Sous la direction de Guillaume Peureux et Anne Réach

L’objectif du groupe « Génétique XVI-XVII » est d’interroger les conditions de possibilité d’une étude de la genèse des écrits des XVIe et XVIIe siècles en prenant en considération les spécificités du régime textuel qui caractérise les productions de la première modernité : de la composition manuscrite d’un unique auteur aux diverses formes d’écriture à plusieurs mains, de la réappropriation des passeurs de textes que sont les secrétaires, traducteurs, compilateurs, commentateurs, illustrateurs, imprimeurs-libraires, aux nouveaux états manuscrits, parfois émanant des auteurs premiers, qu’occasionnent ces manipulations textuelles, etc.

Le séminaire de « Génétique éditoriale de la première modernité », codirigé, depuis 2016, par Anne Réach-Ngô et Richard Walter, interroge ces enjeux théoriques et méthodologiques, en mettant l’accent sur les modalités de publication de ces corpus. À une réflexion théorique, nourrie de présentations de projets en cours, se trouve associé un atelier pratique d’édition numérique, qui expérimente les différents outils à disposition pour restituer la singularité des modes de production, de circulation et de diffusion des recueils poétiques collectifs de la deuxième partie du XVIe siècle.

Les travaux de Guillaume Peureux, consacrés à l’exploration de la production poétique entre 1570 et la fin du XVIIe siècle, prennent également pour objet l’étude des processus collaboratifs de création, mais aussi des modes de diffusion et de réemploi des textes les soumettent à une importante variabilité pour laquelle s’impose une approche généticienne. Un numéro de la revue Littérales, « Dossiers génétiques complexes », ainsi qu’un ouvrage, De Main en main. L’instabilité du poème au XVIIe siècle, à paraître en 2019, s’inscrivent dans ces réflexions.

De telles perspectives soulèvent la question du statut du texte littéraire de la première modernité et de sa reconfiguration rétrospective à travers le prisme des définitions modernes de l’auctorialité et de la paternité littéraire. Une journée d’étude (automne 2019), consacrée à la patrimonialisation littéraire des écrits de la première modernité, permettra d’examiner les processus qui concourent à « formater » des écrits aux états multiples, instables, difficilement assignables à un auteur unique – qui résistent en somme, à la constitution d’un dossier génétique en bonne et due forme – afin de produire des patrimoines littéraires nationaux bien identifiés, présentés comme des panthéons, palmarès, etc. En mettant en lumière ces procédés d’homogénéisation rétrospectifs, qui participent à l’élaboration du canon littéraire et en conditionnent l’analyse, on voudrait interroger les présupposés théoriques et méthodologiques nécessaires à la prise en compte des spécificités du régime textuel de la première modernité. L’étude d’objets complexes comme les anthologies, les recueils collectifs, les œuvres complètes, les réimpressions tardives de bibliophiles, produits dès le XVIIe siècle jusqu’à nos jours, pourrait mettre en relief ces diverses manières de traiter les textes, les auteurs, les écoles littéraires et les genres, qui orientent notre appréhension des écrits des XVIe et XVIIe siècles.

En vue de la préparation de cette journée d’étude, le groupe « Génétique XVI-XVII » pourrait se réunir lors de rencontres bimestrielles à partir d’octobre 2018, autour des méthodes d’analyse propres à des objets textuels de ce type, à la fois manuscrits et imprimés, signés et anonymes, stabilisés ou en reconfiguration permanente. L’atelier d’édition numérique initié dans le cadre du séminaire « Génétique éditoriale de la première modernité » pourrait également se poursuivre, en étroite relation avec les rencontres du groupe « Génétique XVI-XVII ».