaeus Seneca […] de "longa inquietato". Longue agitation dans la peur. Mais ce sont des calembours. Les romains aimaient beaucoup qu’on jouît des mots de la langue ordinaire. »20

L’exercice de traduction et le travail sur les mots de la langue dont on est bien obligé de penser qu’il ont été faits avant la rédaction, deviennent le matériau même de l’énonciation fictionnelle.

Nous pouvons observer le même procédé, dans l’atelier de l’écrivain, sur un manuscrit encore inédit. Un seul exemple pris au tout début de la mise en écriture explicite ce processus remarqué dans le texte publié d’Albucius.

Transcription linéaire des toutes premières notes manuscrites : traduction du grec d’un texte d’Apollonios (la suite du manuscrit reprend de nombreuses expressions directement en grec).

Dans Apollonios Boutès apparaît deux fois

En I, 95

Il vient d’Attique. Il est le fils de Téléon.

En IV, 912    un bon vent <zephiros> emporte le navire – la voile est fermement tendue sur les drisses de la vergue. On approche de l’île des femmes-oiseaux Scirènes – leur "voix de lis" les attire les Argonautes ; ils s’apprêtent à  jeter les amarres sur la grève qd Orphée tend <avec force> sa cythare bistonienne et invente un contre – chant rapide, rythmique, afin de brouiller l’appel des Scirènes

Voici maintenant le tout début du texte définitif21 – après vingt versions successives :

« On a lâché les rames. La voile est fermement tendue sur les drisses de la vergue. Un vent rapide emporte le navire. On approche de l’île des Femmes-oiseaux qui sont nommées aussi sirènes. Apollonios dit que brusquement une voix leiron – une voix de lis – attire les Argonautes. »

La préparation : notes de lectures et traduction effectuée par l’écrivain est textualisée en récit et devient texte.

Antériorité du contenu

— En 2002, une exposition avait couvert tout un mur de l’espace Beaubourg avec les fiches de Roland Barthes22. Les fameuses fiches dont Barthes ne s’est jamais départi et qui font pleinement partie de son habitus d’écriture.

Lors de l’étude du corpus relatif à son article "Flaubert et la phrase"23, la fonction des fiches dans le processus d’écriture de Barthes a été découverte dans toute sa subtilité : l’auteur établit des fiches sont systématiquement faites par Barthes au cours de ses lectures et réflexions diverses et portent diverses vignettes thématiques de façon à pouvoir être utilisées ensuite pour diverses rédactions de textes.

Voici la transcription de la fiche 21 où après la vignette « Flaubert » plusieurs sous-vignettes apparaissent sous forme lexicale : Récit, écriture, dispositio, langage.

Flaubert

Récit / écriture72

Dispositiolangage

(21)

[Mme Bovary. ch VIII]

J’ai à faire une narration ; or

le récit est une chose qui m’est

très fastidieuse. Il faut que je

mette mon héroïne ds un bal.

Puis le fragment du manuscrit de Flaubert et la phrase24 où est mentionné le renvoi à la fiche suivi de sa transcription:

Image5

— d’où la "géographie" très particulière des problèmes techniques de Fl

- Désintérêt pour la dispositio (ce qui ne veut pas dire qu’il ne la travaille pas : mais ce n’est pas « névrotisée », sacralisée par la souffrance essentielle : c’est simplement « ennuyeux » : la narration (21). D’où peut-être le "structuralisme" particulier de Flaubert : du "temps" non de "l’intrigue" : discours indiciel, plus que "fonctionnel" : espace de style, non espace d’action (22)

Enfin, le passage du tapuscrit correspondant :

C’est enfin la distribution très particulière des

Tâches techniques assignées par l’élaboration d’un roman ; la

rhétorique classique mettait au premier plan les problèmes de

la dispositio, ou ordre des parties du discours (qu’il ne

faut pas confondre avec la compositio, ou ordre des éléments

intérieurs à la phrase); Flaubert semble s’en

désintéresser ; il ne néglige pas les tâches propres à la

narration10, mais ces tâches, visiblement, n’ont qu’un lien

lâche avec son projet essentiel : composer son ouvrage ou tel

de ses épisodes, ce n’est pas "atroce", mais simplement "fastidieux"11.

