Mi-janvier 2013

Organisé par le Centre Jacques Petit EA3187 (Elodie Bouygues et France Marchal-Ninosque, Université de Franche-Comté) et le CRLR (Daniel Maggietti, Université de Lausanne).

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À quel moment entre-t-on dans un livre ? Au moment où l’on aperçoit l’illustration de couverture ? où l’on en lit le titre ? Quand on en parcourt les premières lignes, les premières pages ?… Où se situe le seuil de l’œuvre ? La question a déjà été explorée, notamment par Gérard Genette (Seuils, Seuil, 1987). Le propos de ce colloque interdisciplinaire est de revenir sur cette problématique par le biais des études génétiques ainsi que par l’histoire et les pratiques de l’édition, aperçues à travers différentes époques. L’entrée dans le texte est un lieu stratégique de la création, dont la rhétorique a longtemps codifié les règles et les topoï. Le seuil, ou plutôt les seuils, programment la lecture du texte, entament un dialogue avec le lecteur, fondent les conditions de la réception. Les manuscrits proposent ainsi un espace avant-textuel propice à l’observation de la « genèse de la genèse » : la matière éruptive, brouillonne, bouillonnante, dont doit sortir une « forme ». L’approche génétique d’une œuvre comme les archives de l’édition permettent de renouveler la compréhension et le sens des textes, en focalisant l’attention sur la « naissance de la naissance », moment où le livre « invente », au sens étymologique, sa forme propre. Les seuils du texte concentrent des enjeux de natures très différentes, aussi bien sémantiques, sémiologiques que commerciales : pris au sens de Genette, le seuil (un titre, une maquette, une quatrième de couverture, un sommaire, une illustration…) peut aussi bien attirer irrésistiblement que détourner de la lecture d’une œuvre (« vestibule », selon le mot de Borges cité par Genette, « qui offre à tout un chacun la possibilité d’entrer, ou de rebrousser chemin »). Il est donc espace-frontière entre le dehors et le dedans de l’œuvre, entre-deux, et possède un rôle décisif dans la réception.

Les catégories mises au jour par Gérard Genette seront transposées à l’étude des manuscrits et des archives éditoriales : la question du titre en premier lieu, à la fois périphérie du texte et œil du cyclone, bombe à retardement sémantique, tantôt matrice, tantôt point d’orgue de la rédaction. Les jeux multiples sur le nom de l’auteurse prêteront également à l’interprétation. L’illustration, qui peut se cantonner à la couverture ou nouer un dialogue plus étroit avec le texte sous forme de médaillon en tête de chapitre, participe pleinement à la production du sens. Son étude pourra être synchronique (différentes maquettes avant choix définitif) ou diachronique (illustrations variées d’un même ouvrage au fil des réimpressions, induisant des interprétations hétérogènes). La préface, qu’elle soit autographe ou allographe, contemporaine du texte ou postérieure, ne se réduit pas à la simple fonction de captatio benevolentiae, mais peut tendre au contraire au manifeste, à l’art poétique ou à l’essai. Les récents dépôts d’archives de maisons d’édition dans des institutions (notamment à l’IMEC) offrent la possibilité de renouveler la connaissance des rouages de l’élaboration d’un ouvrage, du choix du papier et de la typographie à celui de la première de couvertureen passant par la jaquette ou l’inscription dans une collection. Le jeu des dédicacescomme des épigraphesmet en avant les revendications d’un auteur, qui peut tout aussi bien partager sa « bibliothèque idéale » qu’afficher son désir de jouer avec le lecteur, grâce au cryptage des citations en exergue. Le chapitrage, les intertitreset la table des matières, espaces intermédiaires entre le titre et le texte, puissants objets de rêverie, structurent ou déstructurent l’ouvrage, entre respect de la norme et fantaisie littéraire. La quatrième de couverture, la plupart du temps objet de toutes les attentions de l’auteur et qui obéit à des codes précis, peut être déléguée à des rédacteurs spécialisés dans le cas des réimpressions en collection de poche. Parmi l’épitexte, la correspondance, souvent présente dans les archives d’auteur et d’éditeur, révèle elle aussi les arcanes de la création, et parfois même offre le moment initial de surgissement de l’idée.

Tout « ce par quoi un texte se fait livre », placé le plus souvent en périphérie du texte, et donc offert au premier regard du lecteur, manifeste des modes d’existence et possède des fonctions spécifiques que les brouillons sollicités permettront d’analyser au plus près.

Grâce à cette perspective transversale, nous nous demanderons s’il existe des gestes d’écriture, des stratégies d’ouverture et de clôture, inhérents aux seuils d’un texte. Le croisement entre les corpus et l’étude des interactions entre auteurs et éditeurs nous permettra également d’enrichir les interprétations. Chaque auteur possède sa façon propre d’entrer en écriture, chaque éditeur crée, avec les contraintes matérielles propres à l’impression et au circuit éditorial, des « seuils » accueillants, fascinants ou mystérieux pour le lecteur. Les points de convergence que ce colloque entend rassembler offrent l’opportunité de redessiner les contours théoriques de la notion de « seuil », tant au niveau herméneutique, poétique, que pragmatique ou générique.

Les propositions de communication (2000 signes environ) sont à envoyer au plus tard le 31 janvier 2012à Elodie Bouygues (elodie.bouygues@univ-fcomte.fr).

Consignes de présentation :

-Nom et prénom,

-Institution de rattachement,

-Adresse postale, téléphone et adresse électronique,

-Titre de la communication,

-Résumé précisant le contenu de la démonstration et les sources sollicitées.

Adresse : Centre Jacques Petit, EA3187, Faculté des Lettres, 30 rue Mégevand, 25000 Besançon, 03.81.66.54.22, centrejacquespetit.com.