Séminaire :
Séminaire « Décrire la création » / 2025-202618/12/2025, ENS, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris – Salle Dussane (16h-18h)

Nina Brodsky, sans doute Berlin, 1925–1935 ; Jewish Museum Switzerland, Basel
L’intitulé du séminaire désigne une question centrale pour tous ceux qui travaillent sur les processus créatifs dans les arts visuels : comment décrire la création qui s’actualise dans des formes autres que celles de la parole ? Comment fonctionne la pensée d’artiste quand elle se matérialise dans une œuvre ? Comment peut-on y accéder, et quelle terminologie utiliser pour décrire ce processus ?
Les dossiers génétiques des œuvres d’art sont très variés et hétérogènes, ils sont constitués de documents écrits et d’images, tracées et peintes, photographiées et filmées ; leur analyse demande donc aux chercheurs de multiples compétences. Il y a là une grande richesse, mais se posent des problèmes de méthode pour instaurer un dialogue productif entre historiens, philologues, écrivains, philosophes, artistes scénographes.
Les séances du séminaire programmées pour l’année 2025-2026 sont nées comme une série de rencontres autour de quelques corpus artistiques et d’un choix de problématiques transversales qu’ils suscitent, comme celles portant sur la réception et le transfert culturel des écrits d’artistes, sur la filiation, l’appropriation et la transmission de l’œuvre, sur la relation entre la peinture et la musique, entre une perspective de l’histoire de l’art sociale et les récits personnels. L’objectif est de faire surgir la personnalité des créateurs et de reconsidérer la spécificité de leur œuvre, à travers le croisement de points de vue divergents.
Au cours de mes recherches, j’ai travaillé sur plusieurs fonds privés d’artistes dans les archives russes mais aussi américaines (Fonds d’artistes en arts graphiques (Personal papers) aux Archives d’art américain (AAM, Smithsonian), Fonds personnels liés à des artistes militants aux archives de l’Université de Syracuse) et j’entame cette année un travail à la BNF sur le fonds de la scénographe et poète Nina Brodsky née à Kiev en 1892, scénographe à Berlin dans les années 1920, en Suisse dans les années 1930 puis à Paris après 1947, ville dans laquelle elle meurt en 1979. Initialement, je cherchais à mieux saisir les circulations artistiques entre l’Union soviétique et les États-Unis dans une perspective d’histoire sociale de l’art. Les parcours individuels me semblaient permettre d’apporter des nouveaux points de vue à la réécriture des récits de l’histoire de l’art pour avoir, notamment, une meilleure compréhension de l’historiographie des courants des années 1920-1930. Une des avancées de cette recherche est le constat de ce qui la guide : l’intérêt pour les récits personnels. Je voudrais interroger, lors de cette séance, les questions méthodologiques que pose la réunion de ces parcours dans l’étude des fonds personnels. Mon travail sur ces archives peut être séquencé en étapes : étude de la correspondance, des documents administratifs, des manuscrits non publiés (autobiographie, texte de présentation, théorie ou critique d’art), analyse des visuels (photographies documentaires, œuvres originales, maquettes, reproductions) et comparaison des documents manuscrits avec les éventuelles publications. Une typologie de ces fonds pourra être proposée.
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Docteure en histoire de l’art (Université Paris 1) et chargée de cours à l’Université de Picardie Jules Verne (UFR Art), Juliette Milbach est chercheuse associée au CERCEC (CNRS/EHSS) et à l’ITEM. Elle est lauréate de la Bourse Collection École des Modernités à l’Institut Giacometti, 2024 pour la publication de l’ouvrage Paris, Berlin, Moscou. Louis Lozowick dans l’entre-deux-guerres (à paraître au printemps 2026). Elle est chercheuse associée BNF au département des Arts du spectacle pour l’année 2025-2026 sur le Fonds Nina Brodsky (référentes scientifiques : Laurence Decobert et Hélène Keller). Ce fonds a été donné à la BNF par Nina Brodsky en 1979 et conserve des documents variés non encore signalés (correspondances, textes manuscrits et dactylographiés, documentation), ainsi que des centaines de maquettes (décors, y compris en volume, et costumes), des croquis, des photographies de décors, clichés de projection pour décors projetés.