_____________________________________

11« J’ai à faire une narration ; or le récit est une chose qui m’est très fastidieuse. Il faut que je mette mon héroïne dans un bal. » (1852, op. cit

., p.72)

Le texte final de l’article publié dans Word n’enregistre aucune modification par rapport au tapuscrit :

« C’est enfin la distribution très particulière des tâches techniques assignées par l’élaboration d’un roman ; la rhétorique classique mettait au premier plan les problèmes de la dispositio, ou ordre des parties du discours (qu’il ne faut pas confondre avec la compositio, ou ordre des éléments intérieurs à la phrase) ; Flaubert semble s’en désintéresser ; il ne néglige pas les tâches propres à la narration, mais ces tâches, visiblement, n’ont qu’un lien lâche avec son projet essentiel : composer son ouvrage ou tel de ses épisodes, ce n’est pas “atroce”, mais simplement “fastidieux”.11

11 “J’ai à faire une narration ; or le récit est une chose qui m’est très fastidieuse. Il faut que je mette mon héroïne dans un bal” (1852, op. cit., p.72). »25

Dans ce parcours, il est visible que si une modification du discours s’opère entre le manuscrit et le tapuscrit, en revanche, l’utilisation de la fiche reste stable.

Or, l’élaboration de la fiche n’a pas été faite « en vue de » l’écriture de ce texte. Elle fait partie, comme nous l’avons vu d’un habitus de travail de l’écrivain. Mais une fois renvoyé à ce préalable général qui joue, à ce moment-là, dans le moment de la rédaction de cet article, le rôle de notes préparatoires, l’énoncé-citation de la fiche, non seulement est repris tel quel en note, mais il vient nourrir la verbalisation de la réflexion dans le texte.

On le voit, nous ne pouvons parler ni de "préparation" à proprement parler de l’écriture, ni de "planification", cependant il y a bien du texte repéré avant la mise en acte de l’écriture créative et réinjecté sous diverses formes dans le texte en devenir pour publication.

Les noms

Si nous nous reportons à la première page du manuscrit de Nancy Huston, reproduite plus haut, nous trouvons la liste suivante :

Marion

Tina

Magali   Lise

Pauline

Justine

De très nombreux auteurs procèdent ainsi par paradigmatique de recherche. Tous ces prénoms projetés par N. Huston seront barrés par une croix de Saint-André, mais pourquoi Magali a-t-il été le seul barré et le seul remplacé par Lise ? On ne le saura pas. En revanche on saura que Lise s’approche du prénom qui se retrouvera, définitif, dans le texte publié : Lys

On voit bien là, que la chaîne associative qui envisage le texte à venir commence à l’écrire : Lys est déjà dans Lise.

Noms et chronologie

Voici un arbre généalogique concernant des personnages d’un roman de Bernard Pingaud26, comme nous en retrouvons parfois dans des avant-textes. Il est clair, ici que nous pouvons parler de "préparation".

Image6

Or, cet arbre est lui-même préparé par des notes antérieures et plus tâtonnantes :

Image7

On voit que le passage des notes à l’arbre généalogique permet de fixer la date de naissance de Léa. Les notes planifient les âges selon la chronologie utile au roman. L’arbre intègre cette planification par personnage à l’ensemble de l’univers du roman.

L’extrait du brouillon qui suit donne à voir comment, après cette préparation, planification, l’écriture, toujours à l’intérieur de notes planifiantes commence à se textualiser :

Image8

au niveau du numéro 3 inscrit en marge sur le manuscrit on peut lire :

3 Léa et la soupière

Parfois en rentrant endormie sur canapé, le bras pendant.

le livre qu’elle lisait par terre.

