26/01/2019, ENS, 45 rue d’Ulm 75005 Paris, Salle des Actes

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Cette conférence est donnée dans le cadre du colloque du labex TRANSFERS

Passés croisés, passés composés. Perspectives à partir des « classiques »

| 交互的过往, 复合的过往。以“经典”为视角。

Déplacements et créations sémantiques Chine – France – Europe (4)

| 意义的移位与创造 :中国-法国-欧洲 (四)

 RÉSUMÉ de la conférence

Tout travail collaboratif qui bénéficie d’une participation de l’auteur –qu’il s’agisse d’une mise en scène théâtrale ou d’une traduction collective d’une œuvre littéraire– présuppose une implication plus ou moins importante d’une instance auctoriale. Les recherches sur la genèse théâtrale menées depuis quelques années ont permis de mettre en lumière plusieurs éléments relatifs à une typologie collaborative lors d’une mise en scène[1]. Or, on retrouve les mêmes pratiques collaboratives chez des écrivains qui participent, collaborent, supervisent la traduction de leurs œuvres. Lors d’une traduction collective, on peut observer plusieurs cas de figures possibles distribués sur une échelle qui va d’une véritable co-création (c’est-à-dire une implication très active voire dominante de l’auteur) à la participation minimale d’un écrivain qui donne une carte blanche à ses collaborateurs.

Cette large palette de cas divers, qui présentent les différents degrés de collaboration entre les écrivains et leurs traducteurs, a fait récemment l’objet d’investigations approfondies[2]. Ces recherches montrent que, dans ce continuum collaboratif, on peut observer des situations aussi diamétralement opposées où un écrivain se positionne en démiurge, en organisant les ateliers de traduction de ses œuvres qu’il supervise personnellement[3] ou bien encore le cas, très répandu, des écrivains plurilingues qui, quant à eux, refusent d’être traduits par quelqu’un d’autre vers les langues qu’ils maîtrisent bien voire tout aussi bien que leurs traducteurs. Ces écrivains choisissent donc de s’autotraduire, en continuant ainsi leur processus créatif dans une autre langue[4].

Dans le cadre de cette contribution, nous voudrions interroger les pratiques traductives de Vladimir Nabokov et ses relations avec ses traducteurs. Si nous avons pu l’évoquer ailleurs[5], nous nous proposons de montrer ici, dans quelle mesure les archives –et les documents de travail de traducteurs qu’elles conservent– permettent de comprendre comment se déroule l’acte traductif collaboratif. Pour ce faire, nous passerons en revue les stratégies traductives mises en place par l’écrivain lors de la traduction de ses œuvres vers l’anglais et vers le français. Nous soulignerons le fait que seuls les documents d’archives (les brouillons de traduction et la correspondance) peuvent révéler la véritable nature de l’implication de chacun (traducteur et écrivain) dans le processus traductif.

[1] Cf. A. Grésillon et N. Léger (dir.), « Théâtre », numéro spécial de GENESIS, 2006, n° 26 et A. Grésillon, M.-M. Mervant-Roux, D. Budor (dir.), Genèses théâtrales, Paris, CNRS Éditions, 2010.

[2] A. Cordingley & C. Frigau Manning (eds.), Collaborative Translation: From the Renaissance to the digital age, London, Bloomsbury, 2016 et P. Hersant (dir.), Traduire avec l’auteur / Translating with the author, Paris, PUPS, 2018.

[3] Nous pensons notamment à Gunter Grass : cf. C. Letawe, « Günter Grass et ses traducteurs : De la dynamique collaborative au dispositif de contrôle ? », in A. Cordingley & C. Frigau Manning (eds.), Collaborative translation: From the Renaissance to the digital age, London, Bloomsbury, 2016.

[4] O. Anokhina, « Traductions vers l’anglais de Vladimir Nabokov : traduction ou auto-traduction ? », in GLOTTOPOL, Revue de sociolinguistique en ligne, numéro spécial « L’autotraduction : une perspective sociolinguistique », février 2015, n° 25, pp. 198-210 (http://glottopol.univ-rouen.fr/numero_25.html) et O. Anokhina, « Traduction et ré-écriture chez Vladimir Nabokov : genèse d’une œuvre en trois langues », in GENESIS, Revue internationale de critique génétique, numéro thématique « Traduire », 2014, n° 38, pp. 111-127.

[5] O. Anokhina, « Comment traduire les œuvres plurilingues : cas Nabokov », in La main de Thôt : Théories, enjeux et pratiques de la traduction, 2014, n°2, numéro spécial « Traduction, plurilinguisme et langues en contact » (http://revues.univ-tlse2.fr/lamaindethot/index.php?id=237) et O. Anokhina « Vladimir Nabokov and his translators: Collaboration or translating under duress ? », in A. Cordingley & C. Frigau Manning (eds.), op.cit., pp. 113-131.