01/06/2020 - 01/06/2020

Un siècle après la naissance de son auteur, l’œuvre de Mohammed Dib (1920-2003) ne cesse de nous surprendre et de nous émerveiller. Celui qui, pendant la guerre d’indépendance, se fit le chantre, dans sa trilogie romanesque constituée par La Grande Maison, L’Incendie et Le Métier à tisser, d’une Algérie profonde, miséreuse et souffrante, fut aussi de ceux qui donnèrent à la littérature algérienne cette dimension universelle qui la caractérisa très tôt. Romancier, nouvelliste, conteur, auteur dramatique, essayiste, poète avant tout et toujours,

Dib aura composé, en plus d’un demi-siècle d’écriture, une œuvre d’une étonnante diversité et d’une richesse rare. « Œuvre-constellation » ouverte au monde entier — de son Tlemcen natal à la Californie et à l’Europe du Nord — et à l’humanité sous toutes ses formes, aussi bien dans ses aspirations les plus nobles que dans ses penchants les plus inquiétants. S’il s’agissait de trouver au sein d’une telle profusion un principe d’unité, il résiderait peut-être, comme le suggère ici-même Abdellatif Laâbi, en ceci que Dib a inventé « une langue qui n’appartient qu’à lui, une œuvre d’art en soi ».
Mais ce grand artisan de la langue, cet artiste admirable est aussi un auteur qu’habite un questionnement éthique, et qui n’a cessé d’affirmer la responsabilité de l’écrivain. Qu’il écrive sur l’amour ou sur l’enfance, ou qu’il s’interroge sur les rapports entre tradition et modernité, c’est toujours avec le souci de poser les problèmes de manière à laisser le lecteur libre de se forger sa propre conviction. Les études, témoignages et textes inédits réunis dans le présent dossier tracent le portrait d’un écrivain dont l’élévation d’esprit n’a d’égale que l’inventivité verbale.

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JEAN SÉNAC

Il est temps, sans doute, de lire ou de relire l’œuvre de Jean Sénac (1926-1973). Poète algérien « de graphie française », selon son expression, il aura fait une entrée fracassante en poésie, au milieu des années 1950, sous le double patronage d’Albert Camus et de René Char.

Des nuits de son exil parisien à celles de sa « cave-vigie » de la rue Élisée-Reclus, à Alger, où il vécut et fut assassiné, Sénac aura traversé sa trop brève existence comme le veilleur d’Eschyle, les yeux fixés vers l’horizon, guettant une aurore qui tardait à poindre. C’est pourtant une poésie solaire que celle de Sénac, une poésie de « l’atelier immense du soleil », comme l’écrivait René Char. « Poète de lumière, Jean Sénac était en même temps un homme passionné de justice et d’une générosité sans limite », a pu dire Emmanuel Roblès.

Cette lumière, cette passion, cette générosité, qui font la singularité de la poésie de Sénac, elles résonnent d’une manière singulière dans la France et l’Algérie d’aujourd’hui.