Nous ne pouvons, malheureusement, suivre la totalité du parcours mais il est clair que le cadrage des prénoms dans leurs dates permet l’inscription narrative des éléments d’énoncé, libres encore de situation énonciative ; ils sont posés en attente d’une rédaction situante : « Parfois en rentrant » prendra place dans une chronologie rédactionnelle et permettra l’énonciation textualisante. Dans l’avant-texte, « Parfois » n’est qu’un adverbe hors diachronie, dans la rédaction, il sera probablement gardé mais sera déictisé.

IV- Pré-vision d’un comment écrire

Cet aspect de la phase avant-textuelle de l’écriture n’est pas toujours distinguable de l’aspect exposé précédemment concernant le quoi écrire. Deux exemples nous permettront cependant de montrer la distinction et d’expliciter, du même coup l’utilisation, par l’écrivain de ressources sémiotiques extra verbales aussi bien que des instruments d’écriture.

Supports théoriques et anticipation d’une difficulté d’écriture

Dans le manuscrit de L’avenir dure longtemps, plusieurs pages font apparaître un support de notes théoriques à la rédaction narrative. La situation de dialogue entre le directeur du projet d’écriture et l’écrivain se matérialise par l’utilisation du recto/verso27 :

Image9

Image1028

Il est très facile de se rendre compte que le verso précède, dans le processus d’écriture, le recto.

Voici la transcription (reproduisant abréviations et fautes éventuelles de l’auteur) du verso :

pas le peu évtciel mais ce qui se dégage c invariants universels

découvert « de te fabula narratur » pr tt lecteur

cf Freud 1 cas, 1 casuistique raconter l’evt personnel ≈ rien

n’est familial pr [ill.] mais s’en dégager invariants universels

processus s’il y a ceci cela pouvait se produire

que je reprenne hist-processus en main signifie le changt

mon hist | m’a été derobée par vol-viol

propos des médecins c’est un vol-viol

les propos seront expropriés et je fais moi m l’acte d’être qui

me permet de dire ce qui s’est passé et comment et d’en dégager les

grands invariants.

Retourner ds mes propres appts intérieurs = repr possession soi

Sp = j’ai repris certaine liberté de mvt (corps) liberté a pu s’épanouir

ds le texte que nous [ill.]

removens prolibens analyse

- économie libidinale remodelée en moi et par moi

plus le corps a de lcommeberté de mt + l’intellect en tant que

potentia intellectus peut s’exercer

- ça bouge av le ça – restruct de l’écon. libidinale

deplact

Il n’est pas très difficile de repérer comment les notes réflexives du verso imprègnent la suite rédactionnelle du tapuscrit par des éléments lexicaux comme « corps », «vol ou viol» ; ils sont repris dans un récit subjectif où le support théorique qui a permis de les réfléchir sur le brouillon a disparu de ce qui est en train de devenir le texte.

Ici, on le voit, dans l’interaction dialogique propre au processus scripturaire, l’architecte-philosophe et penseur propose ses réflexions-instructions à l’écrivain autobiographe.

Quel rôle, dans l’élaboration de l’écriture en continu de l’autobiographie, joue la semiosis du recto-verso ? Il ne s’agit pas, là encore, de "planification" mais de pré-vision en tout cas : le verso s’offre comme un support de réflexion où l’écrivain fiatle point en énonçant une argumentation théorique. Il devient ainsi pour l’écrivain rédactionnel, un document de référence et de préparation qui autorise la narration intime au recto et son argumentation personnalisée.

IV – Ecrire le texte à son insu

Evénement scriptural récupéré en fiction

L’exemple suivant est extrait d’un manuscrit de Nancy Huston appartenant au brouillon déjà cité plus haut de Visages de l’aube 29

Image11

L’observation du manuscrit et son analyse30 font apparaître que la première occurrence du mot "morte" barrée est barrée par le scripteur, la rature se fait dans la ligne, la réécriture est ponctuée par un point et un soulignement : même mouvement d’écriture entre graphie, puis rature, puis re-graphie de ce mot fatidique. Puis, le personnage (que l’écrivant est en train de créer par l’intermédiaire de son narrateur fictif) vient à la rencontre de l’écrivain en acte d’écrire. La fiction vient happer cette hésitation pour la récupérer dans son récit au compte du personnage. L’écrivain en train d’écrire la difficulté à écrire le mot « morte » (rature et réitération du mot) propose sa propre hésitation au narrateur fictif qui va le textualiser en l’offrant à son personnage.

