Manuscrits francophones : "L'écrivain et sa bibliothèque" / 2019-2020

29/09/2020, Salle de conférence site CNRS, 61 rue Pouchet, 75017 Paris, métro Brochant ou Guy Môquet ligne 13, bus 66 arrêt « La Jonquière ». 

Henri Lopes

Programme :
Matinée
10h30-12h30 : La bibliothèque d’Henri Lopes
Projection du documentaire réalisé par Céline Gahungu, « Les bibliothèques-mondes d’Henri Lopes »
Entretien de Céline Gahungu avec Henri Lopes

 

« Coup de foudre, éblouissement, envoûtement ! »
Dans un bel article intitulé « Un rayon précieux dans ma bibliothèque », c’est ainsi qu’Henri Lopes qualifie sa découverte de l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache. Il était étudiant, militant au sein de la Fédération des étudiants d’Afrique noire  en France (FEANF) et le volume consulté au gré de ses lectures n’allait pas tarder à garnir les rayons de sa bibliothèque.
 
Si, quelques années plus tard, l’écrivain se montre critique à l’égard d’un modèle nègre à ses yeux exsangue et éculé, perdurera, en revanche, l’association de la lecture aux puissances du désir – lire est une manière d’ars amatoria auquel il s’adonne avec plaisir, tout aussi bien que ses personnages. Quels rapports Henri Lopes, dont l’oeuvre considérable en fait l’un des plus éminents représentants de la littérature congolaise, entretient-il avec sa bibliothèque qu’il n’a cessé de composer et de recomposer au cours de sa trajectoire ambulante ? Quel rôle l’enchantement suscité par la bibliothèque a-t-il joué sur un projet littéraire très tôt conçu sous le signe de la nuance, du multiple et du labile ? 

Sylvain Bemba dédicaçant à la Fratrie son « Cinquante ans de musique du Congo-Zaïre » (I984)

Après-midi

14h30-16h30 : La bibliothèque de la « phratrie » congolaise brûle-t-elle ? Sylvain Bemba, Sony Labou Tansi et alii

Projection de RUMBA, documentaire réalisé par Olivier Lichen en collaboration avec Patrice Yengo.
Table-ronde avec Ricardo Bemba (sous réserve), Nicolas Martin-Granel, Vhan Olsen Dombo et Patrice Yengo.
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Congo, un fleuve odifié sur ses deux rives et qui se refuse à être une clôture ou « deux fleuves » (Zaïre – Congo) à rive unique comme le laisserait penser Henri Lopes. Comment ne pas emprunter ses chemins de traverse à travers ses nombreux points de passage et suivre son passeur principal, Sylvain Bemba ? Passeur d’eau, puisqu’il s’agit de rives, passeur d’ombres dans un monde devenu crépusculaire ou tout simplement passeur de lettres comme il se définit lui-même. Non de lettres closes ou mortes mais bien de lettres ouvertes sur une société qui, pour échapper au monitoire de la discipline de l’État postcolonial, se moque des frontières. Comme lui-même les a bannies : écrivain, dramaturge, journaliste, critique d’art, musicien, médiathécaire.

Bibliothèque de Victor Louya

Passeur, c’est le nom d’un métier et une vocation qui vous fait dériver d’une rive à l’autre comme avant lui, Lomami Tchibamba, autre homme de l’entre-deux, rédacteur en chef de la revue Liaison ou le chanteur Franklin Boukaka, activiste de cette allégorie presque bloquée faisant toujours image, celle du Pont sur le Congo, devenue l’exaltation d’un « rêve portatif » qui se retourne contre lui-même.

Dans cette mutualité souveraine/souterraine d’auteurs en corps qu’il fonde, sorte de république de lettres qui a pour nom la Phratrie, il faut s’interdire toute spécialisation pour tenir bon contre les vents mauvais des reflux politiques et s’aventurer par des passages étroits en direction de la seule frontière qu’il admettait, celle de la connaissance assidue et renouvelée pour laquelle il laissait toujours grandes ouvertes les portes de sa bibliothèque et de sa discothèque. Mais lorsque celles-ci sont incendiées, prise sous le feu des passions politiques de la guerre civile congolaise de 1997, c’est tout un pan du Pont sur le Congo qui part en fumée.