12/03/2026, Salle Cavalliès - 45, rue d’Ulm 75005 Paris

Organisée en étroite collaboration entre les équipes « Génétique et histoire des arts » et « Manuscrits scientifiques » de l’ITEM, la journée d’étude naît du désir de confronter les mécanismes du processus créatif en arts et en sciences. Il ne s’agit pas de faire des sciences avec de l’art ou de faire de l’art avec les sciences, mais de chercher le terrain commun et les approches innovantes qui permettraient un véritable dialogue entre praticiens et théoriciens de chacune de ces disciplines. Nous avons donc réuni les historiens des arts visuels et de la musique, des historiens et les philosophes des sciences, en leur proposant de se pencher sur la place des points et des lignes dans leurs domaines.

 

9h30-10h30
Estelle Thibault (École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville)
Brouillons d’architectes : du tableau noir au traité imprimé (19e-20e siècles)

Comment écrivent les architectes ? L’intervention reviendra sur une série d’exemples de brouillons et de manuscrits de traités d’architecture ou d’ornement, conservés dans différents fonds d’archives. Ils partagent l’objectif de formuler une théorie générale de la conception du projet, allant des éléments (points, lignes, volumes) vers la composition. Ces manuscrits préalables à la publication sont souvent issus des cours dispensés par leurs auteurs, architectes et enseignants (à l’École des beaux-arts et dans les ateliers, mais aussi à l’École polytechnique ou à l’École de dessin et de mathématiques). L’une de leur caractéristique étant d’associer textes et dessins, nous tenterons de comprendre ce qu’ils doivent à l’exercice de la démonstration au tableau noir, à la retranscription de notes d’élèves, mais aussi à la lecture des auteurs précédents. Du milieu du 19e siècle au début du 20e, nous questionnerons également l’incidence des techniques de reproduction de l’image sur les façons de concevoir ces brouillons préparatoires.

 

10h45-11h45
Stefania Tullio Cataldo (ITEM, CNRS/ENS)
Sentiers sémiologiques du point et de la ligne chez Léonard

Léonard, dans un passage du Libro di Pittura, affirme que le point est le premier principe de la science de la peinture, suivi de la ligne et enfin de la superficie. S’inscrivant dans le sillage d’une littérature riche et variée sur le sujet (Fehrenbach, Pedretti, Ossola, etc.), notre contribution vise à examiner les différentes mentions du « point », en élargissant l’analyse à la terminologie utilisée pour définir la ligne et les contours des formes (contorni, dintorni, limiti, lineamenti, termini, etc.), dans le but de circonscrire les horizons sémiologiques de ces éléments. Enfin, nous proposerons une ouverture sur les reproductions gravées des œuvres de Léonard, montrant que le point demeure le « point de départ », l’élément fondamental permettant aux graveurs du XVIIe siècle de relever le défi, à la fois impossible et paradoxal, de traduire en cet art de la ligne (qui est la gravure) le style pictural de Léonard.

 

12h-13h
Divna Manolova (Department of Literary Studies – Greek Section, Ghent University)
Do Achromatic Lines in Byzantine Cosmological Diagrams Have an Epistemic Value?

The corpus of over 84 Greek manuscripts preserving Kleomedes’ cosmological treatise The Heavens offers varied examples of diagram inclusion and arrangement—ranging from none, to single instances, to collections of multiple diagrams. These diagrams can be classified by domain (logic, geometry, cosmology, astronomy, optics) as well as by drafting technique, such as the use of dry point and polychrome inks. Monochrome diagrams, drawn with a single-coloured line, suffice for visibility, while polychrome diagrams convey additional layers of meaning—particularly in lunisolar representations like eclipse diagrams, where colour expresses brightness and the presence or absence of light rather than hue.