Voici ce que l’énoncé publié va retenir :

Image12

Si l’on déplie en transcrivant ce qui se passe sur le brouillon et qu’on le compare à l’énoncé final on voit comment cet événement graphique a anticipé le texte final et même comment il servi de "préparation", de rumination.

Brouillon

Texte publié

C’est moi qui l’ai vue la première, Robin, <à sa naissance> et c’est moi qui l’ai trouvée. morte morte.

Elle n’arrive pas à ajouter le mot elle ajoute, <rature>, dans sa tête, le mot <de> "morte" – l’ai trouvée morte <suffit> - puis la rature <le remet, le rature>, encore, ce n’est pas nécessaire, c’est clair, il a compris, j’ai déjà dit qu’elle était morte ; <elle> le remet

C’est moi qui l’ai vue la première, robin, à sa naissance, et c’est moi qui l’ai trouvée morte.

Elle rature, dans sa tête, le mot de morte ; l’ai trouvée suffit – puis le remet, le rature encore, ce n’est pas nécessaire, c’est clair, il a compris, j’ai déjà dit qu’elle était morte, le remet.

6 mentions du mot "morte"

4 + 1 énonciation d’ajouts

3 énonciations de rature

3 mentions du mot "morte"

2 énonciations d’ajouts

2 énonciations de ratures

Le mot "morte" est balancé entre son refoulement par le sujet scripteur (écrivain écrivant) qui accomplit le geste d’écriture sur le manuscrit et l’énonciation du narrateur dans la fiction du texte. Le surinvestissement inconscient dont la trace expose une prévision souterraine et insue contamine, en quelque sorte, par endémie, l’espace textuel qui est en train de se constituer à sa suite.

Lapsus et événement d’énonciation inscrit jusque dans le texte final 

Un "passage" de L'avenir dure longtemps d’Althusser31laisse apparaître jusque dans le texte final une incongruité syntaxique. Lisons le passage sous sa forme imprimée :

« En 1930, j’avais alors douze ans, mon père est nommé par sa banque à Marseille, fondé de pouvoir. Nous nous installons au 38 de la rue Sébastopol, quartier des Quatre-Chemins, et tout naturellement je suis inscrit au lycée Saint-Charles, qui n’est pas très loin. Louis, Charles, Simone : il est décidément des noms qui sont des “ destins ”, comme le dit Spinoza dans son traité de grammaire hébraïque. Spinoza !

A la maison, toujours la même vie : complètement solitaire. Au lycée l’aventure se poursuit. En cinquième, où j’entre, je fais mon trou dans la classe, suis vite parmi les premiers, toujours aussi sage et studieux. Toute ma vie se passe entre le lycée (beau, bien que vétuste, mais dominant d'un côté la ville) et de l'autre, les voies du chemin de fer conduisant à la grande gare terminus : Saint-Charles. J'ai toujours adoré les gares "terminus" où les trains s'arrêtent – car ils ne peuvent aller plus loin – sur d'énormes butoirs. ”

Les segments souligné en gras font apparaître une phrase incontestablement bancale. Cela est repérable à la première lecture. En effet, « d’un côté [...] et de l’autre... » qui se correspondent sémantiquement sont pourtant séparés par une fermeture de parenthèse. Par ailleurs, « ...entre le lycée... » reste suspendu à une suite absente : entre le lycée et quoi ? Deux "erreurs" donc : d’une part, la parenthèse fermante n’est pas à sa place : en bonne logique syntaxique elle devrait se trouver après « Saint-Charles », avant le point (elle poserait cependant un autre problème puisque la phrase qui suit – qui n’est pas entre parenthèse – serait sémantiquement lié à un élément précédent mis entre parenthèse : « la gare terminus ») ; d’autre part, la troncation de la préposition de relation "entre le ...[et le...]" inscrit un inachèvement de la proposition et impose à la phrase un suspens.

