Les manuscrits d’Aragon occupent depuis l’origine une place particulière au sein de l’ITEM. Par le legs monumental qui fut le sien au CNRS en 1977, assorti d’un discours incitatif, Aragon a fondé le principe même d’une étude des brouillons et manuscrits en France. Une première équipe a été constituée dès 1988 (GDR 111) et a fonctionné jusqu’en 1996. Une seconde équipe a vu le jour en 2008 à l’initiative de Pierre-Marc de Biasi, alors directeur de l’ITEM: elle propose trois à quatre journées d’étude par an avec au moins trois conférenciers sur des thématiques transversales ou plus spécifiquement génétique. Les projets qu’elle portent sont les suivants:

  • Manuscrits surréalistes: le fonds Breton

La dispersion de la collection Breton a eu le mérite indirect de déclencher une numérisation importante des manuscrits de la collection personnelle d’André Breton, aujourd’hui disponible en ligne grâce au travail de Constance Krebs. Les travaux déjà initiés sur les manuscrits surréalistes par le CNRS se sont poursuivis sous la forme d’analyse des manuscrits d’Anicet ou le panorama (Maryse Vassevière) et par l’étude des écritures collaboratives entre Aragon et Breton notamment (Luc Vigier).

  • Les Lettres françaises sous la direction d’Aragon (1953-1972): étude transversale, élément génétique.

– On a privilégié d’une part l’ analyse historique, sociologique et littéraire de la portée des Lettres françaises sur la période: un colloque réunissant deux groupes de recherche (Equipe Aragon/ ERITA) a eu lieu en 2011 à ce sujet au Moulin de Saint-Arnoult (voir notre page Colloques).

– D’autre part l’ étude du statut génétique de la presse dans la création poétique et romanesque d’Aragon, avec le partenariat de la plateforme EMAN (Luc Vigier, Julie Morisson, Alice Lebreton, R. Walter):

Ce projet veut éditer et analyser les articles d’Aragon dans Les Lettres françaises (1953-1972). L’édition numérique de cet hebdomadaire et les études découlant du traitement informatique de ses contenus se situe à la croisée des travaux sur l’histoire politique, esthétique et éditoriale de la littérature française au XXème siècle, du début des années 50 au début des années 70 et revêt une dimension génétique qui peut être aisément reliée à l’analyse des manuscrits au sein des processus de création.

Les Lettres françaises constituent en effet un réservoir remarquable d’informations sur l’intrication des discours de circonstances et des propositions théoriques plus larges sur la peinture, la sculpture, le dessin, la musique, la littérature, le cinéma, le théâtre, les sciences, l’architecture, le design, l’histoire antique, le discours politique, la publicité, la haute-couture et peuvent à ce titre intéresser les chercheurs spécialisés dans l’histoire de ces domaines. Mais principalement, Les Lettres françaises fonctionnent comme un véritable laboratoire des oeuvres d’Aragon dans la mesure où de nombreux articles sont ensuite repris et partiellement réécrits pour des éditions en volumes (Lumière de Stendhal, Littératures soviétiques, Le Neveu de Monsieur Duval, Entretiens sur le musée de Dresde, J’abats mon jeu …). Par ailleurs de nombreux articles non repris en volumes marquent l’évolution de la poétique aragonienne, notamment dans ses liens avec les arts visuels (cas exemplaire de la Semaine sainte ou de Henri Matisse, roman) et sont les témoins d’un processus d’écriture en cours. A ce titre, le corpus journalistique peut s’intégrer aux dossiers génétiques de l’oeuvre d’Aragon non seulement comme constitutif d’éléments d’étapes d’écriture romanesque ou poétique mais également en tant qu’objet d’une génétique de la presse écrite. L’objectif suivant sera d’éditer numérique sur la plate-forme e-Man certains dossiers manuscrits d’Aragon.

Complément: à plusieurs reprises, l’équipe Aragon a également présenté des études du rôle joué par les textes d’Aragon dans Ce soir dans la constitution du discours politique et esthétique.

  • Les murs d’Aragon:

L’équipe Aragon de l’ITEM consacre une partie de ses travaux et de ses séminaires aux murs d’images et de documents qu’Aragon avait façonnés et dressés avec soin dans son appartement de la rue de Varenne. Vaste entreprise à la fois improvisée et véritable composition, ces murs tracent à travers des milliers de fragments associés une passerelle d’images et de textes entre la mort d’Elsa et l’ombre de la sienne, dans la prolifération des signes, des secrets et le grand chaos de la mémoire. Ce projet se poursuit en 2017 avec la mise en ligne sur la plateforme EMAN (dans l’espace Lettres françaises et en interaction avec lui) des principaux documents rassemblés par Luc Vigier, Jacques Vassevière et Maryse Vassevière.

Extrait d’une présentation des murs par L. Vigier:

« Ce spectacle-décor avait de quoi attirer l’oeil et l’esprit d’un cinéaste, ce qui ne manqua pas d’arriver, à plusieurs reprises, à l’initiative de Jean Ristat, qui fut non seulement l’un des témoins majeurs de cette oeuvre baroque, mais participa également à près de quatre films consacrés aux murs, passant ainsi du statut de témoin à celui d’acteur et prolongeant un peu les inclusions vertigineuses de Théâtre/Roman. Jean Ristat avait en effet le premier, et en contemporain de la création des panneaux dans la cuisine et dans la chambre principale, évoqué dans Lord B. (1977) ce « manteau de mémoire » tapissant la « pyramide du pharaon » où il se trouvait avec lui prisonnier, demandant par la suite à Aragon d’ en lire, devant les murs, quelques extraits, ce qu’il fit avec application, facéties multiples et ironie, avec un fort et très confus accent d’Oxford. La perception qu’en eut alors Jean Ristat constitue une bien une première lecture de cet édifice vertical qui ne fut sans doute pas sans conséquences sur la poursuite même de cette activité compulsive et créatrice et sur les regards qu portèrent en sa direction les réalisateurs successifs qui pointèrent leur caméra vers les murs. Je songe ici au film de Sarah Maldoror, avec un texte de Jean Ristat, qui s’intitule, Aragon, un masque à Paris, daté de 1978, filmé en 16 mm couleur, d’une durée de 13 minutes. Mais aussi, plus tard, à l’un des épisodes de Dits et non dits, de Raoul Sangla, (réalisé en 1978 lui aussi, en couleurs), diffusé en 1979. Aragon s’y trouve filmé et interrogé sur fond de tableaux dans son salon, qui constitue, avec l’amorce importante de l’entrée où figurait le grand portrait d’Elsa, la matrice de son travail d’illustration qui se poursuivra par contamination et prolifération tout au long de l’appartemene. »

  • Constitution d’un site web d’information et de suivi des travaux:

http://louis-aragon-item.org

  • Création et édition des Cahiers Aragon (n°1 paru en 2015)

Sommaire

  • Projets en cours de développement: génétique des oeuvres audio-visuelles (Aragon dans les archives de l’INA).
Membres: Pierre-Marc de Biasi, Daniel Bougnoux, Alice El Gaba, Robert Horville, Alice Lebreton, Bernard Leuilliot, Julie Morisson, Alain Trouvé, Jacques Vassevière, Maryse Vassevière.