The use of a dry point and compass results in the indentation of achromatic lines onto paper or parchment. Though colourless and in this sense invisible, achromatic lines are materially traceable—especially under raking light—and guide the subsequent chromatic drafting of diagrams. In this presentation, I examine the role of achromatic underdrawings and compass perforations in the manuscript tradition of The Heavens, focusing on the fourteenth-century codex Bremen, Staats- und Universitätsbibliothek (SuUB), MS b 023. I explore how achromatic and chromatic lines function as distinct drafting techniques and assess how each informs the epistemic dimensions of diagrammatic design.

 

14h30-15h30
Michele Russo (Université de Pavie – Crémone)
Le point comme concentration de l’énergie créative : quelque critère pour l’étudier dans les (ré)écritures musicales

Certains aspects de la performance créative du compositeur – qui consiste à adopter des styles et des protocoles propres, ainsi qu’à susciter des attentes et des préoccupations – présentent des analogies avec le concept de « point ». Ce dernier peut notamment être étudié à travers le paramètre de la « concentration » de Ernst Kurth, qui s’exprime dans le texte musical en termes spatiaux et temporels de manière similaire à l’équilibre cyclique entre représentation et textualisation du processus créatif théorisé par Louis Hay. En ce qui concerne les campagnes de remaniement, on observe des successions de problèmes et de solutions : le « point » représente la manière dont l’analyse du problème requiert une concentration de l’énergie créative, qui est ensuite dissipée dans la formalisation de la solution trouvée. Ce phénomène sera approfondi à partir de trois études de cas tirées des dossiers génétiques de Camille Saint-Saëns, Gabriel Fauré et Georges Enesco.

 

15h45-16h45
David Rabouin (SPHERE, CNRS – Univ. Paris Cité)
Qu’y a-t-il dans un point ?

Dans un point, aimerait-on dire, il n’y a rien. Le point n’est-il pas défini depuis Euclide comme ce qui n’a pas de parties ? comment pourrait-on mettre quelque chose à l’intérieur de ce qui n’a pas de parties ? Pourtant, la nature du point est plus mystérieuse qu’il n’y paraît. Dès l’Antiquité, les mathématiciens se heurtent à quelques paradoxes redoutables à son sujet. Je présenterai certains de ces paradoxes en les suivant jusqu’à un auteur qui mit le point au centre de sa métaphysique : Leibniz. Pour le philosophe de Hanovre, en effet, la réalité était composée de « points métaphysiques ». On y verra alors comment un point peut être à la fois absolument simple et pourtant contenir une infinité d’informations – une possibilité que les mathématiciens contemporains ont exploitée sous de nombreuses formes.

 

17h-18h30
Nadia Podzemskaia (ITEM, CNRS / ENS) en dialogue avec Régine Bonnefoit (Université de Neuchâtel)
Kandinsky et Klee sur les points et les lignes : parcours en dialogue, leurs évolutions et croisements

Ayant fait connaissance à Munich du temps de l’Almanach du Cavalier bleu, Vassily Kandinsky et Paul Klee se retrouvent au Bauhaus, à Weimar d’abord et ensuite à Dessau, où ils sont voisins. Ce sont des années où le dialogue quotidien fait naître une véritable complicité entre deux créateurs qui se rapprochent dans leur enseignement ainsi que dans leur œuvre. Alors que ce rapprochement est palpable, ses mécanismes n’ont pas été étudiés dans tous les détails. On essayera d’approcher cette problématique par le biais de la place que Kandinsky et Klee offrent dans ces années au point et à la ligne. Les questions auxquelles on aimerait répondre sont celles-ci : où prend l’origine l’intérêt pour le point et la ligne chez les deux artistes ? Est-ce que les pratiques graphiques ont joué leur rôle dans l’éveil de cet intérêt ? Quelle est l’évolution de la réflexion de chacun d’eux à Weimar et à Dessau ? Peut-on identifier des sources et des lectures, afin d’essayer de dater l’émergence de certaines thématiques, comme par exemple celle de la musique ? Peut-on enfin reconstruire le dialogue entre Kandinsky et Klee autour de la problématique du point et de la ligne ?