Reportons-nous aux trois versions du manuscrit de L’avenir dure longtemps correspondant à ce passage. En voici les transcriptions

1ère version, page tapuscrite inachevée placée par les archivistes de l’IMEC à la fin du dossier de L’avenir dure longtemps.

En 1930, j’avais alors 12 ans, mon père est déplacé par sa banque d’Alger à Marseille : fondé de pouvoir. Encore un déménagement et les plaintes douloureuses de ma mère. nous no s installames au 38 de la rue de sébastopol, dans le quariter des quatre Chemins, et tout naturellement je fus inscrit en cinquième au Lycée saint Charles (encore u n Cahrmes...) qui n’était pas loin.

2ème version, 55 (début du chap. VIII).

En 1930, j'avais alors 12 ans, mon père est nommé par sa banque à Marseille, fondé de pouvoir. Nous nous installons <,rue Sebastopol, 38> dans le quartier des Chartreux q/Quatre c/Chemins, et tout naturellement je suis inscrit au Lycée St Charles qui n'est pas très loin : en cinquième.

A la maison, toujours la même vie. Mais U/a lu/ycée l'aventure se poursuit. Je fais mon trou dans la classe, suis vite parmi les premiers puis le premier, toujours aussi sage et studieux. Toute ma vie se passe entre le beau lycée St Charles (beau bien que très vétuste, mais dominant la d'un côté la ville, et de l'autre les voies de chemin de fer conduisant à la gare de Marseille.)Etd/Donnant côté voie, il y a le terrain de gymnastique. L'intérêt de la <cette> gymnastique, mais très vite le prof s'éclipse et on joue au foot.

3ème version,  58

En 1930, j'avais alors 12 ans, mon père est nommé par sa banque à Marseille, fondé de pouvoir. Nous nous installons au 38 de la rue Sébastopol, quar/quartier des qau/quatre Chemins, et tout naturellement je suis inscrit au Lycée Sa/int Charles, qui n'est pas très loin. Louis, Cr/hales/rles, Simone : il est décidément des noms qui sont des "destins"./, comme le dit Spinoza dans son traité de grammaire hébraïque. Spinoza !

A la maisob/n toujours la même vie : complètement solitaire. Z/Aau lycée l'aventure se poursuit. En cu/inquième, où j'entre, je fais mon trou dans la classe, suis vite parmi les prr/emiers, toujours aussi sage et studui/ieux. toute ma vie se passe entre le Lycée (beu/au bien que vétuste mais dominant d'un côté la ville et de l'autre les voies du ceh/hemin de fer conduisant à la grande gare terminus : Saint Car/harles./<<(/J'ai toujours adoré les gares "terminus" où les trains s'arrêtent –car ils ne peuvent pas aller plus loin- sur d'énormes butoirs.)>> Donnant côté vois/e, il y a un terrain de gymnastique. L'intérêt de cette gymnastique est qu'on y fait peu de mouvements, mais que très vite le prof. s'arrète et nous laisse jouer au foot.

L’analyse comparée de ces trois versions met en relief trois paramètres : la stabilité du suspens de la phrase, l’instabilité de la parenthèse fermante, la récurrence d’un accident graphique lors de l’écriture du nom “ Charles ”.

La stabilité du suspens est maintenue par la troncation répétée de la préposition «"entre le…" En effet, dans les versions 2 et 3 où elle apparaît, la préposition "entre" reste tronquée et inscrit une absence :  entre quelque chose et ... rien. Cette absence du second élément normalement attendu affirme d’autant plus massivement le premier élément de cette préposition de relation. Plus de relation, plus de lieu circonscrit mais une seule "extrémité" qui s’impose. Cette absence d’espace déterminé est cependant encadrée – à l’intérieur de la parenthèse – par deux édifices nommés Saint-Charles. Dans la première version, le lycée est seul nommé, dans la seconde, le lycée est nommé, la gare est présente mais non nommée, dans la troisième version, le lycée n’est plus nommé, mais la gare, nommée, est qualifiée : c’est un terminus.

Le nom propre – Charles – se déplace ainsi d’un édifice à l’autre, du Lycée à la gare. Le lieu, lui, n’est pas circonscrit, l’espace de "sa vie" bute, s’arrête sur un nom.

L’instabilité de la parenthèse fermante est le paramètre le plus visible à la première lecture. De fait, ce sont les éditeurs qui ont ajouté la parenthèse fermante, manquante dans la troisème version. Mais ils n’ont pas retenu sa position dans la version 2 où elle est correctement placée.

Cet oubli puis ce déplacement d’une parenthèse fermante n’est pas le plus gênant syntaxiquement. Mais il est d’une grande force : la parenthèse s’ouvre dans les deux versions concernées après « le lycée » pour détailler la façon dont le lycée domine et la ville et la gare terminus-butoir. L’instabilité de la parenthèse attire le lecteur vers le "dominant", le lycée, qui fait ainsi écran tout en pointant un espace qui n’aura jamais d’autre extrémité.

L’instabilité de la parenthèse confirme la stabilité du suspens, c’est-à-dire la troncation, le rétrécissement symbolique de l’espace.

Les accidents graphiques répétés sur le signifiant "Charles" indiquent un lieu scriptural surinvesti. Charles est le prénom du père d’Althusser. A de nombreuses de ses occurrences – et ce dans l’ensemble du corpus – Althusser bute pour l'écrire. Dans la première version, on trouve « Cahrmes » non corrigé ; cet échec à écrire "Charles" qui vient d’être correctement écrit lorsqu’il s’agit de la gare intervient lorsque c’est le prénom et seulement le prénom qui est invoqué. Dans la deuxième version, le nom est écrit correctement. Ici, sur trois occurrences fautives, trois façons différentes d’accidenter le nom apparaissent : c’est bien l’accident qui est récurrent et non une mauvaise habitude dactyle.

Aucun commentaire n’est ici nécessaire, il suffit de citer l’auteur qui, après avoir buté sur ce signifiant-prénom, ajoute manuscritement, lors d’une relecture, en s’autorisant de Spinoza, que le prénom est un « destin » !

Althusser dirait, en quelque sorte, ici, en marques énonciatives, marques de paroles singulières rompant un discours descriptif : toute ma vie se passe entre "l'école" (le lycée) et un lieu butoir, espace suspendu, sans définition mais stoppé et stoppant : (Saint-)Charles. Il s’inscrit en marques singulières d’oubli linguistique, de suspension énonciative, et en surdétermination nominative : un no man's land à la fois buté, terminé et originaire. L'espace et le temps arrêtés, se rejoindraient là, à "Saint Charles" et ce serait "toute sa vie".

Cet exemple montre comment l’avant-texte peut, tout en le préparant, venir perturber un texte final. Ici, certes le cas est particulier puisque l’édition est posthume, mais il n’est pas sûr que la révision par l’auteur aurait changé quelque chose à cette intrication.

Conclusion

L’opposition écriture à programme / écriture à processus, si elle est stimulante ne suffit pas à rendre compte de tout ce qui se passe avant que le texte final ne soit définitivement produit. La répartition en étapes préparatoires d’écriture modélisées : « phases pré-rédactionnelles, rédactionnelles, pré-éditoriales, éditoriales, telles que les définit P.-M. de Biasi32, si elles constituent une très utile hypothèse de travail pour constituer un dossier génétique ne rend pas compte de la textualisation toujours déjà effective, pour une part, au sein même d’une décision préparatoire.

La prise en compte du point de vue linguistique et énonciatif ouvre d’autres perspectives. S’accrocher, dans l’observation des manuscrits, aux formes linguistiques et énonciatives par lesquelles se "prépare" un texte évite de verser dans une intentionnalité téléologique ou, rétrospectivement, l’observateur cherche et donc trouve des lois de planification. La diachronie n’implique pas automatiquement une finalité explicitée.

Il y a homogénéité du système verbal écrit que l’on soit dans l’avant-texte ou dans le texte. L’hétérogénéité se marque en énonciations méta entre l’annonce de l’écrire, le dit projeté (par un dire méta) et le dit final effectif. L’hétérogénéité n’est donc que de statut entre la méta-textualisation et la textualisation aboutie en texte et qui est plus apparent, on peut le supposer, pour le généticien que pour l’écrivain en train d’écrire.

Nancy Huston dans Dolce agonia33 entérine en quelque sorte ce phémonène. Dans ce roman, en effet, la planification textuelle est intégrée au texte final. Une planification moins artificielle que déplacée d’un avant-texte à l’intérieur de l’œuvre elle-même qui expose combien le processus d’écriture fait feu de tout bois, combien il est à la fois extrêmement complexe et limpide : il s’expose, se récupère, change de statut et se lit…au fil du texte.

Le "brouillon", comme toute note préparatoire, comme toute projection d’un écrire à venir génère déjà du texte. Projeter, préparer, pré-voir un texte ? Plutôt chercher le texte tout en l’écrivant. L’observation de divers avant-textes nous montre que l’œuvre, autrement dit le texte acceptable, assumé, signé, publié, est "cherché" dans les prémisses qui déjà le portent, dans l’avant texte c’est-à-dire tout au long de son processus d’écriture. La verbalisation méta crée son objet. C’est l’écriture elle-même qui en élaborant du texte avant le texte tisse la trame finale qui sera retirée du métier.

1  Voir la définition d’avant-texte dans l’avant-propos du présent numéro.

2  Cf. L. Hay, "La troisième dimension de la littérature" (Texte n°5/6, 1986-1987, 313-328.

3  in L’écriture et le souci de la langue (Fenoglio I. ed), éd. Academia-Bruylant, Louvain la neuve, 2007.

4  Cognition et création. Explorations cognitives des processus de conception, ed. Mardaga, Liège, 2002, 12.

5  "Programme et préconstruit génétiques : le dossier de L’Assomoir" in Essais de critique génétique, Flammarion, 1979, 195. Voir aussi, du même auteur, "Le méta-texte génétique dans les Ebauches de Zola", in Genesis n° 6, 1994, "Genèse et nomenclature" in Le roman à l’œuvre. Genèse et valeurs (PUF, 1998), 47-60. Voir aussi de P. Hamon, "Echos et reflets. l’Ebauche de la bête humaine de Zola" in Poétique 109 (1997).

6  En 1999-2000 le séminaire de l’équipe « Manuscrits et linguistique » de l’ITEM a consacré ses travaux à l’étude de l’Ebauche de La bête humaine de Zola. A. Grésillon qui animait ce séminaire a fait la synthèse des résultats dans son article auquel je renvoie "Langage de l’ébauche : parole intérieure extériorisée" (Langages n°147, I. Fenoglio et S. Pétillon ed, 2002)

7  Transcription linéaire des folios 338, 339 et du début du 340, numérotés par Zola respectivement 1,2,3 du manuscrit de l’Ebauche de La bête humaine (Fonds Zola de la BnF).

8  Pour le détail de ce projet, je renvoie à la discussion qui suit le texte de N. Huston "Déracinement du savoir" in L’écriture et le souci de la langue (I. Fenoglio éd.), op. cit.

9  Nancy Huston et Valérie Winckler Visages de l’aube, Actes sud/Leméac, 2001.

10  L’avenir dure longtemps suivi de Les faits, ed. Stock/IMEC, 1990.

11 Pour plus de détails Cf. I. Fenoglio "Enonciation et genèse dans les autobiographies d'Althusser. Deux récits – séparés – de sa rencontre avec Hélène", Genesis 17, 131-150" et "Une photo, deux textes, trois manuscrits. L’archivage linguistique d’un geste d’écriture identifiant". In Langages, n° 147, Processus d’écriture et marques linguistiques. Nouvelles recherches en génétique du texte (I. Fenoglio et S. Boucheron-Pétillon éd.), p. 56-69, ainsi que Une auto-graphie du tragique. Les manuscrits Des faits et de L’avenir dure longtemps d’Althusser, Louvain la Neuve, Academia-Bruylant, 2007.

12  Page du titre du brouillon de L’avenir dure longtemps, reproduite avec l’aimable autorisation de l’IMEC

13  Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Payot, 1972170-175.

14  Flammarion, 1998. Sur la genèse de ce récit voir I. Fenoglio "La fin de Lucy : un explicit de la verticalité humaine", Genesis n°21, 2003, 141-159. Ce roman évoque la venue au monde et la venue progressive à la station debout de la première femme.

15  Cette analyse fait l’objet d’un article d’I. Fenoglio "Fête des Chants du Marais, un conte inédit de Pascal Quignard. Genèse in vivo et "traitement de texte" in Genesis n° 27, 2006.

16  Seul Albucius (éd. P.O.L., 1990)a pour titre un nom propre.

17  Respectivement pour tous les titres cités, éd. Adrien Maeght 1990, Calmann-Levy 1995, Galilée 2005, Clamann-Levy 1996, Gallimard, 1994.

18  "L’appareil formel de l’énonciation", Problèmes de linguistique générale, vol. 2, Gallimard, 1974, 85-86.

19  Albucius, éd. P.O.L., 1990. Voir sur ce procédé d’écriture de Pascal Quignard , I. Fenoglio "L’hic et nunc de l’écrire immémorial" in Pascal Quignard, figures d’un lettré (P. Bonnefils et D. Lyotard éd.), Galiléé, 2005, 355-379.

20  Pascal Quignard, Albucius, ed. du Livre de Poche, 2000, respectivement p. 5 et p. 7-8.

21  Ce texte n’est pas encore publié et fait partie, avec son manuscrit, d’une collection privée.

22  Exposition coproduite par le Centre Pompidou et l’IMEC et présentée au Centre Pompidou du 22 novembre au 10 mars 2003 et placée sous le commissariat de Nathalie Léger et Marianne Alphant.

23  publié dans la revue Word, N° 24, 1968, 48-54. L’étude a été faite par l’équipe "Manuscrits et linguistique" de l’iTEM durant l’année 2003-2004.

24  Fragment reproduit avec l’aimable autorisation de l’IMEC qui gère le fonds Barthes et de M. Salzedo, son ayant-droit.

25  "Flaubert et la phrase" in Word n°24, 1968, p.49.

26  Pour ce qui concerne ces manuscrits voir de Bernard pingaud "Ecriture et griffonnage" in L’écriture et le souci de la langue op. cit.

27  Images respectives du recto et du verso du f° 200 du manuscrit de L’avenir dure longtemps (reproduit avec l’aimable autorisation de l’IMEC à qui est confié le fonds Althusser).

28  Respectivement reproductions d’extraits du recto puis du verso du folio 200 du brouillon de L’avenir dure longtemps (avec l’aimable autorisation de l’IMEC)

29  p. 25 du brouillon de Visages de l’aube, op. cit. (coll. privée pour le brouillon) que nous reproduisons avec l’aimable autorisation de l’auteur. Pour l’analyse

30  Cf.I. Fenoglio "Ecriture en acte et genèse de l’énonciation. D’une rature de l’écrivant-scripteur à la rature-fiction du narrateur", in Littérature et linguistique (D. Lagorgette et M. Ligneureux eds), Chambery, Presses de l’Université de Savoie, 2003, CD-rom. (pub en ligne : www.item.ens.fr/contenus/publications/PUBaccueil.htm)

31  Il se situe p.75 de la première édition et  p.100 de l’édition de poche.

32  La génétique des textes, Nathan-Université, 2000, 34

33  Dolce agonia, roman, Actes sud/Leméac, 2001.